vendredi 5 novembre 2010

Les Croisades


Le monde méditerranéen à la veille des croisades
Etendu de l'Inde à l'Espagne, le monde musulman tire son unité de la prééminence de l'Islam et de la langue arabe. Les villes nombreuses présentent toutes le même aspect et sont le siège d'un commerce international A la mort de Mahomet, tous les territoires relevant de l'Islam sont rassemblés sous l'autorité d'un calife. Après les Omeyyades et les Abbassides, le califat connaît un long déclin politique. Il subit la sécession des régions éloignées et doit compter avec la contestation de sa légitimité par des dissidents religieux, comme les chiites. En Afrique du Nord, les Fatimides qui sont chiites se proclament calife, conquièrent l'Egypte et fondent Le Caire.

Les Turcs convertis à l'Islam prennent de plus en plus d'importance. Leur chef Toghul-Bed de la famille des Seldjoukides s'impose au califat de Bagdad et se proclame sultan. Au milieu du XIe siècle, les Turcs se retournent contre Byzance et remportent la bataille de Montzikert en 1071. Les sultans ne parviennent pas à recréer l'unité. Les Fatimides restent indépendants. De plus en 1092, à la mort de Malik Shah, le califat se martèle en plusieurs principautés. Enfin, les multiples particularismes religieux ne font que renforcer ce phénomène.

En 1025, Byzance est à son apogée et couvre une bonne partie de l'Europe de l'Est, ainsi qu'une partie de l'Asie Mineure. L'administration avec à sa tête le basileus, forme un vaste réseau qui enserre la société. Constantinople resplendit par la beauté et la richesse de ses monuments. L'aristocratie militaire et foncière voit sa puissance diminuée par l'ascension des marchands et de la bourgeoisie. Mais la guerre contre les Turcs leur donne l'occasion de revenir. Byzantins et musulmans ont noué de forts liens économiques et culturels. Vis à vis des occidentaux, les Byzantins éprouvent mépris et méfiance.

Au début du XIe siècle, l'Occident est vide d'hommes, ses paysans sont pauvres et assujettis. La monnaie ne circule plus, la culture est cantonnée aux cours et aux monastères. La brutalité caractérise les rapports sociaux. Peu à peu la situation s'améliore. Les outils et les techniques agricoles se perfectionnent, ce qui provoque un recul de la maladie et une croissance démographique. Les villes commencent à se développer et à commercer. Des changements interviennent dans l'art de combattre Vêtus d'une cuirasse et d'un casque, les seigneurs perfectionnent leur armement. La guerre devient une affaire de spécialistes, qui nécessite un entraînement et des moyens financiers. Se développe ainsi la chevalerie, caste militaire dont les valeurs sont la force, l'honneur et le courage. Les gens d'Eglise participent parfois à l'idéal chevaleresque. L'Eglise réussit à dégager le clergé de la féodalité par la réforme grégorienne. La paix de Dieu est établie. Elle a pour but d'empêcher la guerre entre chrétiens et de lui donner une empreinte religieuse. Le chevalier devient un héros pieux défendant l'Eglise et les opprimés.

L'Occident a pour unique ciment la religion chrétienne et ses dogmes. Dans ce cadre, la Palestine et Jérusalem occupent une place importante, notamment pour les pèlerinages. Les musulmans ne s’y sont guère opposés jusque dans les années 1080, où des persécutions commencent. En 1095 à Clermont, le pape Urbain II lance un appel à tous les seigneurs occidentaux pour libérer les lieux saints. Par ailleurs, les nouvelles venant de Byzance montrent que le christianisme est en danger. De plus, c'est le seul moyen de rassembler les seigneurs occidentaux sous l'autorité d'un seul chef.


Première croisade et fondation des Etats Latins d'Orient
Urbain II ne pensait pas que son appel, serait autant suivi. Quatre grandes armées partent pour la Terre Sainte, composées de multiples nationalités. Les seigneurs désirent l'absolution de leurs pêchés et aussi conquérir de nouvelles terres. De plus, la ferveur gagne aussi les paysans, qui accompagnent les seigneurs en grand nombre. Ces derniers sont guidés par Pierre l'Ermite.

La longue marche des croisés a été marquée par des pillages, des destructions et des massacres de juifs en Hongrie et en Rhénanie. Ils arrivent à Constantinople en 1096 et Alexis Ier empereur de Byzance ne tarde pas à les faire traverser le Bosphore. En Turquie, les premières guerres commencent et sont des désastres. Le Basileus met en place le rapatriement d'un grand nombre de paysans. Les croisés expliquent cette défaite par la trahison du Basileus et dorénavant s'en méfient. Alexis Ier est obligé de négocier pour que son empire ne soit pas attaqué par les croisés. Ces derniers repartent et parviennent en Syrie en 1097. L'année suivante, Baudouin conquiert Edesse en Arménie et fonde le premier état.

Pendant ce temps, les croisés mettent le siège devant Antioche. Faute de matériel, ils ne peuvent pas la prendre d'assaut. La ville finit par tomber à la suite d'une trahison. Les grands seigneurs se querellent sur celui qui dirigera la ville. C'est Bohémond qui l'emporte. Les croisés soutenus par la ferveur populaire, repartent pour Jérusalem. La ville est en vue en 1099. Après de longues prières et un jeun, l'assaut est lancé le 13 juin. La situation et la température ne jouent pas en faveur des assiégeants. Le 8 novembre afin de demander l'aide de Dieu, on ordonne de nouvelles pénitences. Le 15 la ville finit par tomber. Les Juifs et les Arabes sont massacrés. La ville doit être conservée et défendue. On discute sur les moyens de le faire. Godefroi de Bouillon est chargé de la protéger et de la gouverner. Il nomme son frère comme héritier.


Les Etats Latins d'Orient à leur apogée
Dans les Etats Latins, le roi est héréditaire et ne dispose pas d'appareils administratifs. La vie du royaume se concentre à la cour où se regroupent les seigneurs. Le gouvernement de chaque seigneurie est dévolu à un seigneur, qui doit tout au roi. Il a le droit de justice, de percevoir les taxes et de mobiliser des troupes. Seules les communes échappent partiellement à l'autorité du roi. Ce sont des colonies fondées à l'intérieur des villes par des Italiens, Français et Espagnols. Leurs membres appartiennent à la bourgeoisie. Ils tirent leur force du commerce, mais surtout de la marine.

La puissance des Francs est fragile, car ils ne cherchent qu'à dominer les vaincus. Un fossé s'élargit entre les chrétiens et les musulmans et entre les villes et les campagnes. Les Francs prennent la place des propriétaires musulmans et soumettent les paysans à de lourdes taxes. En revanche, ils ne changent rien au fonctionnement interne des seigneuries.

Les Francs ne montrent aucune souplesse. Ils constituent une hiérarchie ecclésiastique latine et s'adjugent les églises, ce qui ne favorise pas de bonnes relations avec Byzance, où l'orthodoxie domine Pour eux, les Francs deviennent des ennemis pires que les musulmans. L'arrivée d'émigrants, les alliances et l'hérédité des seigneuries, font que les états deviennent trop étroits pour contenter tout le monde. Une hiérarchie de la noblesse se crée, ce qui engendre une concurrence et l'émergence de puissants seigneurs capables de jouer un rôle politique important.
Au XIe siècle, deux ordres religieux se créent les Templiers et les Hospitaliers, qui sont chargés d'assurer la sécurité des pèlerins. Au fur et à mesure, ils deviennent des ordres assez puissants pour être quasi indépendants.


Zengi, Nur ed Din et l'unification de la Syrie
Dès leur arrivée, les Francs ont scandalisé par leur brutalité, leur sectarisme et leur barbarisme. A partir de 1114, toutes les villes des environs d'Antioche rejoignent Alep. En 1117, des révoltes éclatent. En 1120, l'événement décisif est le changement d'état d'esprit de la bourgeoisie d'Alep et de Damas, atteinte dans leur dignité comme dans leurs intérêts. En effet, les Francs contrôlent de plus en plus les routes commerciales. L'idéal de jihad renaît, se nourrissant d'un danger grandissant pour la religion musulmane et pour l'indépendance des musulmans.

