mardi 28 décembre 2010

Les cathares

La chrétienté de l’An Mil
Autour de l’an Mil, un appétit neuf de religiosité émerge, ouvert sur une redécouverte du message du Nouveau Testament, de l’idéal de l’Eglise primitive et de la promesse du salut. C’est de la recherche spirituelle passionnée au sein du peuple chrétien que monte la figure de l’hérétique. Elle est le résultat de l’imaginaire des moines, qui se sentent concurrencés par plus religieux qu’eux, ou d’un paroxysme dans les mouvements évangéliques charismatiques du temps.
Un anticléricalisme populaire existe. Des hommes et des femmes, unis dans leur volonté de se conformer au seul modèle des apôtres et à la seule loi de l’Evangile, rejettent les excroissances de l’institution Eglise, ses sacrements non fondés en Ecriture, ses pratiques superstitieuses, le laisser aller des mœurs de son clergé paroissial, comme les prétentions temporelles de ses prélats. Ces chrétiens exigeants contestent l’humanité du Christ et donc le sacrement de l’eucharistie, qui est au centre des pratiques catholiques, et ils concurrencent l’Eglise en célébrant un baptême par imposition des mains.


Les églises cathares européennes
Vers 970, le prêtre bulgare Cosmas consacre un traité aux multiples aberrations théologiques de ceux qu’il nomme les Bogomiles. Ces derniers ont une lecture duale de la Bible. Le monde, création de Lucifer, est empreint de mal.
Au XIIe siècle en Rhénanie, des hommes se faisant appelés l’Eglise des apôtres, sont condamnés à Cologne. Ils ne reconnaissent pas le caractère humain du Christ. Ils remplacent l’eucharistie par une simple bénédiction du pain. Les pêchés sont révoqués grâce à un sacrement de baptême, par imposition des mains. Comme les Bogomiles, ils pratiquent leur initiation chrétienne en deux étapes d’enseignement théologique. Ils calquent leur vie sur celle des apôtres et prétendent constituer la véritable Eglise. Pauvres et non violents, ils dénient tout caractère d’authenticité à la grande Eglise puissante et opulente, dont les Pères se sont écartés de la voie du Christ.
Le terme « cathare » fait référence à une secte antique de manichéens et de chatistes, des sorciers adorateur du chat. Il apparaît dans les textes d’un religieux de Rhénanie, Eckert de Schönau. Le terme se généralise, en 1848, avec l’ouvrage de Charles Schmidt intitulé Histoire et doctrine de la secte des cathares.
Quelques mois après les condamnations de Cologne, Bernard de Clairvaux prend la tête d’une mission de prélats, afin de poursuivre et confondre le moine Henri. Ce dernier prêche aux foules méridionales un évangélisme non conforme. Au milieu du XIIe siècle, cet évangélisme est déjà fortement présent dans les villes, où des communautés placées sous la protection de la petite noblesse empreinte d’anticléricalisme sont présentes.
En 1167 à Saint Félix en Lauragais, une assemblée des Eglises hérétiques européennes se réunit sous la présidence d’un dignitaire bogomile en la personne de l’évêque Nicétas. L’Eglise du Toulousain est à la base de l’initiative de la rencontre. Les communautés occitanes et leurs conseils d’Eglise élisent des évêques. Nicétas confère un baptême de l’Esprit à tous les chrétiens, mais il est surtout venu pour prêcher la nécessaire indépendance des Eglises vis à vis des autres. En Italie, l’Eglise cathare se scinde en plusieurs groupes, tandis qu’en France elle reste unie.


Le temps de grâce de l’hérésie
Dès 1145, la mission de Bernard de Clairvaux en Albigeois et Toulousain, révèle les fortes tendances de l’aristocratie et des villes à l’anticléricalisme. Cette petite et moyenne noblesse détourne à son profit les redevances destinés à l’Eglise. Les prélats ecclésiastiques et les monastères constituent pour eux des rivaux politiques. Ils se vengent en favorisant dans leurs cours de nouvelles valeurs. Ils considèrent avec ferveur cette autre Eglise chrétienne. Une Eglise intellectuellement correcte, qui n’exige aucune dîme, travaille pour vivre et se détache des affaires séculières. Les femmes y trouvent leur intérêt, car le sacerdoce leur est accessible. En Occitanie, le christianisme cathare apparaît comme une manière distinguée de faire son salut. Le soutien de la noblesse empêche les autorités catholiques de mener des répressions physiques.
Le catharisme s’est autant diffusé par le haut que par le bas. Les maisons cathares s’ouvrent dans les bourgs, anticipant la pratique des Ordres mendiants. Leurs religieux peuvent circuler librement et la liturgie est en langue vernaculaire et non en latin et se fait en public. Chacun peut constater par lui même que les religieux et religieuses suivent avec rigueur le modèle des apôtres. Les communautés religieuses sont visitées chaque mois par un diacre, qui administre une liturgie de pénitence collective. Les diacres sont désignés par la hiérarchie épiscopale de chaque Eglise, elle même administrée par un conseil composé de l’évêque et de ses deux coadjuteurs.
Les religieux cathares porte la parole biblique au sein des foyers. Ils lisent les textes des évangiles. Ils insistent particulièrement sur le dualisme de l’univers. Les Hommes sont des anges tombés dans les prisons charnelles de ce monde mauvais, qui n’est pas la création de Dieu. A leurs yeux, ce n’est ni pour souffrir, ni pour mourir sur la croix que Jésus est venu sur Terre. Il devait rappeler aux anges, l’amour du Père pour ses anges. Les apôtres avaient pour mission de diffuser ce message d’éveil destiné à tous les hommes. Avant de regagner le ciel, le Christ enseigna aux hommes les préceptes de la loi de vie : refus de la violence et du mensonge et les gestes du sacrement assurant le salut. Les religieux cathares de part leur austérité de leurs mœurs apparaît comme les plus à même de garantir le salut, principal préoccupation du peuple.
Dieu n’a aucun pouvoir, ni responsabilité dans ce monde, qui n’est pas le sien. Après l’apocalypse, toutes les âmes délivrées du mal s’envoleront au paradis. Rien de visible ne peut évoquer la volonté de Dieu. Ils ne bâtissent ni temple, ni chapelle et encore moins des châteaux. Seuls le cœur est l’Eglise de Dieu. C’est une vision positive de l’avenir et qui rationalise les choses. Les cathares ne se préoccupent pas des affaires du siècle, qui n’ont finalement aucun lien avec la volonté divine.


