dimanche 3 avril 2011

Les Phéniciens

Un pays entre mer et montagne

Le pays des Phéniciens est l’étroite bande côtière, qui s’étend de la Syrie jusqu’au Carmel, entre la montagne libanaise et la Mer Méditerranée. Il comprend des sites portuaires, de petits espaces de plaines et un arrière pays de montagnes.

Les Phéniciens n’ont jamais formé une entité politique unifiée. Néanmoins, ils partageaient une langue commune apparentée à l’hébreu ou à l’arabe, ainsi qu’un substrat culturel, religieux et artistique. Les Phéniciens ne s’appelaient pas de la sorte. On ignore d’ailleurs, s’il existait un nom par lequel ils se désignaient collectivement. Les Grecs leur ont donné ce nom, désignant le palmier dattier ou la couleur rouge. On explique ce nom, soit par la teinture de pourpre, dont les Phéniciens se sont fait une spécialité, soit par la couleur de peau plus cuivrée que celle des Grecs.



La diffusion de l’alphabet

L’alphabet phénicien du Ier millénaire constitue l’origine de tous les alphabets actuellement utilisés. Il est lui même l’héritier d’un système alphabétique du millénaire précédent retrouvé dans le Sinaï.


L’alphabet phénicien ne comporte que des consommes et s’écrit de droite à gauche. Il comprend 22 lettres. Les premiers témoignages d’écriture sont des marques de propriété sur des pointes de flèches. L’écriture s’est répandue dans tout le Proche Orient et en Méditerranée, suivant le passage des marchands phéniciens. A partir du Xe siècle av JC, l’alphabet est repris par les peuples voisins, qui le modifient. Certains ont disparu, tandis que d’autres ont subsisté. Il s’agit par exemple de l’araméen, largement diffusé par les Perses et qui demeure la langue de tout le Proche Orient, jusqu’à l’arrivée de l’arabe.


Les Grecs ayant perdu l’usage de l’écriture lors de la disparition du monde mycénien au IXe siècle av JC, reprennent l’alphabet phénicien. Ils introduisent des voyelles et l’enrichissent. L’alphabet grec est repris et modifié par les Etrusques. Il donnera naissance au latin, base de toutes les langues occidentales. L’alphabet cyrillique d’origine grecque est aussi un descendant de l’alphabet phénicien.



Un monde de cités Etat

Les villes phéniciennes sont toutes côtières et leurs fondations sont antérieures au II millénaire av JC. A partir du règne de Ramsès II, elles sont vassales de Pharaon. L’invasion du peuple de la mer marque la fin de l’empire hittite et le repli de l’Egypte. Les cités accèdent à l’indépendance. A partir du IXe siècle av JC, elles subissent la pression des armées assyriennes. Elles passent successivement de la domination assyrienne, babylonienne, perse, puis grecque.


Arwad est un riche port gouverné par des rois. Il est le siège du pouvoir égyptien dans la région. La cité est célèbre pour ses eaux curatives.


Byblos est probablement la cité la plus ancienne. Elle tire sa puissance de l’exploitation du bois et de sa position de carrefour politique et économique. Elle est l’une des premières cités à frapper sa monnaie. Au premier millénaire, elle est un centre intellectuel et joue un rôle prépondérant dans le développement de l’écriture phénicienne. Exportatrice de rouleaux, la ville a laissé son nom au support écrit. Byblos en grec signifie livre et la Bible tire son nom de là. Beyrouth est méconnue à l’époque phénicienne faute de documents. A l’époque hellénistique, des marchands sont présents dans tout le monde grec.


La cité de Sidon, gouvernée par des rois ayant suivis une politique pro égyptienne, s’allie à Tyr. Pendant deux siècles, les deux cités sont dirigées par le même souverain. Sous la domination perse, Sidon est le centre culturel phénicien.