En 1124, l'émir d'Alep est obligé de demander l'aide de l'émir de Mossoul. Ce dernier accepte à la condition que la ville soit placée sous son commandement. Cette union est dirigée par Zengi dont le principal souci est d'imposer sa puissance au Moyen Orient. Par la conquête, il parvient à s'imposer et s'empare de nombreux territoires. En 1135, il n'a pas réussi à prendre Damas, mais il a amputé les Etats Latins d'un tiers de leur surface. Par ailleurs, les Francs ne peuvent pas compter sur une aide des Byzantins. Zengi se tourne contre Edesse, qui constitue une menace pour les caravanes entre Alep et Mossoul. Profitant de l'affaiblissement de l'armée adverse, il prend la ville en 1144 après un siège d'un mois. Il ne massacre pas les habitants. Au contraire, il leur procure des privilèges. La même année, Zengi est assassiné.

Son fils Nur ed Din lui succède. Devant l'annonce de la catastrophe, une nouvelle croisade est prêchée par Saint Bernard et organisée par Louis VII roi de France et Conrad III empereur germanique. Les croisés arrivent en 1148. L'armée allemande est vite anéantie. Les Français harcelés préfèrent se rendre à Jérusalem plutôt que d'attaquer Alep, puis regagnent la France. En 1149, c'est la principauté d'Antioche qui tombe puis Damas. Toute la Syrie est unifiée politiquement et ses frontières se sont étendues.

Baudouin III, roi de Jérusalem demande l'aide de Byzance sans grand résultat. Nur ed Din ne se contente pas d'attaquer les Etats Latins, il s'empare aussi de l'Anatolie et d'une partie de l'Irak. Nur ed Din fait du jihad une théorie complète qui marque sa ligne politique, puis il y ajoute le concept de la sainteté de Jérusalem et la nécessité de rétablir l'unité politique du Proche Orient, afin d'expulser les Francs. Cette idéologie du jihad se diffuse à partir des établissements religieux. Nur ed Din refonde et renforce l'administration, l'économie et les moyens de communication. Il construit également de puissantes forteresses.

En 1164, Nur ed Din rêve de s emparer de l'Egypte et la situation le lui permet, mais c'est sans compter sur une alliance du vizir égyptien avec les Francs. Cette fois un accord est conclu avec Byzance. La guerre éclate en 1169 et les Francs doivent se retirer. L'Egypte passe à un neveu du vizir nommé Saladin, qui noue une alliance avec la Syrie. La mort de Nur ed Din le 15 mai 1175, fait de Saladin la principale force de l'Islam.


Victoires de Saladin et survivance des Etats Latins d'Orient
Saladin met neuf ans à construire et solidifier son empire. Il se heurte à plusieurs ennemis comme les Francs et les Zengides, qui tiennent Alep et Mossoul. Entre 1175 et 1180, l'avantage va aux Francs, mais de nouvelles tensions avec Byzance font basculer la balance. Victoires et défaites se succèdent. Les Francs gardent leurs villes et leurs forteresses, mais subissent des défaites au cœur de leur territoire. Une trêve est signée en 1180.

La guerre reprend un an plus tard, mais Saladin préfère en finir avec les Zengides. En juin 1183, il prend enfin Alep et s'impose comme le maître absolu. En 1182, une expédition franque a pour but d'attaquer La Mecque. Saladin l'empêche in extremis et se pose comme le défenseur de la religion. Les Francs restent groupés dans leurs forteresses et il est impossible de les en déloger. Une nouvelle trêve est signée en 1185. Saladin a besoin de temps pour mettre à profit les immenses richesses de son nouvel empire et en composer une armée qui en soit digne. Notamment, il remet sur pied une marine.

Les états Latins s'affaiblissent. Baudouin IV étant malade, des clans se forment pour prendre le pouvoir. Pourtant, le roi a confié sa couronne à Gui de Lusignan. Mais à la suite d'une rixe, il le déshérite en faveur de Raymond et de son neveu Baudouin. Ce dernier monte sur le trône sous le nom de Baudouin V et ne règne qu'un an. Gui de Lusignan écarte Raymond et se fait couronner roi. Raymond s'enfuit et tente de passer un accord avec Saladin pour recouvrer sa couronne. Profitant de ces faiblesses, Saladin reprend la guerre en 1187. Gui et Raymond se réconcilient. Les deux armées se retrouvent à Hattin. Les musulmans deux fois supérieurs, ne font qu'une bouchée des francs. Le sultan traite Gui de Lusignan en roi et épargne les prisonniers. En revanche, il fait exécuter tous les templiers et tous les hospitaliers qu'il rencontre. Par la suite, il soumet une à une les villes franques et reprend Jérusalem le 2 octobre 1187. Seul le royaume de Tyr gouverné par Conrad de Montferrat résiste avec la principauté d'Antioche. Les deux royaumes sont trop isolés pour faire quoique ce soit.

La troisième croisade démarre avec l'accord du Pape, l'Empereur Frédéric Barberousse, le roi d'Angleterre Richard Cœur de Lion et le roi de France Philippe Auguste. Accompagnés de nombreux contingents, ils partent pour le Proche Orient en 1190. Après la prise de Chypre et d'Alep, Philippe Auguste regagne la France. Richard Cœur de Lion remporte de nombreuses batailles. Le 2 novembre 1192, une trêve est conclue. Saladin garde l'Egypte, les Francs récupèrent la côte de Tyr à Jaffa. Tous les pèlerins quelque soit leur religion doivent être protégés. Les Etats Latins survivent donc. Ils sont trop faibles pour constituer un danger et en même temps trop forts pour être anéantis.

Les successeurs de Saladin, comme ceux des rois Francs, ne souhaitent plus la guerre. Toutefois, la Papauté s'obstine. Une quatrième croisade est décidée, mais elle est détournée dans des conditions complexes. Pour venir en aide aux Vénitiens, dont le commerce est perturbé par les Byzantins, les croisés attaquent et pillent Constantinople avant de rentrer chez eux.

La cinquième croisade (1217-1219) se déroule en Egypte. Les Francs espèrent échanger Jérusalem contre ce pays. Le plan est à deux doigts de réussir, mais finit par échouer à cause des ordres du pape. La sixième croisade débute au milieu du XIIIe siècle. Elle est favorisée par l'avancée des Mongols près de la Mer Caspienne. Toutefois, celle ci est de nouveau le théâtre de plusieurs scandales. En effet, elle est menée par l'empereur Frédéric II qui a été excommunié. Le 11 février 1229, il récupère Jérusalem par négociation. Cette situation ne dure guère longtemps. Innocent IV ordonne alors une septième croisade qui est dirigée par Saint Louis roi de France en 1248. C'est de nouveau un échec. Le roi est capturé et la France doit verser une énorme rançon.

C'est alors que la puissance mongole s'affirme. Hulagin fonde un état en Syrie. En 1258, il prend Bagdad et renverse le califat abbasside. Leur avancée est arrêtée par les Mamelouks en 1260. Face à cette menace, le sultan du Caire s'empare d'une part importante des états Latins. Une huitième croisade est alors engagée en 1270 pour les libérer. Celle ci est stoppée par la mort de Saint Louis devant Tunis. En 1281, les Mongols reprennent leur offensive. Ils sont de nouveau arrêtés. C'est alors que le sultan Kalaoun décide d'en finir avec les états Latins. Acre est prise le 18 mai 1291. Tout les Francs sont chassés sans espoir de retour. Seule Chypre reste aux Francs. Ainsi se termine une époque de deux siècles qui a engendré une hostilité, une méfiance et une incompréhension réciproques qui dureront plusieurs siècles.