L’alliance du pape et du roi de France
Au milieu du XIIe siècle, les autorités catholiques se dotent d’un véritable arsenal juridique de répression et d’exclusion. Désormais, les cathares sont systématiquement poursuivis et condamnés. Le concile de Reims de 1157 organise les persécutions. Les bûchers apparaissent. A Toulouse, les cathares reçoivent l’appui du comte Raymond VI et les inquisiteurs ne peuvent plus intervenir. Le frère Dominique décide de reconquérir les consciences en prêchant dans l’humilité et dans la pauvreté.
Au concile de Latran de 1215, Innocent III définit le cadre strict d’une orthodoxie et d’une communauté de fidèles, en dehors desquelles s’étendent les ténèbres et l’exclusion. Saisissant le prétexte de l’assassinat de son légat Pierre de Castelnau à Toulouse, il appelle à la croisade contre les hérétiques. Les combats durent de 1209 à 1229. Le Pape aidé par les armées royales, mettent à mal les forces comtales et brûlent de nombreux hérétiques. L’établissement à Toulouse et à Carcassonne d’une nouvelle dynastie comtale soumise à Rome. En 1224, Amaury de Montfort cède tous ses droits sur le Languedoc au roi de France. En 1229, Raymond VII s’engage à obéir au roi et à combattre l’hérésie en démantelant ses places fortes.
Si le Languedoc est devenu français, le catharisme n’a pas disparu. Au contraire, il s’est renforcé par la gloire des martyres. Seulement, l’Eglise cathare ne reçoit plus le soutien de l’aristocratie locale. Le tribunal de l’Inquisition chasse les cathares tombés dans la clandestinité. Ce tribunal ne dépend que du Pape. Il fonctionne comme un confessionnal itinérant et obligatoire. Escortés de soldats. Secondés de scribes et de notaires, les juges interrogent toute la population adulte, encourage la délation. L’Inquisition tue peu, optant davantage pour la confiscation des biens. Seuls les prédicateurs sont condamnés au bûcher.
Le comte de Toulouse tente de se défaire de sa soumission au roi de France. Il cherche l’appui du roi d’Angleterre et de la population. En 1242, des franciscains et des dominicains sont assassinés à Montségur. Le pays sombre dans la révolte. Louis IX parvient à les écraser et le comte doit renouveler son serment de fidélité. Il meurt en 1249.


L’élimination du catharisme
Au tout début du XIVe siècle, une petite Eglise se reconstitue en Gascogne. Elle bénéficie du soutien de nombreux croyants au sein de la population. L’initiative en revient Pierre et Guilhem, deux notaires d’Ax. Les deux hommes s’activent à susciter des vocations, à enseigner, à ordonner de nouveaux religieux. Les inquisiteurs répondent par des opérations massives de police. L’un après l’autre, les derniers cathares sont capturés et brûlés. Ainsi s’éteint le catharisme. Il ne reste plus que sur ces terres un fort sentiment anticlérical.



« D’eux-mêmes ils disent : Nous, pauvres du Christ, errants, fuyant de cité en cité, nous souffrons la persécution avec les apôtres et les martyrs ; pourtant, nous menons une vie très sainte. »
Evervin de Steinfeld


Source :
Texte : BRENON. Anne : Les Cathares pauvres du Christ ou apôtres de Satan ?
Image : lionsdeguerre.com

jeudi 23 décembre 2010

La Route de la soie


Le temps des ambassadeurs
Lorsque la soie arrive à Rome, les Romains ignorent totalement son origine. Pour eux, cette matière vient des Sères un peuple du Moyen-Orient. Comme la pourpre et le verre, la soie est un produit de luxe. Servant d'abord d'ornement, puis utilisée pour recouvrir des coussins, elle est ensuite employée à la confection de vêtements. Ce produit de luxe est jugé décadent et est interdit plusieurs fois par le sénat romain, sans réel succès.

Avant de ravir les Romains, le précieux tissu faisait l'admiration des nomades Xiongnu qui parcourent les régions du Nord de la Chine et contre lequel l'Empereur construit la Grande Muraille. Les périodes de paix sont l'occasion d'échange de cadeaux, parmi lesquels se trouve de la soie. Les Xiongnu la revendent à d'autres tribus et ainsi de suite. Par ailleurs, l'extension de la Chine en -140, contribue à agrandir les routes commerciales.

Dès lors, des missions diplomatiques sont envoyées vers l'Empire Parthe, le Golfe Persique et l'Inde. A côté des fonctionnaires se glissent des personnes parfois peu recommandables. Il n'est pas rare que les présents soient dérobés. Les échanges entre la Chine et les autres royaumes se font sous forme de tribut et combinent la diplomatie, le commerce et la stratégie militaire. Par ailleurs, des marchands accompagnent les ambassadeurs. Les Chinois connaissent vaguement l'existence des Romains. En 97, une expédition est organisée pour les rejoindre, mais l'Empire Parthe au milieu, les en empêche.


Le temps des pèlerins
La route de la soie permet également la diffusion des religions et notamment celle du bouddhisme. Né en Inde au Ve siècle av JC. Cette religion se diffuse progressivement en Chine, où se côtoient déjà le taoïsme et le confucianisme. Cette religion s'est probablement répandue d'abord chez les étrangers installés en Chine. Il s'agit des marchands et des ambassadeurs. Certains sont des émigrés venus d'Inde ou du Pakistan. Ce sont en général eux qui traduisent les premiers textes en chinois.