Tyr est une cité insulaire. Alexandre le Grand construit une immense digue pour conquérir la ville. Cette dernière s’est ensablée, formant un véritable cordon rattachant la cité à la côte. La fondation de Tyr se situe vers -2750. Son histoire est en partie retracée dans la Bible. Carthage a été fondée par Elissa la sœur de Pygmalion roi de Tyr. Ses navires sont présents en Méditerranée et en Mer Rouge. Elle est spécialisée dans la pêche du murex, ce coquillage utilisé pour obtenir la teinture rouge par broyage.



Voyageurs et commerçants

Marins habilles, mais d’abord armateurs, les Phéniciens ont construit de gros navires de commerce à coque ronde et de fines galères de guerre. Les routes commerciales sont autant maritimes que terrestres. Les produits phéniciens se retrouvent en Anatolie et dans l’Empire assyrien. Les artisans sont invités par les empereurs pour orner leur palais.


Israël entretint avec Tyr des relations privilégiées, marquées par une coopération économique et artistique. Les armateurs de Sidon sont très actifs dans les ports égyptiens et constituent une source d’approvisionnement pour les métaux.


C’est d’ailleurs, cette quête de métaux, qui va pousser les Phéniciens à s’aventurer sur les routes maritimes occidentales. Chypre est réputée pour son cuivre. Une colonie tyrienne y est fondée au Xe siècle av JC. Des comptoirs sont présents sur toutes les côtes grecques, ainsi que dans les Baléares, Malte, la Sicile et la Sardaigne. Ses escales assurent la route jusqu’à la péninsule ibérique, riche en argent, cuivre et plomb. Jusqu’à son indépendance, Carthage demeure un simple comptoir. A partir du VIe siècle av JC, les carthaginois prennent sous leur contrôle les comptoirs phéniciens occidentaux.


Les Phéniciens ont rencontré les Etrusques au cours du VIIIe siècle av JC, alors qu’ils cherchaient des mines de cuivre. Des colonies s’érigent entre le Tibre et l’Arno. La culture phénicienne orientalise l’art étrusque. Les Phéniciens ont sillonné les côtes atlantiques. Des traces archéologiques témoignent de leur présence au Maroc et au Portugal.



Des dieux et des hommes

Les Phéniciens n’ont laissé aucun texte mythologique. El le créateur ne joue plus de rôle actif dans la dévotion des fidèles. Baal le supplante. Astarté déesse de la guerre et de la fécondité est la divinité féminine prééminente. Chaque cité choisit des protecteurs particuliers. Milquart est le dieu protecteur de Tyr. Il s’agit du premier roi, qui a été divinisé. Il est souvent associé à Adonis, la divinité des saisons. La déesse Tanit, importante divinité présente à Carthage, est déjà vénérée en Phénicie. Les Phéniciens pratiquent des sacrifices. Des offrandes végétales et des libations d’huile et de vin, ainsi que la crémation d’encens font partie du rituel des sanctuaires. Ces derniers comportent un personnel varié (portier, artisan, scribe, berger). Cependant, le plan des temples et leur architecture demeurent quasiment inconnus.



Un art cosmopolite ?

Dès le IXe siècle, l’art phénicien se fait de plus en plus le miroir de l’internationalisation du commerce, en adaptant divers éléments étrangers. Aux éléments égyptiens s’ajoutent des éléments égéens. L’art assyrien est peu présent. Ce sont davantage les modèles perses qui inspirent, notamment dans l’architecture. Les arts mineurs destinés au plus grand nombre ont joué un rôle prépondérant dans la diffusion de la culture phénicienne. C’est en Méditerranée occidentale que s’est perpétué l’art phénicien, par le biais de Carthage.



"Nous devons aux Phéniciens cette découverte géniale : la simplicité carthésienne de l'alphabet." André Parrot.



SOURCE


Texte : BRIQUEL CHATONNET. Françoise : Les Phéniciens aux origines du Liban

Image : la-mer-en-livres.fr