"Jamais répondit le duc d'Auge. Je lui ai déjà expliqué que je ne voulais plus remettre les pieds dans ces bleds impossibles. Une croisade c'est beaucoup, deux c'est trop."
Raymond Queneau


Source :
Texte : TATE. George, Les Croisades
Image : thetrum-belli.com

jeudi 4 novembre 2010

Charles Quint


Un bourguignon à la couronne d'Espagne
Charles Quint est né à Gand le 24 février 1500. Il est le fils de Jeanne d'Espagne et de Philippe le Beau fils de l'empereur Maximilien Ier. Charles n'a guère connu ses parents. Son père meurt en 1506 et sa mère sombre dans la mélancolie. Il est élevé par sa tante Marguerite d'Autriche, son tuteur Guillaume de Croy et son précepteur Adrien Florisjoon le futur pape Adrien VI. Sa langue maternelle est le français et il apprend l'espagnol. En revanche, il ne parlera jamais allemand. Élevé dans le culte des anciens ducs de Bourgogne, Charles hérite du rêve du grand état bourguignon.

Les Flandres forment l'héritage le plus riche de cet état bourguignon, qui tire sa puissance du commerce de la laine et de l'industrie du textile. C'est également un pôle culturel avec l'université de Louvain et la présence de nombreux savants et artistes comme Erasme et Van Eyck. Les Flandres sont sous domination espagnole depuis le XVe siècle. Celle ci n'est pas contestée, car elle favorise le commerce. En effet, les Flamands sont les négociants pour l'Espagne et leurs fournisseurs. Les deux pays ont donc toutes les raisons d'être gouvernés par le même souverain.

L'adolescence du prince est nourrie de romans de chevalerie et des mémoires des nobles bourguignons. Un ordre symbolise cet idéal de chevalerie : la Toison d'or qui est l'emblème des grands ducs de l'Occident. Charles Quint l'introduit en Espagne en 1527. De cette éducation, il conserve le goût des fêtes, des cérémonies, des banquets et des exercices physiques.

En 1504, Isabelle meurt, laissant le pouvoir au roi Ferdinand guère apprécié de la noblesse castillane. Philippe le Beau devient leur favori, mais sa mort coupe net toute tentative. Ferdinand meurt en 1516, mais sa fille, la mère de Charles Quint, est jugée inapte à gouverner à cause de ses problèmes psychologiques. Charles est alors nommé Roi de Castille et d'Aragon. Le 18 septembre 1517, il arrive en Espagne. Reste le problème de Ferdinand. Ce dernier est exilé du royaume et hérite de la couronne de Hongrie.

C'est le 18 novembre 1517 que Charles fait sa première entrée royale à Valladolid. Il est mal accueilli, car il ne parle pas encore espagnol et n'est entouré que de Flamands. Par la suite, les choses se passent mieux à Barcelone et Saragosse. Le 28 juin, il apprend la mort de son grand père et se présente à l'élection palatine.

Il est élu empereur en 1520. La noblesse ne voit pas d'un très bon œil cette élection craignant que l'Espagne ne soit plus qu'une simple province du Saint Empire. La Castille se soulève. Les insurgés veulent libérer Jeanne et la mettre sur le trône. Les communeros un groupe de nobles, refusent de favoriser la politique de Charles Quint. Ils affirment que les assemblées nobiliaires sont supérieures au roi. C'est bien une révolution qui se prépare. Charles Quint envoie l'armée et le mouvement est réprimé dans le sang. Il sait en tirer les enseignements et tâche par la suite d'être plus proche du peuple espagnol. C'est ainsi qu'il apprend la langue, nomme comme principaux ministres des Espagnols, épouse Isabelle du Portugal, qui meurt en couche le 1er mars 1539.


L'Espagne de Charles Quint
L'Empire de Charles Quint, aussi vaste soit-il n'est que la somme de principautés sans grande cohésion entre elles. Les Espagnols centre de l'Empire, ont du mal à s'accoutumer aux coutumes bourguignonnes, qu'ils jugent trop rudes. C'est Charles Quint qui fixe les règles de l'étiquette de la cour. Il s'appuie sur la plus riche province de son royaume à savoir la Castille et des assemblées regroupant l'aristocratie locale et le clergé. Mais ces assemblées ne sont pas en mesure de s'opposer au pouvoir royal. Une série de conseils assurent le fonctionnement des pouvoirs publics. Cette collégialité est une des caractéristiques de l'administration des Habsbourg et est composée en majorité de juristes.

Charles Quint favorise les exportations de laine, mais la concurrence étrangère est rude. Les autorités municipales s'inquiètent des vagabonds et des chômeurs qui errent dans les rues. Une politique salariale est mise en place, en plus de l'interdiction pour les chômeurs de toucher l'aumône. Depuis le début du siècle, l'Espagne reçoit une quantité croissante de métaux précieux, ce qui permet de combler les déficits, mais ne résout pas les problèmes sur du long terme. Les banquiers italiens, grands négociateurs doivent dépenser leurs bénéfices en Espagne. Ils achètent des matières premières et des produits agricoles, qu'ils revendent à l'étranger. Ce système accroît la pratique des exploitations agricoles et enferme le pays dans ce type de production.

L'unité religieuse de l'Espagne fait rêver. Pourtant elle est le fruit de l'inquisition et de ses méthodes rigoureuses. Par ailleurs à la fin du XVe siècle, les juifs doivent se convertir ou quitter le pays. Isabelle en 1492, décide de tous les expulser et elle repousse les musulmans en Afrique du Nord. L'inquisition réservée aux juifs, s'étend peu à peu à toutes les formes d'hétérodoxie et surtout au protestantisme.


L'Empire des Indes
En vingt ans et grâce à des aventuriers, les deux empires d'Amérique se sont effondrés et passent sous domination espagnole. Ce nouvel empire repose sur une administration simple, mais efficace. A la base dans les villes, les conquistadors mettent en place des conseils municipaux où sont tolérés les indigènes. Des fonctionnaires royaux et des juristes sont chargés de rendre la justice. En 1524 est créé le Conseil des Indes. Il a une mission d'information, de direction et de contrôle. Des rivalités existent entre les officiers royaux et les conquistadors qui considèrent ces pays comme leur appartenant, puisqu'ils se sont battus pour ça.

Les nouvelles colonies n'ont qu'un seul but le commerce. Elles doivent fournir à l'Espagne tout ce qui n'existe pas en Europe. Séville devient la plaque tournante de ce nouveau commerce. C'est surtout l'or, l'argent, les épices et les bijoux, qui font la richesse de l'Espagne. La colonisation espagnole repose sur l'exploitation du sol et du peuplement.

Dès 1511, des voix s'élèvent pour dénoncer les méthodes de colonisation. Les lois de Burgos avaient cherché à limiter les abus en réglementant le travail forcé. Un professeur de théologie de l'université de Salamanque nommé Francisco Vitoria réfléchit sur la colonisation. Pour lui, l'Espagne n'avait pas le droit de conquérir les empires américains. Toutefois, elle a le devoir d'intervenir pour mettre fin aux mœurs inhumaines et à la tyrannie exercée sur les tribus soumises aux Aztèques et aux Incas. Charles Quint tente de faire interdire les écrits de Vitoria, mais en vain. En 1542, Las Casas montre qu'il est nécessaire de préserver la population indigène et donc d'abolir le travail forcé. Une nouvelle loi transforme les indiens en sujet du roi d'Espagne, mais devant le nombre important de révoltes Charles Quint décide de la supprimer. Le 15 avril 1550, il ordonne de suspendre toutes les opérations de conquête et demande qu'une commission soit saisie du dossier. Elle se compose du Conseil des Indes et de quatre théologiens et se réunit à Valladolid. Ils ne parviennent pas à se mettre d'accord. Il n'en reste pas moine que Charles Quint a eu le courage et le mérite de demander leur avis aux intellectuels de son temps, même s'il savait que cet avis risquait d'être défavorable à sa politique coloniale.