Le besoin de recourir aux textes originaux est à l'origine des grands mouvements de pèlerinage vers l'Inde. Les pèlerins parcourent les mêmes routes que les marchands. Xuongzang reste pour les Chinois, le modèle du pèlerin. Cet érudit est entré au monastère à l'âge de douze ans et a étudié le bouddhisme et la philosophie. Il parcourt l'Inde pendant dix ans et revient chargé de livres, de statues et de reliques. A partir du IXe siècle, le bouddhisme entre en décadence en Chine. En 843, sa proscription est ordonnée par l'Empereur Wuzong. La Chine connaît à cette époque une période de repli dû à l'émergence de puissants royaumes comme le Vietnam. Cette proscription touche également les autres religions étrangères, qu'il s'agisse du mazdéisme, du manichéisme ou du nestorianisme qui viennent tous trois de Perse. A la différence de ces religions, l'Islam qui s'introduit en Chine au VIIIe siècle, possède de profondes bases dans la population, même s'il ne touche que des minorités.


Le temps des marchands
Les Arabes succédant aux Parthes continuent de jouer le trait d'union entre Orient et Occident. Les voyageurs ouvrent ou développent des routes maritimes dans le Golfe Persique, l'Océan Indien et la Mer de Chine. Le commerce maritime semble trouver un nouvel envol avec la fondation de Bagdad en 762, la capitale de l'Empire Abbasside. En effet, les échanges sont encouragés par les fastes de la cour et le goût du luxe.

L'itinéraire le plus répandu est le suivant. En partant de Bagdad, les voyageurs remontent le Tigre jusqu'au Golfe Persique, puis gagnent les Maldives et l'Inde, contournent le Sri Lanka avant d'arriver à Canton. Ce trajet demande huit mois. Les marchands ne repartent donc qu'une fois leur marchandise remplacée par des produits locaux. C'est ainsi qu'à Canton vit une forte communauté arabe, sous l'autorité d'un chef responsable devant les autorités chinoises et inversement à Bagdad.

Les Chinois ont développé une police douanière très présente, visant à contrôler les flux et à les taxer. Les progrès effectués dans le domaine de la navigation ont certainement leur part dans l'extension de la Chine à cette époque. Les Chinois utilisent la boussole dès le XIe siècle. Les Arabes la reprennent et inventent au XIIIe siècle l'astrolabe.

Tout s'échange sur les marchés. La soie est un article important pour les Arabes. Les céramiques sont en plein essor. La porcelaine prend peu à peu une place capitale. Alors que le trafic par mer n'a cessé de se développer, les routes terrestres n'ont pas connu jusqu'à alors un essor si important. Les croisades seront un des éléments moteurs du renouvellement de ces itinéraires. Ce sont les cités italiennes, qui assurent la correspondance entre Byzance et le Proche Orient. Des comptoirs italiens se construisent tout le long des côtes. Deux raisons paraissent pousser les marchands occidentaux à rechercher de nouveaux débouchés vers l'Orient. D'abord le renchérissement des marchandises précieuses. Les risques dus au voyage conduisent les marchands à associer leurs capitaux dans des entreprises communes. L'autre raison est l'unification des peuples de l'Asie sous l'influence des Mongols, qui établissent une paix relative dans les régions d'Asie centrale.


Marco Polo
Marco Polo est issu d'une famille de marchands vénitiens. En 1271, il part avec son père Nicolo et son frère Maffeo. Le voyage se fait par terre. Partant de Layas, ils traversent l'Arménie et se rendent à Ormuz capitale des Mongols. Là il rencontre l'empereur Kubilaï. Ce dernier confie à Marco Polo une mission diplomatique, chose courante chez les Mongols. Marco Polo a l'avantage de connaître quatre langues : l'italien, le turc, l'arabe et le persan. Sa fonction est celle d'un inspecteur voire d'un agent de renseignement. Il est envoyé en Chine et en Inde. Par la suite, l'empereur lui confie la tâche de gouverneur de Yuangzhou.

C'est durant ses missions, que Marco rédige des commentaires sur ce qu'il voit. Il insiste énormément sur l'économie et le commerce. Il est surpris par l'utilisation du papier monnaie utilisé par les Mongols, ainsi que par le réseau de relais. Ceux ci permettent d'acheminer les messages, mais servent aussi d'étapes aux voyageurs. Ce système déjà utilisé par les Chinois, remonte au IIIe siècle av JC. Il est repris et développé par les Mongols. Marco Polo reste au service de Kubilaï un peu plus de dix sept ans. L'empereur lui confie comme dernière mission d'escorter par la mer les envoyés du seigneur d'Arghun. Le convoi part de Quanzhou, s'arrête à Sumatra et arrive en Iran. Une fois cette mission achevée, les Polo repartent pour Venise. Ils traversent la Turquie et embarquent à Constantinople. Ils arrivent à Venise en 1295. De retour à Venise, Marco Polo reprend une vie normale de marchand. Il se marie et fait prospérer son entreprise. Il meurt en 1324.

La légende de Marco Polo prend vie au XVIe siècle quand ses récits sont édités. Ceux ci sont rédigés en 1298, lors de sa captivité à Gênes, au moment des guerres entre les deux cités. Il y rencontre Rusticello de Pise, grand écrivain de cour. D'abord écrit en français, ils sont ensuite traduits en latin et en italien. Ce récit d'aventures, à la fois reportage ethnographique et recueil de fables, prend sa place parmi les livres des merveilles, où rêve et réalité se mêlent. Marco Polo se présente plus comme un conteur que comme un marchand. Il est inspiré par la tradition des bestiaires et des légendes médiévales. L'originalité de Marco Polo, réside dans le fait, qu'il est le premier marchand européen à rédiger le livre de ses voyages. Grâce à cela et à d'autres sources, les historiens sont capables de mieux cerner les relations diplomatiques et économiques entre l'Inde, la Chine et la Mongolie.