Vers la monarchie universelle ?
C'est sous le titre d'empereur et non de roi que Charles Quint est connu. Il tenait à cette dignité et a payé le prix fort pour l'obtenir, 50.000 florins versés aux sept électeurs paladins. Charles Quint veut redonner à l'Empire sa vision médiévale, c'est à dire un empire regroupant tous les chrétiens dirigés temporellement par l'Empereur et spirituellement par le Pape. Pour lui, il est normal que tous les Européens s'unissent, afin d'éviter une invasion des Turcs et la propagation des idées de Luther. L'Empire tel que le conçoit Charles Quint a pour vocation de représenter les intérêts supérieurs de la chrétienté et de coordonner sous l'autorité morale de son titulaire, l'action des souverains nationaux pour leur éviter de s'engager dans des querelles fratricides.

La Flandre s'intègre mal à l'Empire. Des révoltes éclatent en 1538. Elles sont réprimées dans le sang. C'est le premier signe du malaise entre les Flandres et l'Espagne. Pourtant, Charles Quint est perçu comme l'enfant du pays. Il est respecté. Néanmoins, l'Espagne n'accepte pas vraiment de suivre son roi dans ses grands dessins. Elle lui fournit les crédits et les hommes toujours à contre cœur. Ni la croisade contre les Turcs ni la lutte contre le protestantisme, ne soulèvent l'enthousiasme. C'est que pour les Espagnols le danger est plus proche. Il s'agit des pirates d'Afrique du Nord, qui font de fréquentes razzias sur leurs côtes. Les Espagnols admirent la hauteur de ses vues et ils éprouvent de la fierté d'être gouverné par un si grand monarque.

Il revient à l'empereur en vertu de ses responsabilités supranationales de coordonner l'action des Etats chrétiens face au péril turc, mais le grand ennemi de l'Espagne est la France à cause de l'Italie et de la Bourgogne. La péninsule italienne est le théâtre des affrontements entre les deux grandes puissances. La France s'allie avec les Ottomans, afin de contrer la puissance espagnole en Méditerranée. Cette alliance est la preuve que la croisade est un idéal perdu. L'appui de la Papauté et de quelques états italiens ne permet pas à Charles Quint de mener une guerre ouverte contre les Turcs.

La diffusion du protestantisme pose un autre problème. Si les chrétiens sont divisés comment peut-on battre les Turcs ? D'autant plus que le schisme se développe en Allemagne terre d'Empire. Dès le début, Charles Quint réprouve Luther à qu'il reproche de bafouer les traditions séculaires de l'Eglise, mais il répugne à employer les armes. C'est ainsi qu'il ordonne la réunion de Worms en 1521. L'année suivante, le nouveau Pape Adrien VI qui était le précepteur de l'Empereur, meurt après seulement quelques mois de pontificat. Il est remplacé par Clément VII un Médicis, voulant préserver l'Italie de l'occupation étrangère. La situation s'envenime. Le Pape refuse d'ordonner un concile général comme le souhaite Charles Quint. La guerre éclate.

Au début de l'année 1527, l'armée espagnole positionnée au Nord de l'Italie se met en route pour Rome. Elle est commandée par un français le connétable de Bourbon et comprend des soldats, espagnols, italiens, allemands et suisses. Or le connétable n'a pas de fonds pour assurer la solde des soldats. Il ne les tient qu'en leur promettant le butin de Rome. L'assaut a lieu le 6 mai. Bourbon est tué dès le premier jour. Sans chef, les soldats se livrent aux pires atrocités. L'armée quitte la ville en février 1528. Des mémoires espagnols voient le jour pour justifier le sac de Rome. L'Eglise et le Pape se sont enrichis au détriment des fidèles. Charles Quint sera celui qui restaurera l'ancienne Eglise. Mais Charles Quint veut surtout se réconcilier avec le Pape. En 1530, il reçoit des mains de Clément VII la couronne impériale. Cependant, les relations restent tendues. Jamais, Charles Quint ne trouvera auprès du Pape un interlocuteur partageant ses vues sur la réforme de l'Eglise.

Adrien d'Utrecht avait inculqué à Charles Quint une foi et une pratique religieuse des plus simples auxquelles l'empereur restera toujours fidèle. Il est persuadé qu'on peut régler le schisme de Luther au prix de concessions mutuelles, sans remettre en cause le dogme. Pendant plus de vingt ans, tous les efforts de la politique impériale tendent à aplanir les différences et à rapprocher les deux camps. Les Espagnols se préoccupent peu de ce qui se passe en Allemagne. Plus le temps passe, plus les positions se durcissent et à cela se mêlent des questions politiques. Les princes allemands se servent du protestantisme pour accroître leur pouvoir. Lassé, l'Empereur entre en guerre contre les protestants, mais en vain. La paix d'Augsbourg en 1555 met un point final à tous les efforts de Charles Quint. Chaque Etat allemand se voit le droit d'imposer à ses ressortissants la religion du prince. L'Europe se constitue désormais sur d'autres bases que la foi.

Charles Quint n'a pas pu réaliser les deux grands objectifs qu'il s'était fixé. Les Turcs font des percées en Europe et le protestantisme se propage. Aussi curieux que cela puisse être, ces objectifs sont déjà anachroniques au XVIe siècle. Charles Quint avait en tant qu'empereur une vision européenne de sa politique à une époque où les Etats ne s'intéressent qu'à leurs intérêts nationaux.

Le 22 octobre 1555 à Bruxelles, Charles Quint se dépouille de la Toison d'Or et de la couronne des Pays-Bas et la remet à Guillaume d'Orange. Le 16 janvier 1556, il remet à son fils Philippe II la couronne de Castille, d'Aragon, de Sicile et des Indes. Puis, il se retire au monastère de Yuste. C'est ici qu'il passe ses dernières années. Il se promène à cheval, cultive son jardin et se livre à l'horlogerie avec l'italien Turiano. Il meurt le 21 novembre 1558 à deux heures du matin.


Source :
texte : PEREZ. Joseph : Charles Quint
image : hérodote.net

mercredi 3 novembre 2010

La Commune


Le 18 mars 1871
Le 2 septembre 1870, le Second Empire s'effondre sous les coups des Prussiens à Sedan. Paris connaît le 4, une révolution et la République est de nouveau proclamée. Un gouvernement provisoire composé de douze membres, est nommé avec à sa tête le général Trochu, un orléaniste. Le 19, la capitale est assiégée et le sera pendant 138 jours. Toute la population est mobilisée. Malgré tous leurs efforts, la paix est signée le 28 janvier 1871. C'est une défaite pour la France. Certains la voient comme une lâche capitulation.

Le 8 février ont lieu des élections pour élire une nouvelle assemblée. Partout, à l'exception de Paris et de quelques villes, la volonté de paix l'emporte. Ce sont les monarchistes qui remportent cette élection. Le clivage entre Paris et le gouvernement est à son apogée, face à une province rurale jugée trop cléricale. Le pouvoir exécutif échoit à Adolphe Thiers conservateur et orléaniste.
Si Paris déteste l'assemblée, puisqu'un grand nombre de députés parisiens ont démissionné, celle ci le lui rend bien en prenant des mesures impopulaires et s'installe à Versailles. Au début du mois de mars, une complète anarchie administrative règne à Paris. Dans un grand nombre d'arrondissement, des comités populaires ont pris le contrôle, protégés par la garde nationale, constitués en fédération avec leurs propres statuts. La priorité est la défense de la république, seule forme de gouvernement possible. Le 18 le gouvernement réagit et envoie 3000 hommes, dans le but de reprendre les canons stockés à Montmartre. Ailleurs, d'autres troupes entrent dans la ville. Le tocsin résonne. Tout le monde se mobilise et repousse les armées régulières. Le général Lecomte, chef des opérations est fait prisonnier. On lui ordonne de retirer ses troupes, puis il est exécuté vers 17 heures. A partir de cet instant, Thiers ordonne à tous les ministres, maires et conseillers municipaux de quitter la ville. La voici entièrement indépendante.