Le temps des missionnaires
Au XIIIe siècle, les hordes mongoles ont déferlé jusqu'au Danube. Peu à peu la panique des occidentaux cèdent la place à un effort pour nouer des contacts. En 1245, le Pape Innocent IV envoie des missionnaires chez les Mongols, pour tenter de conclure la paix et les convertir. Ces négociations se passent souvent très mal, les Mongols désirant la soumission des grands monarques occidentaux. Les choses finissent par se tasser d'un point de vue politique.

Les valeurs chrétiennes se répandent dans l'Empire mongol. Les missionnaires religieux rédigent eux aussi de nombreux livres, qui sont de véritables études ethnographiques, politiques et juridiques. L'Empire mongol n'a pas de religion officielle et est assez tolérant vis à vis des autres croyances. En 1283, Jean de Montecorvino part en Mongolie puis en Chine. Il fonde à Pékin une communauté où il prêche. A tel point que la Papauté le nomme évêque de Pékin en 1313. Toute l'agitation qui s'est développée depuis le XIIe siècle dû aux missionnaires et aux marchands, diminue au siècle suivant. Plusieurs causes expliquent ce phénomène. Tout d'abord, l'Occident est ravagé par les épidémies. Ensuite, l'affaiblissement de l'Empire mongol qui tend à se diviser en plusieurs royaumes, empêche de voyager sereinement. En Chine la nouvelle dynastie au pouvoir les Ming, tend à fermer ses frontières.


Le temps des navigateurs
A partir du XVe siècle, les Portugais se lancent à la découverte du monde et cherchent d'autres voies pour se rendre en Chine. C'est le cas de Christophe Colomb et de Vasco de Gama. Entre 1405 et 1433, les Chinois ont lancé eux aussi plusieurs expéditions maritimes notamment vers l'Afrique. Ils sont en avance dans le domaine de la navigation, surtout à cause de l'architecture de leurs bateaux. C'est ainsi que les Chinois étendent leur influence dans tout l'Océan Indien et au Proche Orient.

Les premiers Portugais arrivent en Chine en 1513. Cette expédition a pour but de passer outre l'influence arabe. Néanmoins, les relations sino-portuaises sont houleuses et les Portugais préfèrent se tourner vers le Japon. Les découvertes des Portugais améliorent les connaissances géographiques relatives à l'Asie, mais celle de la Chine reste encore obscure. Il faudra le travail du jésuite Matteo Ricci pour venir à bout de ce problème. Le fait de compléter parfaitement les cartes met fin aux explorations en Asie et seuls les marchands continuent d'emprunter toutes ces routes.


" La route de la soie a été la route de la science "
Michel Serres


Source
Texte : DREGE. Jean Pierre : Marco Polo et la route de la soie
Image : metiers.free.fr

mardi 21 décembre 2010

Sissi, l'impératrice

La mouette noire
Le 10 septembre 1898, Elisabeth de Bavière, impératrice d'Autriche et reine de Hongrie, vient d'être assassinée, à 60 ans, par un anarchiste italien du nom de Luigi Luccheni, à sa sortie de l'hôtel Beau-Rivage à Genève. Elle était accompagnée de sa dame d'honneur la comtesse Sztaroy. A 14h40, elle disparaît sans souffrir d'un monde, qu'elle ne voulait plus depuis le suicide de son fils Rodolphe en 1889.

En 1890, François Joseph gouverne avec un sérieux inébranlable, l'immensité des peuples, qui composent son empire. Il s’adonne secrètement à un adultère platonique avec l'actrice Catherine Schratt. Elizabeth est satisfaite et délivrée en grande partie de son époux. Elle se sent libre. Dès lors, elle parcourt l'Europe. Elle voyage incognito, autant pour éviter un attentat que par souci de liberté et d'indépendance. Elle sillonne la Méditerranée et l’Atlantique à bord de ses bateaux de croisière.

Tout le monde tarit d'éloges sur sa beauté. Cependant, elle souffre de sciatique, qui la fait hurler en secret et son visage tanné par le soleil est ridé, si bien qu'elle le cache derrière un éventail. Contre ce naufrage, elle se bat : massages, marches, bains, et régimes. Par ailleurs, elle est souvent dépressive. Un mètre pour 74.50 kg, elle a tout d’un mannequin d'aujourd'hui.

Les Viennois la détestent. Ils lui reprochent d'être toujours absente, de laisser son époux et sa famille et de ne penser qu'à son physique. Pourtant, elle n'est méchante avec personne et courtoise. A l'annonce de sa mort, ils pleurent peu. Les Hongrois davantage.


Luccheni est jugé et condamné à la prison à perpétuité. On le retrouvera pendu dans sa cellule. Pour lui, anarchiste convaincu et ouvrier, le système bourgeois est tellement pourri qu'un grand coup suffirait à le détruire complètement. L'impératrice semblait faire l'affaire. Il n'avait pas compris, que celle ci n'avait plus de poids politique et qu'elle haïssait autant que lui les rois.



L'enfant du dimanche
Le 16 août 1853, l'empereur François Joseph doit épouser Hélène de Bavière la sœur de Sissi, mais lorsqu'il la croise pour la première fois, il en tombe amoureux et décide de l'épouser. Sissi n’a guère de choix. On ne peut pas refuser l'Empereur d'Autriche. Le mariage est célébré quelques jours plus tard. L'archiduchesse Sophie, la mère de l'empereur désirait renforcer l'alliance entre l'Autriche et les pays allemands. C'est pour cette raison qu'elle avait choisit Hélène.


Sissi est une petite fille au cœur enflammé. Assez cancre, elle n'aime ni l'étude, ni le piano. En revanche, elle dessine. Parmi ses passions : son père, la montagne et les animaux. Excellente cavalière, elle est également très sportive. Sissi hérite du caractère de son père, le Duc Maximilien. Toutes ses passions sont perçues comme des lubies extravagantes à la cour de Vienne. C'est un prince bourgeois, libre d'esprit qui brise les tabous de sa condition.


François Joseph est âgé de 23 ans. Il est magnifique dans son uniforme blanc. C'est un souverain studieux, consciencieux, ponctuel, scrupuleux, responsable de ses actes et excellent danseur. Elevé pour l'Empire, il incarne l'Empire et remplira ses fonctions jusqu'à sa mort en 1916. Ce qui parait le plus surprenant, c'est qu'il ait épousé une fille, qui lui soit totalement opposée, perturbatrice, incontrôlable, rêveuse, et fantaisiste.



Rose tuberculeuse
Dès le lendemain de ses fiançailles, l'éducation impériale s'abat sur Sissi. Elle doit apprendre, l'italien et le français, l'histoire la danse et les protocoles. Elle est mise à l'épreuve dès son départ de Munich pour Vienne. A Straubing, elle doit assister à une cérémonie sur un vapeur. Son voyage dure trois jours, où les cérémonies, les ballets, les pièces de théâtre et les discours s enchainent. A chaque étape, elle rencontre les corps municipaux et le clergé.


Soixante dix prélats assistent le Cardinal Rauscher, dont le sermon interminable ne manque pas de souligner la dignité du couronnement. Sissi est à bout de nerf et font en larme après la cérémonie. La nuit de noce est un fiasco. Par ailleurs, la Reine-Mère veille, intransigeante en ce qui concerne l'étiquette. Quelques jours plus tard, le couple impérial part en Moravie, pour assister à des défilés militaires et rencontrer les dignitaires de la région. Les premiers malaises de Sissi apparaissent. Certes, elle est enceinte, mais l'étiquette trop rigide et l'emploi du temps d'impératrice ne la laisse pas vivre. Très vite le ton monte entre Sissi et sa belle-mère. L'archiduchesse lui reproche son manque d'éducation et ne lui épargne aucune remarque. A la naissance, elle lui confisque ses trois filles, pour les confier à une gouvernante. Il lui faudra deux ans pour réagir. En septembre 1856, elle parvient à partir avec son époux, pour une ballade à la campagne. Elle parvient à convaincre son époux de lui restituer ses filles et elle aura en partie gain de cause. Sissi ne se sent bien, que lorsqu'elle est en excursion romantique avec son époux. Elle essaiera d'en organiser autant que possible.

C'est lors de son voyage en Hongrie que sa vie change. De ce pays, elle aime tout, le désir d'indépendance, le tempérament passionné, les revendications libertaires, la musique et les chevaux. De plus, l'archiduchesse déteste la Hongrie. Sa première fille meurt à Budapest et Sissi portera le deuil jusqu'à la naissance de l'héritier en 1859, qui sera lui aussi confisqué.

La situation en Italie s’aggrave. L'Autriche est obligée d'envahir le Piémont, soutenu par la France. La guerre est perdue, mais elle est surtout cruelle. Sissi organise des hôpitaux sur le front et presse son époux de faire la paix. L'Autriche sort affaiblie de cette guerre.

Sissi organise de nombreux bals et n'hésite pas à quitter le palais pour aller danser secrètement chez des amis. Aux limites de l'épuisement nerveux, elle passe des accès de larmes aux quintes de toux. Pas de doute, elle se rend malade et s'enlaidit. Son médecin lui conseille de prendre beaucoup de repos dans un climat doux. Sissi heureuse, quitte Vienne pour Madère. Elle semble aller mieux et rentre à Vienne après quelques mois. Toutefois, elle rechute rapidement. Sissi repart donc de nouveau, cette fois à Corfou. Après deux ans d'absence et suite à la colère de son époux, elle rentre à Vienne à condition d'avoir des moments de liberté et de pouvoir s'occuper de son fils. Conditions acceptées, au grand dam de l'archiduchesse.



Elisabeth ou les libertés
L'irruption de la Hongrie comme partenaire à part égale avec l'Autriche, l'établissement du compromis de 1867 et d'une monarchie donnant naissance à l'Autriche Hongrie est l'œuvre de Sissi. Elle est encore jeune, lorsque son professeur d'histoire lui vante les bienfaits de la république. Lorsqu'elle revient de Corfou, elle apprend le hongrois, langue qu'elle maitrisera parfaitement. En 1864, Ida Ferenczy noble hongroise, entre à son service. Confidente privilégiée, amie de cœur, loyale, discrète, elle fait connaitre à l'impératrice la grande figure hongroise libérale Franz Deak. En janvier 1866, le couple impérial se rend en Hongrie. Sissi est adulée. Elle se lie d'amitié avec Andrassy, le successeur de Deak.


Lorsque Bismarck conclut un traité avec l'Italie, la Prusse devient une menace pour l'Autriche et la guerre éclate en 1866. Le 3 juillet, l'Autriche perd la bataille de Sadowa. Sissi reprend l'organisation des hôpitaux. Le 9 juillet, elle se rend à Budapest avec ses enfants et implore l'aide de la Hongrie. En échange d'un statut libéral, la Hongrie s'engage à rester fidèle à l'Autriche. Fin aout, la paix est signée avec la Prusse, puis en octobre avec l'Italie. L'Autriche perd de nombreux territoires. Le 8 juin 1867, François Joseph et Elisabeth sont sacrés roi et reine de Hongrie.



Titiana, ses ânes et ses fées
Le Songe d'une nuit d'été, comédie de Shakespeare est la pièce préférée de Sissi. La pièce raconte l'interminable brouille entre le roi des esprits et la reine des fées, qui se disputent un prince venu d'Inde. Titiana la reine, est ensorcelée pour s'éprendre du premier mortel sur qui tombera son regard à son réveil. L'artisan Botton, qui a une tête d'âne, après s'être moqué des lutins, est celui ci. Botton correspond à l'empereur François Joseph. Sissi se venge de la frigidité d'une jeune femme "violée" après trois nuits d'un mariage, qu'elle n'a pas choisi. Cela n'exclut pas pour autant la tendresse et cela n'implique aucune fidélité physique.


Pour consoler les chagrins de Titiana, une foule de fées se pressent autour d'elle. Innombrables, elles s'attachent aux pas d'Elisabeth, par fonction autant que par tendresse, femmes de chambre, coiffeuse ou dames d'honneur. D'elles, la reine exige une discrétion absolue, des marches forcées et une distance vis à vis de la cour de Vienne. Un cercle plus loin, ce sont les cavalières souvent issues du cirque. Carmen Sylva, reine de Roumanie, poète et républicaine est une confidente et une très bonne amie de Sissi. Les deux reines possèdent plusieurs passions en commun : la poésie et la haine de la noblesse et de la monarchie.