Le comité central s'empare de l'hôtel de ville et émet des mesures (interdiction des expulsions, libération des prisonniers politiques, création d'une milice nationale). De nouvelles élections municipales ont lieu et voit de nouveau la victoire des monarchistes. Les relations entre Paris et Versailles sont tendues. Personne n'est prêt à faire des concessions. De nouvelles élections ont lieu et les républicains modérés l'emportent grâce à une forte abstention. La Commune est proclamée où les ouvriers soutenus par l'Internationale sont présents.


L'utopie de Paris libre
Eudes, propose le 29 mars, à l'assemblée nouvellement élue de prendre le nom de Commune. La Commune, c'est d'abord la municipalité de Paris. La revendication d'une municipalité dotée de pouvoirs réels. Pour les jacobins, le terme fait référence à la Révolution française et à la Ière République. Le 5 avril, la Commune se déclare indépendante. Le 19, les communards incitent toutes les autres villes de France de se révolter, afin d'instaurer une nouvelle république, reposant sur une fédération.

Au départ, on choisit une organisation collégiale des services, chacune s'occupant d'un ministère précis. Des commissions les supervisent. Les séances se tiennent à huit clos, mais les comptes rendus sont diffusés dans le Journal Officiel. Toutefois, ce système n'est guère efficace, car il ne prend pas assez vite les décisions. Aussi le 1er mai est voté la création d'un comité de salut public. Les communards entreprennent des réformes dans le commerce et le logement, réorganisent la justice en élisant les magistrats et instaurent la gratuité des procès. En matière militaire, la démocratie directe pose de redoutables problèmes d'organisation. Concernant le monde du travail, les projets sont concrets, modérés et appuyés sur une réflexion ouvrière nouvelle, celle des syndicats et de l'Internationale. Il n'y a pas de remise en cause de la propriété privée. Les métiers sont organisés en associations, afin de protéger les salariés et leur donner les moyens d'améliorer leur carrière.


Le Paris du peuple
La vie continue à Paris. Tout le monde n'est pas passionnément communard à Paris. Certes, il y a un grand nombre d'individus parmi les couches populaires hostiles à la bourgeoisie. Le communard est par définition, républicain, social, démocrate et ennemi de l'exploiteur au sens large du terme, auxquels s'ajoutent les clercs et les royalistes.

La presse joue un rôle considérable. Libres depuis le 4 septembre 1871, les journaux se multiplient. On les lit à haute voix dans les cafés. Ils diffusent les idées socialistes, anarchistes et jacobinistes. On assiste à Paris à une explosion de déchristianisation. Le Second Empire avait établi une religion d'Etat forte et le catholicisme se basant sur la Quonta Cura de 1864, refuse le modernisme et prône un retour en arrière. Les prêtres parisiens sont arrêtés et leurs biens confisqués. La vie à la ville crée et développe des solidarités de quartiers et de clubs. Le service de la garde nationale donne l'occasion à de nombreuses réunions, quasi quotidiennes. Cependant, les clubs restent l'instrument de la politisation populaire. L'entrée est payante. On fait des colloques et des débats sur les actes de la Commune. Certains possèdent même leurs propres journaux.

Les distractions sont rares. Un tiers seulement des théâtres sont ouverts. Ils sont d'ailleurs inaccessibles au public populaire, vu le prix des places. La musique occupe tout l'espace, tant scénique que dans la rue ou les cabarets. Des grands concerts sont organisés avec la participation de chorales.


La ville ensanglantée
Le reste du pays n'a pas suivi les communards. Seules Lyon, Marseille, Saint Etienne et Toulouse et Narbonne connaissent quelques mouvements révolutionnaires, mais ils s'estompent aussi vite qu'ils sont apparus. A Paris, un grand nombre de républicains se veulent conciliants et prêts à négocier avec Versailles, pour la reconnaissance de leurs droits. La Commune les considère comme des traites. De son côté, Thiers refuse tout compromis. Pour se défendre, Paris dispose de 10.000 gardes. En face, l'armée régulière ne compte guère plus d'hommes, mais grâce au retour des prisonniers de Prusse, elle en compte bientôt plus de 130.000. Thiers supervise lui même la stratégie militaire. Les généraux sont pour la plupart des bonapartistes et des monarchistes.

Les hostilités commencent le 2 avril 1872 au Mont Valérien. Dans la bataille deux des plus grands chefs communards sont pris et exécutés. Il s'agit de Gustave Slourense et Emile Duval. Le 11, la véritable offensive commence. L'armée régulière progresse vite à l'Ouest et à l'Est. Au Nord l'armée régulière est bloquée, mais au Sud les confits sont très violents. L'armée s'empare un à un des forts de défense. Le 12 mars, Paris est bombardé. Le 21 mai, les troupes entrent dans la capitale par Saint Cloud. Au bout de trois jours, toute la rive droite est reconquise. Il reste cependant les quartiers populaires, plus aptes à se défendre. Les gens ont érigé des barricades dans toutes les rues. Le 26, seuls quelques quartiers résistent encore comme Belleville et le Père Lachaise, mais tombent le lendemain. Les gardes nationales ont perdu 4000 hommes, les troupes régulières seulement 900. A ces chiffres, il faut ajouter les otages exécutés.

Paris est au deux tiers détruit suite aux bombardements, aux incendies tant accidentels que volontaires. Certains communards désirent détruire la ville plutôt que de la voir retourner aux mains des monarchistes. Des cours provinciales sont mises en place dès le 23 mai, pour juger sommairement les insurgés pris les armes à la main. Les exécutions se font parfois à la mitrailleuse. Elles ont toute lieu durant la semaine sanglante. Une fois la répression terminée, on arrête 42.000 personnes. 6000 sont immédiatement relâchés. Les autres passent devant des conseils de guerre, quelque soit leur sexe, âge ou métier. La majorité est condamnée au bagne ou à la prison.

L'amnistie de la Commune n'arrive qu'au moment où la République s'est solidement enracinée, c'est à dire en 1879 et ne concerne que les condamnés en prison. L'amnistie complète n'est accordée qu'en 1880. La Commune est devenue une référence obligée pour tous les révolutionnaires du XIXe siècle. Mais au XXe, les révolutionnaires n'ont plus grand chose à voir avec leurs aïeux. La Commune est aujourd'hui, un objet historique et seul le Sacré Chœur marque encore le paysage parisien.


Source
Texte : ROUGERIE. Jacques : La Commune.
Image : saintsulpice.unblog.fr

mardi 2 novembre 2010

Christophe Colomb


Dans l'obscurité de l'histoire
Ce sont les besoins économiques de l'Europe et la coupure des liens semi-directs de son commerce avec l'Asie par la conquête ottomane du Proche-Orient, qui vont ouvrir la découverte pratique du monde et fonder la géographie avortée à la fin du monde antique.

Christophe Colomb est né à Gênes dans une humble famille de tisserand en 1451. C'est en fréquentant les corsaires et notamment les corsaires français, qu'il aurait appris à naviguer dès l'âge de 14 ans. Les marins sont en général des marchands. Patrons et marins sont des salariés. Ils naviguent en fonction des engagements qu'ils trouvent. La Méditerranée est partagée en cinq puissances : Venise, Gênes, Florence, Barcelone et l'Aragon.

Le 13 août 1473, Colomb se trouve sur un navire catalan commandé par un français en train de combattre des navires génois. C'est la bataille du Cap Saint Vincent. Le bateau de Colomb s'enflamme et le marin gagne la côte à la nage.


De l'illusion au purgatoire
En 1476, Christophe Colomb se retrouve donc à Lisbonne. Il semble connaître la Méditerranée par cœur, parle plusieurs langues et écrit le latin. En 1481, la paix revient au Portugal et Jean II monte sur le trône. Celui ci s'intéresse aux navigations africaines et aux problèmes cosmographiques. Les Portugais ont deux objectifs en Afrique. Tout d'abord, établir des comptoirs et ensuite trouver une route afin de rejoindre l'Inde.