Après la mort de sa première fille, il reste à Sissi, Gisèle et Marie-Valérie. La première élevée par l'Archiduchesse lui échappe complètement. La seconde en revanche, est l'enfant élu et élevé dans le charme hongrois. Son fils Rodolphe ressemble plus à sa mère que Marie-Valérie, petite fille sage dont la rigidité rappelle celle de l'empereur.



Sissi Jugendstil
Jusqu'en 1888, Sissi pratique l'équitation avec acharnement, s'y mêlent tout à la fois : les souvenirs d'une enfance bavaroise, l'amour de la Hongrie et la sensation de liberté. Elle pratique tout de la promenade à la chasse en passant par le dressage et le saut d'obstacle. Aux marches et à l'équitation s'ajoutent l'escrime, qu'elle pratique deux heures par jour et les bains de mer.

Sissi a une passion pour la Grèce et notamment pour Achille, mais surtout pour le poète Heinrich Heine, un ami de Karl Marx. A sa mort, elle soutient et finance l'érection d'une statue représentant le poète à Vienne. A la fin des années 1880, l'engagement de l'impératrice dans la commémoration d'un poète juif exilé fait scandale. La presse antisémite la déclare "valet des juifs". Elisabeth doit renoncer à ce projet et place la statue dans son palais privé à Corfou. Heine est certes un grand poète, mais il est juif et Sissi nourrit une passion pour l'hébreu. Néanmoins, c'est surtout l'anticonformisme et la critique de la société par Heine, qui la séduite.

Comme son père, Sissi adore les tziganes. Comme son père, elle fait venir un couple de sœurs siamoises noires et s'attache d'un petit africain, qu'elle fait baptiser. Contemporaine d'Henri Dunant, Sissi n'est jamais si tendre qu'au chevet des handicapés et des malades. Innombrables sont les épisodes qui la rattachent à la grande Elisabeth de Hongrie, la sainte des pauvres et des déshérités. Cette dimension de Sissi s'interprète comme une morbide attirance pour la mort et aussi par la volonté de montrer aux Etats, qu'il est grand temps de s'occuper de ce genre de problème.

Mystique, Sissi s'abandonne aux recherches psychiques, à l'époque où Freud tâte de la cocaïne pour explorer l'inconscient. Elle est hantée par l'idée du génie poétique et refuse de publier ses œuvres. Narcissique, elle soigne sa beauté et la dissimule aux yeux de toux derrière son éventail. Cultivant son image, mais détestant le regard des autres, confiante dans son intelligence, mais affectée de remords et de culpabilité, Sissi vit en état de crise permanente, en état d'anarchie.





"Je suis très prudente dans ce que je raconte des autres, car j'ai trop souffert de ce que l'on disait de moi."
Elisabeth d'Autriche


Sources :
Texte : CLEMENT. Catherine : Sissi l'impératrice.
Image : jci.cc

lundi 20 décembre 2010

Saladin

Pouvoir et famille
Saladin est issu de la famille des Ayyoubide, qui est au service de Zanki, un prince turc, dont la principauté se situe en Syrie. Il naît en 1138 à Tahrit en Irak. En 1152, son oncle Asad el Din Shirkûh le fait venir à la cour d’Alep. Son oncle est un homme de confiance de Nur el Din, le successeur de Zanki. Saladin apprend le métier des armes durant les campagnes militaires d’Egypte dans les années 1160.

Le 26 mars 1169, Al-Adid le calife d’Egypte est rétabli par Nur el Din et nomme Saladin vizir, qui est soutenu par les Kurdes majoritaire dans l’armée. Saladin prête hommage à la fois à Nur el Din, dont il est le serviteur et au calife de Bagdad, dont il est le vassal. Il fait venir les membres de sa famille et notamment son frère Turanshah, son père Ayyub et son neveu Taqi al Din. Le territoire d’Egypte est ainsi partagé entre les membres de la famille, sous forme de concessions foncières.

En septembre 1171, Saladin dépose le calife du Caire, déjà gravement malade. Ses frères s’occupent de réprimer les révoltes en Haute Egypte. Par la suite, il lance une politique d’expansion territoriale, visant à assurer des positions de repli en cas d’offensive de Nur el Din. Taqi al Din part vers la Libye et Turanshah vers le Yémen. En 1174, Nur el Din meurt. Saladin libéré de toute tutelle, se lance à la conquête du Moyen Orient. Son but est d’unifier les territoires musulmans nécessaires pour lutter contre les croisés. Chaque province conquise est confié à un membre de sa famille.


Le prince
Saladin s’efforce durant son règne d’effacer l’image de l’usurpateur et du destructeur des Fatimides descendant de Mahomet. En ce sens, il entretient la fonction d’un calife dans la plénitude de ses pouvoirs : réception d’ambassadeur, parade, gouvernement.

Saladin s’est toujours fait passer pour un fidèle serviteur de Nur el Din en lui rendant hommage et en le faisant figurer sur les pièces de monnaie. Il se pose comme le tuteur du fils de Nur el Din. Il épouse sa veuve, Ismât al Din. Il revêt la robe noire des Abbassides, mais sa couleur personnelle demeure le jaune. Toutefois, les incessantes campagnes militaires ont réduit le cérémonial de cour.

Au XIIe siècle, les fastes du palais du Caire font place aux austères citadelles, synonyme d’un Islam menacé et de palais assiégé. En 1176, débutent les travaux de la construction de la citadelle du Caire encadrant toute la ville. De plus, Saladin n’aime pas le luxe. Il préfère rester dans son palais de vizir, plutôt que de s’installer dans le palais califal. Il ne fait pas construire sa propre résidence. Deux ans plus tôt, il avait déplacé sa capitale à Damas, mais il n’entreprend aucune construction. Saladin est en fait un militaire et préfère la vie de camp. Sa tente est immense et partagée en plusieurs pièces.