Le climat de discussions et d'interrogations sur la taille de l'Afrique et la route des Indes reste brûlant et c'est en son centre que Colomb va vivre pendant huit ans. Il acquiert rapidement la conviction et la foi de la vérité de ses thèses, qui affirment que l'on peut rallier l'Asie par l'Ouest. Il échafaude le projet de réaliser cet exploit. Il fait plusieurs voyages aux Açores et en Islande, afin de prendre des mesures sur les courants et les vents.

Comme son frère, Colomb devient cartographe. Il travaille à partir de cartes anciennes et s'efforce de les perfectionner. Il lit également les ouvrages de cosmographie. On soupçonne que le choix de son épouse ne fut pas désintéressé. Filippa Moniz Perestiello est en effet la fille du défunt gouverneur de l'île de Porto Santo. Le mariage a lieu en 1479 et Colomb va vivre un certain temps là bas. Il poursuit ses études sur les vents atlantiques et sa femme donne naissance à son premier fils Diego.

Jean II refuse de prêter à Colomb les bateaux qu'il désire. En effet, le roi ne désire plus financer de tels projets et préfère se concentrer sur l'Afrique. Par ailleurs, les conditions de Colomb lui paraissent trop exagérées. A cette époque, Colomb n'est qu'un pilote parmi tant d'autre. En 1484, sa femme meurt. Colomb quitte le Portugal et se rend en Angleterre. Henri VII trop occupé par la remise en ordre d'un royaume épuisé par la guerre des deux roses ne l'écoute pas. Colomb se rend donc en Castille et rejoint ses deux belles sœurs. Il entre en contact avec les moines de la Pabida et rencontre le père Antonio qui est astronome. Par relation, il rencontre le Duc Luis de Medinaceli, un des plus influents seigneurs de la péninsule. Convaincu du projet de Colomb, mais incapable de le financer, il accompagne le marin à Madrid et l'introduit à la cour.

Isabelle et Ferdinand semblent intéressés par le projet du marin, mais ont d'autres préoccupations pour le moment. En effet, les Espagnols souhaitent libérer leur pays des musulmans. Seule Grenade résiste encore. De plus, ils ont besoin de Colomb pour ouvrir de nouvelles routes maritimes, afin de briser le monopole portugais. En attendant une réponse favorable, Colomb tombe amoureux d'une paysanne appelée Beatriz Henriquez. En 1480, elle lui donne son deuxième fils Fernando. Il rencontre un grand nombre de clercs et d'érudits. Impatient, il réitère sa demande à Jean II, qui refuse une nouvelle fois. Surtout que Bartholomé Dias vient d'atteindre le Sud de l'Afrique. En 1491, le projet stagne. Colomb songe alors à chercher l'appui du roi de France Charles VIII. Mais en 1492, le roi et la reine d'Espagne acceptent enfin. Grenade étant tombée, ses protecteurs sont prêts à financer en grande partie le projet.


La découverte et la gloire
Le soutien des rois catholiques ne règle pas tout. Colomb doit trouver des fonds, former son équipage et passer outre toutes les critiques dont il est victime. Le 17 avril, le secrétaire du roi anoblit Colomb, lui donne le titre d'amiral ainsi que celui de gouverneur des terres fermes et à découvrir, tout cela à titre héréditaire en plus de droits commerciaux sur tout ce qui viendra des nouvelles terres. Colomb lève l'encre le 3 août 1492 avec trois caravelles : la Nina, la Pinta et la Santia Maria qui en réalité s'appelle la Maria Galante. Elle ne prendra ce nom que beaucoup plus tard. Il emmène 90 hommes d'équipage, des amis et des officiers de la couronne.

Dès le départ, une rébellion éclate, puis il faut changer les voiles pour la navigation en haute mer. Bref, l'expédition est bloquée aux Canaries pendant un mois. Durant tout le trajet, Colomb tente de rassurer ses hommes en leur montrant des signes divinatoires et en diminuant les distances à parcourir. Le 24 septembre, l'équipage est en colère. Colomb parvient une fois de plus à les rassurer. Enfin une terre apparaît le 12 octobre à deux heures du matin après 36 jours de navigation.

Colomb et son équipage ont touché une petite île dans l'archipel des Bahamas. Cette terre est habitée par les Taïnos, qui accueillent bien ces étrangers qu’ils pensent être des dieux. Les marins eux aussi sont étonnés de l'accoutrement, de l'alimentation et des manières de vivre. Colomb apprend qu'il existe d'autres îles avec de l'or. Le caractère pacifique de ces indigènes suggère à Colomb la facilité de leur évangélisation et de leur mise en servage. Anthropologie à la fois paternaliste et raciste, fondé sur le droit de la supériorité religieuse, sociale et culturelle dans le but d'imposer sa loi à l'autre. Le 15 octobre, Colomb force sept Taïnos à lui servir de guide. Colomb reprend la mer. Il baptise chaque île qu'il rencontre. Il arrive à Cuba le 28 octobre. Le 21 novembre, Pinzon s'éloigne sur la Pinta, exaspéré par la lenteur et l'autoritarisme de Colomb. Il est par ailleurs pressé de trouver de l'or. Sur la première île qu'il aborde, il trouve des indiens hostiles et est obligé de repartir. Pendant ce temps, Colomb arrive à Haïti le 6 décembre qu'il baptise l'île de la tortue à cause de sa forme. Le soir de Noël, la Santa Maria fait naufrage par manque de vigilance. N'ayant plus assez de place, Colomb fonde une colonie. Il repart le 4 janvier. Pinzon le rejoint. Les retrouvailles sont tendues, mais tout finit par rentrer dans l'ordre. Le 16, ils repartent pour l'Europe.

Le 14 février une énorme tempête éclate et manque de faire sombrer l'expédition qui parvient tout de même à rejoindre les Açores. Après avoir réparé quelque peu ses avaries, il repart le 4 mars, mais s'arrête de nouveau à Lisbonne pour la même raison, où il craint pour sa liberté. Il finit par rejoindre Séville le 11. Peu de temps après, Pinzon meurt de la syphilis, une maladie encore inconnue en Europe.

Colomb sait mettre en avant sa réussite. Il parade dans Séville et dans Barcelone avec ses indiens et son équipage, puis se rend à la cour. Il écrit un récit de son voyage qui sera publié et traduit en latin. L'accueil des rois espagnols est chaleureux, d'autant que le Portugal veut faire main basse sur ces terres. C'est le pape Alexandre VI, qui redéfinit la ligne de partage entre les deux pays.


Nouveau monde et chaos colonial
Le 25 septembre 1493, une flotte de 17 navires comprenant 100 hommes part de Cadix, afin d'établir une colonie durable. Colomb trouve une meilleure route et ne met plus que 20 jours pour arriver à destination. Il arrive le 3 novembre dans les Caraïbes et découvre une tribu portant le même nom, dont la spécificité est l'anthropophagie. Ces indigènes sont hostiles et Colomb préfère repartir pour Haïti.

Colomb retrouve sa colonie complètement dévastée et demande au Taïnos ce qui s'est passé. Les Européens se sont battus entre eux pour l'or et ont négligé les relations avec les Taïnos, ce qui a engendré une guerre. Désormais, les Taïnos fuient les Européens. Colomb préfère s'éloigner un peu et décide la construction d'une nouvelle ville qu'il nomme Isabelle. Avec la construction de la ville, les tensions entre lui et ses hommes commencent, parce qu'il les fait travailler au lieu de chercher de l'or. De plus la maladie s'en mêle favorisée par la fatigue et le manque de nourriture. L'année suivante, Colomb s'enfonce davantage dans les terres et découvre une petite vallée où il installe un fort. Après avoir laissé des instructions à ses officiers, il repart le 24 avril 1494. Il désire explorer la côte sud de Cuba. C'est ainsi qu'il découvre la Jamaïque. Il est persuadé qu'il s'agit d'îles proches de la Chine. Or il ne veut pas aller en Chine. Il n'est pas intéressé par un empire aux armes et aux bateaux innombrables, dont il ne peut pas devenir le gouverneur. C'est précisément sa conviction qui lui fait rebrousser chemin. De retour à Isabelle, il retrouve son frère Bartholemy qui vient d'arriver, mais c'est surtout une situation catastrophique qu'il découvre. Le comportement des Espagnols a fait soulever les Indiens : les rapts des femmes et la fièvre de l'or sont toujours le mélange qui brise l'utopie d'une colonisation pacifique. Colomb n'a plus le choix, il doit employer la force pour retrouver la paix.