Le guerrier
Lorsqu’il accède au pouvoir en 1169, Saladin cherche d’abord à consolider ses positions en Egypte, puis à étendre sa domination en Syrie et en Mésopotamie. Les affrontements avec les Francs n’ont lieu que lorsque ceux ci perturbent l’accomplissement de ses projets. Il s’agit de renforcer l’axe reliant les deux parties de l’Empire. Dans l’absolu, Saladin préfère signer des trêves lui garantissant ses positions.

En 1186, Saladin a reconstitué l’unité du monde musulman. Les Etats Latin d’Orient bloquent les débouchés méditerranéens des provinces syriennes. Les milieux religieux lui reprochent de plus combattre les musulmans que les chrétiens. La rupture de la trêve par Renaud de Châtillon seigneur d’Outre Jourdain, sert de prétexte pour lancer une campagne militaire. Déjà en 1182, ce dernier avait lancé une expédition pour prendre la Mecque. Saladin s’empare des terres de Renaud de Châtillon. De son côté, Gui de Lusignan roi de Jérusalem décrète la mobilisation générale. Les deux armées se rejoignent sur les collines de Hattîn au matin du 4 juillet 1187. Saladin remporte une magnifique victoire. Il fait prisonnier Gui de Lusignan et Renaud de Châtillon et s’empare de la croix du Christ. Le 9, il prend Acre, puis au cours de l’été Beyrouth et Jaffa. Seule Tyr résiste. Le 4 octobre, Saladin pénètre dans Jérusalem et bannit les symboles chrétiens.

En 1190, la Troisième Croisade est déclenchée. Les Francs débarquent à Tyr et entame le siège d’Acre. Malgré les efforts de Saladin, la ville est prise. Son armée est trop épuisée pour affronter celle de Richard Cœur de Lion. Une trêve est conclue en 1192. Les Croisés regagnent les positions côtières se situant entre Acre et Jaffa. Les pèlerins chrétiens peuvent se rendre librement à Jérusalem.


La gestion d’un empire
Saladin est un prince extrêmement mobile. Plus souvent en conquête dans les provinces étrangères que dans les siennes. Il se tient au courant grâce à une armée de secrétaires, dont le plus célèbre est Al Qadi al Fadil. Il possède également des espions et parlent souvent aux marchands. Il n’a guère parcouru l’Egypte, se contentant de connaître Le Caire et le delta du Nil. Il connaît mieux les villes de Palestine.

Saladin veut marquer son règne par la restauration de l’Islam et du sunnisme. C’est pourquoi, il s’efforce de renvoyer une image de piété et de rigueur, en renonçant à la boisson et en respectant les prières et les jeûnes. En revanche, il n’effectuera jamais le pèlerinage jusqu’à la Mecque. Il favorise l’implantation des madrasas, ces institutions où l’on délivre un enseignement de droit islamique, servant à former les élites politiques et religieuses. Les chiites posent des problèmes à Saladin. Possédant plusieurs forteresses, les Assassins reprennent leurs pratiques extrémistes et menacent la vie du Sultan. Les juifs et les chrétiens sont obligés de porter un signe distinctif et leur culte est interdit en public.


Le système de propagande
Sous le règne de Saladin, le djihad connaît son apogée et sert à justifier la plupart des opérations militaires, tant contre les croisés que contre les musulmans. Saladin reprend en grande partie le programme de Zanki et de Nur el Din. L’unification du monde musulman comme préalable à toute attaque d’envergure contre les Etats Latins d’Orient, justifie les campagnes du sultan en Syrie et Mésopotamie. La conquête de Jérusalem apparaît comme le but final. Une fois la ville prise en 1189, Saladin s’efforce de lui redonner son rang de ville sainte pour les musulmans. Saladin meurt à Damas le 3 mars 1193, à l’âge de 55 ans.




"Un grand homme comme lui ne peut être qu'un chrétien qui ne sait pas qu'il l'est."
Richard Cœur de Lion


Source :
Texte : MOUTON. Jean Michel : Saladin le sultan chevalier
Image : themecca.tripod.com ; Civilization IV

samedi 18 décembre 2010

Ramsès II


Les origines du règne
Ramsès II est le fils de Séthy Ier, le troisième pharaon de la XIXe dynastie et de Toury. La dynastie est fondée par Ramsès Ier son grand père, un général d'armée ayant pris le pouvoir après la mort de Hopemheb au XIIIe siècle avant J.C. Ramsès II est roux. Le régime pharaonique est fondé sur un principe divin. Le souverain est un être exceptionnel élu et engendré par les dieux, pour poursuivre sur terre leur œuvre créatrice.


L'apprentissage du pouvoir
Ramsès II monte sur le trône en -1279. Avant cette date, il a appris les méandres de la politique et a servi longtemps dans l'armée. Comme ses ancêtres, il prend le nom d'Horus le dieu protecteur des pharaons, de Maat la justice universelle, de Râ le dieu solaire, d'Ouadjet et Nekhbet les déesses protectrices de la Haute et Basse Egypte, et enfin d'Amon (la divinité suprême).

Ramsès II est entouré d'un imposant harem. Il choisit deux femmes Isianéfert et Néfertari. Il épouse en plus deux princesses hittites pour sceller la paix, lesquelles lui donneront plus de quatre filles. De ces unions naissent cinquante enfants, la plupart mâles. Ces derniers servent dans l'armée et dans l'administration. Le plus connu est Khâemouaset, féru d'histoire et surnommé le prince archéologue. Outre sa famille, le pharaon est accompagné de hauts fonctionnaires. Tout d'abord, Paser son vizir et Nebounenef le grand prêtre d'Amon. Tous ces collaborateurs sont liés à la famille royale soit par le sang, soit par alliance. Des réseaux de clientèles se créent et engendrent des dynasties familiales de fonctionnaire.