Bartholemy chargé de la pacification a déjà tous les traits du conquistador. En mars 1495, les armées espagnoles et indiennes se font face et les Indiens sont écrasés et réduit en esclavage. Les Indiens impuissants mènent une guérilla, mais sont décimés par les nouvelles maladies. Par ailleurs, les souverains espagnols sont contre l'esclavage, s'ils ne sont pas prisonniers de guerre. Des contrôleurs sont envoyés sur place.

Le 10 mars 1496, Colomb repart pour l'Espagne. Avant de pouvoir entreprendre son troisième voyage, il faudra que Colomb attende près de deux ans pour qu'une flotte de six caravelles soit prête. Colomb a de plus en plus de mal à financer ses expéditions. Toutefois, il repart le 30 mai 1498 avec une centaine de femmes pour mettre fin au rapt des femmes indiennes. Il laisse le gros de l'équipage d'Haïti et avec le reste, il part vers le Sud-ouest. Il découvre ainsi une nouvelle terre. Cependant, les Indiens ne sont guère accueillants et Colomb continue vers l'Ouest, où les Indiens semblent plus amicaux. Colomb est à l'embouchure du Rio Grande. Colomb comprend qu'il ne s'agit pas d'une île, mais d'une terre beaucoup plus vaste.

De retour à Isabelle, il découvre que la guerre y bat son plein. Beaucoup de choses ont changé. Tout d'abord, Bartholémy a déplacé la ville davantage vers l'intérieur des terres et fonde Saint Domingue. Partout, il a imposé de lourds tributs aux Indiens. Par ailleurs, Roldon, un officier de Colomb s'est révolté en emmenant avec lui la moitié des colons. Colomb tente de reprendre les choses en main. Il offre à Roldon une grâce et la possibilité de rentrer en Espagne. Cependant Roldon est fier d'être un prince devenu indépendant.

La situation est mal stabilisée. Colomb aggrave son cas auprès des rois, car il n'envoie que des esclaves et pas d'or. Le contrôleur Bodallido arrive à Isabelle le 23 août 1500. Il s'installe chez Colomb, saisit ses papiers, libère les prisonniers espagnols, puis fait arrêter Colomb et son frère et les ramène en Espagne.


La disgrâce, les échecs, la mort
Colomb attend six semaines avant d'être convoqué par Isabelle et Ferdinand. Les deux souverains sont conciliants et modérés et s'engagent à lui restituer ses biens. En revanche, il n'est pas question de lui rendre la vice-royauté et le gouvernement des terres découvertes. C'est quelque peu écarter le découvreur de la découverte et ce dernier ne l'entend pas de cet avis. Interdit de voyage, Colomb va consacrer l'année 1501 à l'écriture d'un livre, où il évoque sa foi et la mission quasi divine dont il s'est assignée. Pour lui avant la fin des temps, le monde sera unifié sous l'unité chrétienne et Jérusalem reprise aux musulmans. La découverte du nouveau monde et son or est un pas vers cet accomplissement.

En 1502, après que Vasco de Gama commence à établir des comptoirs en Inde en contournant l'Afrique, Colomb obtient l'autorisation de reprendre la mer. Il arrive le 20 mai aux Caraïbes, mais sa flotte est prise dans un ouragan. Il en réchappe avec une poignée de marins et rejoint Cuba. Après s'être remis, il reprend la mer et se dirige vers l'Ouest. Il débarque au Nicaragua qu'il croit être le Cambodge. Ne voulant pas aller en Chine, il se dirige vers le Sud. Sur ce continent, il rencontre des Indiens plus évolués. Il croit toucher au but lors que ces derniers lui révèlent l'existence d'un fleuve appelé le Gange. Les voyages sont éprouvants à cause des maladies, des attaques d'animaux et d'Indiens. Ne pouvant plus aller loin, il retourne en Jamaïque. Sur l'île, les relations avec les Indiens sont bonnes, mais c'est encore le comportement des Espagnols qui fait aggraver la situation. Une nouvelle guerre éclate, à laquelle Colomb met fin grâce à une éclipse de lune. Cependant, même les officiers de Colomb n'hésitent plus à le trahir et se plaignent auprès des autorités espagnoles.

Le 26 novembre 1504, Isabelle meurt et laisse Colomb sans protection. Ce dernier est de plus en plus malade. Sa vue baisse terriblement. Ses voyages n'intéressent plus personne. Il n'a pas trouvé de passage vers l'Asie, juste des terres inhospitalières et des promesses d'or non réalisées. Colomb lègue tout ses biens à son fils. Il meurt en 1505 à l'âge de 55 ans.


Sources :
texte : LEQUENNE. Michel : Christophe Colomb
image : memo.fr

lundi 1 novembre 2010

Cléopâtre


Alexandrie, la ville phare
Cléopâtre naît à Alexandrie en -69, dans la famille des Ptolémée Lagides. Elle est d'origine grecque. Elle a une sœur Arsinoé et deux frères futurs Ptolémée XIII et XIV. Les relations familiales sont tendues entre tous les membres, car aucune loi n'interdit à une femme d'accéder au trône d'entre. Elle reçoit une éducation grecque (langue, croyances, coutumes).

Elle vit dans les palais du Nord-est près de la mer. Au Ier siècle av JC, la ville d'Alexandrie resplendit dans le monde par sa richesse, ses monuments et ses savants qui se réunissent dans la bibliothèque. C'est donc tout à fait normal que la ville suscite l'envie de Rome et de l'Empire Perse.

Le père de Cléopâtre, Ptolémée XII pharaon d’Egypte depuis -80, adore les fêtes, les banquets et surtout la musique. Il joue notamment de la flûte. Toutefois, il ne parvient guère à répondre à la crise que traverse le pays en cette période. Pompée, qui en -64 repousse les Perses d'avantage vers l'Ouest, se pose comme le protecteur de l'Egypte. Il rattache à Rome la Syrie. En -66, il s'allie à Jules César et deviennent tous les deux consuls. Ptolémée XII paye cher afin de garder son autonomie.

En -57, le pharaon est chassé d'Alexandrie par son peuple. Il gagne Rome et essaye de se faire un allié de Rome. Sa fille Arsinoé monte sur le trône sous le nom de Bérénice XII. Le Sénat se retrouve arbitre entre le père et la fille. Il se place en faveur du père. Un corps d'armée mené par Gabinius est envoyé en Egypte. Le romain est vainqueur et Bérénice VII est exécutée. Ptolémée XII regagne son trône. Il meurt en -51 et lègue son royaume à sa seconde fille Cléopâtre.


Une reine de dix huit ans
Cléopâtre a reçu une éducation royale qui lui permet tout à fait de régner. Elle a étudié la littérature grecque, la rhétorique, la médecine, les mathématiques et l'astronomie. Elle a également appris à jouer de la lyre et à dessiner. Par ailleurs, elle monte très bien à cheval. Elle possède aussi un don incroyable pour les langues étrangères.

N'ayant pas un physique hors norme, Cléopâtre exerce un charme puissant sur ceux qui l'approchent. On remarque son élégance dans la voix, son intelligence et sa vivacité d'esprit. Elle sait parfaitement utiliser les parfums, les bijoux et le maquillage.

Cléopâtre gouverne à la grecque. Elle s'entoure d'un premier ministre le Diorcète et d'une cour. Mais comme tout pharaon, elle doit être accessible pour son peuple et rendre elle même la justice. La situation est difficile. Le pays connaît une crise économique amplifiée par de mauvaises récoltes. Fort de son caractère, elle prend les mesures qui s'imposent. Elle change le cours de la monnaie pour relancer le commerce. Elle s'arrange également pour se faire l'alliée de Rome et notamment avec Pompée l'homme fort du moment. Pourtant en -48, une révolte éclate et Cléopâtre doit quitter Alexandrie. Elle forme une armée, mais la reconquête s’arrête à Péluse. Pendant ce temps, Pompée est mort et César rentre en grande pompe à Alexandrie. Il est accueilli par Ptolémée XIII. Cléopâtre entre en relation avec le général romain. C'est ainsi qu’elle parvient à regagner son trône, même si elle est doit le partager avec son frère et tout ça sous le contrôle de Rome.

Avec son conseiller Photin, Ptolémée XIII mène une sourde guerre d'intrigue. Une nouvelle révolte éclate. Photin réussit à ramener des troupes de Syrie. César décide de détruire la flotte de Cléopâtre. Il met le feu au port et l'incendie se propage aux quartiers alentours, détruisant la grande bibliothèque. La guerre fait rage. L'expérience et le génie de César lui permettent de résister jusqu'à l'arrivée des renforts. Il parvient ainsi à écraser l'armée de Photin. Ptolémée XIII meurt également durant cette bataille.

Cléopâtre est de nouveau reine d'Egypte. A 22 ans, elle se marie avec son frère cadet encore enfant, qui prend le nom de Ptolémée XIV. Le roi ne gouverne donc pas réellement. L'année suivante, Jules César part en campagne militaire dans le Moyen Orient. Le 23 juin -47, Cléopâtre accouche d'un fils, dont le père est César. Il est nommé Césarion. En -46, elle quitte l'Egypte et rejoint César à Rome, mais le couple n'est guère apprécié. Cléopâtre représente pour les romains le luxe et la débauche. César devient consul à vie, mais refuse le titre de roi. Le 15 mars -44, il est assassiné au Sénat par des républicains. Cléopâtre quitte rapidement la ville.


Souveraine en Orient
Depuis la mort de César, l'Italie est en pleine crise politique et deux hommes s'affrontent pour le pouvoir. Il s'agit d'une part d'Antoine le premier consul et Octave désigné par le testament de César. La guerre civile se déchaîne. Le conflit se rapproche de l'Egypte. Cléopâtre refuse tout appui aux républicains en fuite. Le 23 novembre -43 un accord est passé entre les deux hommes. Cette alliance relative sonne le glas des républicains qui sont peu à peu exterminés. L'Empire se partage en trois en reprenant le système du triumvirat. Octave hérite de la partie occidentale, Antoine la partie orientale et Lépide l'Afrique du Nord.

Antoine entame un voyage en Orient. En -42, il arrive à Tarse et convoque la reine Cléopâtre. Il espère bien s'assurer son soutien, afin de faire face aux Parthes sur la frontière orientale. Cléopâtre elle a tout intérêt à bien s'entendre avec l'homme fort du moment. La reine invite le romain à un somptueux banquet sur le Nil. Leur entente est immédiate. Antoine se rend à Alexandrie. Il y restera un an ; vivant en simple particulier et goutant au plaisir de la cour égyptienne. Cléopâtre est toujours présente à ses côtés. Avec un groupe de compagnons, ils forment une sorte de confrérie qui se livre à ce qu'ils appellent la vie inimitable, dans une joie, une liberté et une ivresse de vivre. Antoine est rappelé par la menace parthe. Après son départ Cléopâtre accouche de deux enfants, Alexandre et Cléopâtre.

En -39, Antoine épouse Octavie la sœur d'Octave, afin de sceller la paix. Le couple s'installe à Athènes. Deux ans plus tard, il part pour Antioche rejoindre Cléopâtre. Les retrouvailles sont chaleureuses. Toutefois, Cléopâtre espère bien récupérer des territoires et former un glacis protecteur contre Hérode roi de Judée. Fort de l'appui financier de Cléopâtre, Antoine parvient à repousser les Parthes. La reine rentre à Alexandrie en vainqueur avec de nouveaux territoires. Elle donne de nouveau naissance à un fils qu'elle appelle Ptolémée. Cependant, la victoire est de courte durée. L'armée d'Antoine est écrasée.

En -35, Octave élimine Lépide et s'empare de ses territoires. La guerre entre les deux consuls est sur le point de se rallumer. Antoine répudie sa femme et rejoint Cléopâtre à Alexandrie, mais avant cela, il soumet l’Arménie et intègre le pays dans l'empire.


Le choc de deux empires
Antoine veut éviter le conflit armé. Il tient à rester dans la légalité et désir faire reconnaître officiellement par le Sénat la gestion de l'Orient. Seulement, Octave fait feu de tout bois et sa propagande à gain de cause. Cléopâtre est une magicienne qui détourne le général romain de sa patrie.

Dès -32 le couple s'installe à Ephèse. Cléopâtre est une véritable souveraine. Elle a son armée, rend la justice, fait des décrets, gère l'économie. La ville se transforme peu à peu en base militaire. Cependant, certains des généraux d’Antoine se rallient à Octave, par mépris de l'Egyptienne et livrent d'importantes informations. Par une manipulation de document, Octave parvient à décider le Sénat à déclarer la guerre à l'Egypte. Après avoir levé des troupes en Italie et en Gaule, il se met en route pour la Grèce.

La rencontre a lieu à Actium. Agrippa général d'Octave s'empare de toutes les îles du Golfe. L'armée d'Antoine voit son approvisionnement diminuer. La seule solution est de forcer le blocus et de tenter une retraite. Le 2 septembre -31, le plan est mis à exécution, mais Agrippa arrive à déjouer la manœuvre. Cléopâtre parvient à s'échapper sans trop de difficulté. Quant à Antoine, c'est à la nage qu'il regagne les côtes.


Les compagnons de la mort
Après la défaite d'Actium, le couple rentre à Alexandrie. Antoine sombre dans la mélancolie et vit reculé comme un ermite. Il faudra toute la persuasion de Cléopâtre pour le ramener au Palais. Cléopâtre sait qu'Octave ne renoncera pas. Elle émet le projet de fuir en Inde par la mer, mais ce projet est rendu obsolète par la présence de la flotte perse.

En -30, Octave arrive en Egypte par l'Ouest et son général Gallus arrive par l'Est. Cléopâtre cherche alors à négocier. Antoine est prêt à renoncer à ses titres. Octave veut que la reine abdique et que son rival meure. Consciente que les négociations ne mèneront à rien, Cléopâtre envisage de se donner la mort. Octave lance ses troupes à l'assaut du pays et arrive sans difficulté à Alexandrie. Antoine avec le peu de troupes qu'il lui reste organise la défense. Durant le siège de la ville, il apprend que Cléopâtre vient de mourir. Ne supportant pas la nouvelle, il demande à son serviteur Eros de le tuer. Celui ci refuse et Antoine se donne lui même la mort.

Octave craint que Cléopâtre se suicide également. Il la veut vivante, afin de l'emmener à Rome pour son triomphe. Il donne l'ordre de prendre la ville et de la capturer. C'est chose faite le 1er août. Cléopâtre prisonnière dans son palais se laisse mourir de faim. Octave menace de tuer ses enfants si elle persiste à ne pas se nourrir. Elle préfère céder. Trois jours avant son départ pour Rome, la reine d'Egypte décide d'en finir. Avec deux de ses servantes, elle se pique avec une aiguille empoisonnée. Le dernier pharaon s'éteint à l'âge de 39 ans.


" Le nez de Cléopâtre, s'il eut été plus court, toute la face de la terre aurait été changé."
Blaise Pascal


Source :
Texte : FLAMARION. Edith : Cléopâtre
Image : herodote.net