Le vizir est le chef de l'administration et peut jouer le rôle de représentant de pharaon. Il surveille les rouages du gouvernement (Trésor, police, agriculture, justice). Le pays est partagé en province dirigée par des gouverneurs redevables devant le vizir. Sous Ramsès II, on constate une ascension fulgurante des temples des principaux dieux (Ptah, Amon, Râ), devenus de véritables relais économiques et administratifs. Ces sanctuaires détiennent d'importants privilèges notamment fiscaux et commerciaux.


Gouvernement et rites
Le gouvernement (Hega) comporte les actions royales destinées à amener et à maintenir la justice. Le rôle de pharaon est donc d'entretenir un commerce avec les dieux, afin d'apporter la victoire, la prospérité et la paix sociale. Le Pharaon doit prouver qu'il est digne d'accomplir la mission qui lui a été confiée. En échange, les dieux lui donnent les atouts pour réussir.

Ramsès II a assimilé la leçon jusqu'à l'extrême. Ses actes au bénéfice des dieux sont innombrables et majestueux par le biais de monuments et de fêtes. Les jubilés, source de régénération du pouvoir divin a lieu tous les trente ans. Chaque année, la crue du Nil en présente des occasions. Ramsès II a laissé sa marque partout en Egypte et en Nubie, en signant ses propres œuvres ou en usurpant celles de ses prédécesseurs. On en retrouve aussi des traces en Palestine. Il achève le temple d'Abydos, commencé sous le règne de Sethy Ier. A Memphis, Thèbes et Héliopolis, il agrandit et enrichit les temples. Il termine la grande salle hypostyle à Karnak. A Louxor, il érige les obélisques et les statues colossales. Près de Thèbes, il fait construire un temple dédié à Hathor, mais surtout le " temple des millions d'années ", son propre tombeau mieux connu sous le nom de Ramesseum ou tombeau d'Osymandyas.

Abou Simbel est sans doute le temple le plus important. Ramsès II veut rendre hommage aux dieux et glorifier son règne. Le grand temple est creusé dans la montagne et dédié aux dieux tutélaires de l'Egypte. Un petit temple à côté, pour Hathor et son épouse Néfertari. L'entrée est ornée de quatre statues colossales du pharaon et des membres de sa famille. Ramsès II s'intéresse également à l'architecture civile et notamment à sa capitale Pi Ramsès. Il orne toutes les villes de statues à son image, se divinisant et marquant sa présence sur tout le territoire. Ramsès II a établi définitivement la disposition architecturale des temples égyptiens. Statues colossales et obélisques complètent la configuration spirituelle et symbolique des lieux. Les artistes recouvrent les murs de fresques cérémonielles et guerrières. La nouveauté artistique du règne est l'emploi du relief en creux, favorisant les jeux d'ombre et de lumière.

Puissance et domination
Dans les premières années de son règne, Ramsès II doit repousser l'assaut de pirates dans le delta. Mais c'est en Syrie, que le pharaon fait sa première grande campagne militaire. Il renforce le pouvoir égyptien en Phénicie. Le roi hittite Mouwatalli décide de contre attaquer. Les deux rois s'affrontent à Qadesh. Trompé par des espions hittites, Ramsès II s'arrête à Qadesh, laissant le gros de ses troupes en arrière. Il est surpris par l'armée adverse. Le pharaon sur son char, entouré de sa seule garde royale engage le combat. Il arrive à tenir jusqu'à l'arrivée des renforts. Mouwatalli ordonne le repli avant de demander l'amnistie. Egyptiens et Hittites continuent de s'opposer pendant quinze ans pour le contrôle de la Syrie et de ses deux villes Damas et Alep. Chaque camp doit en plus faire face à un second ennemi : les Assyriens pour les Hittites et les Libyens pour les Egyptiens.

En l'an 21 de son règne, Ramsès II signe avec Hattousil III, le successeur de Mouwatalli, un traité de paix rédigé en akkadien la langue internationale de l'époque. Des copies sont envoyées dans chaque capitale. Le Proche Orient est divisé en zones d'influence. Par ailleurs, il s'agit d'un pacte de non agression. Par ce traité, Ramsès II accorde la paix à son royaume pour une longue période. Avec ce traité, les relations deviennent plus calmes. Les deux rois s'écrivent, les deux reines se rendent visite régulièrement. Le pharaon épouse la fille d'Hattousil III.

Ramsès II en tant que Pharaon doit amener la paix extérieure et intérieure. En l'an 30 de son règne, il juge en procès plusieurs fonctionnaires accusés de détournement d'argent.

Vivre et durer
Construit au début du règne, le Ramesseum possède une université où se croisent scribes, théologiens et philosophes. Leurs réflexions ont abouti à une tendance vers la simplification et vers le syncrétisme religieux, aboutissant au dialogue personnel entre les dieux et le roi. Les encyclopédistes répertorient tous ce qui est connu. Universalisme et cosmopolitisme caractérisent la vie intellectuelle sous Ramsès II. Vers -1213, Ramsès II meurt à Pi Ramsès. Son corps est embaumé et remonte le Nil en grande pompe jusqu'à Thèbes. Le règne de Ramsès II marque l'apogée de l'Egypte pharaonique. La puissance impériale, son rayonnement politique, religieux, culturel, l'efficacité de son administration, le faste de sa cour, le nombre de monument, la paix et la prospérité, rien de tout cela ne sera plus jamais égale sur la terre des pharaons.




« Tes paroles se réalisent jour après jour ; on agit d'après ton cœur tout comme pour Ptah, le créateur des arts. Tu seras toujours, et toujours on agira d'après tes conseils, tout ce que tu dis sera entendu, ô roi, notre Seigneur. »
Hymne à Ramsès II


Source
Texte : MENU. Bernadette : Ramsès II et la terre des pharaons
Image : photoway.com, Civilization 4

jeudi 16 décembre 2010

Périclès


Un aristocrate athénien
Périclès naît vers -494. Sa maison est illustre. Son père Xanthippe a participé à la bataille du cap Mycale et de Sestos durant la seconde Guerre Médique. Il fait partie de la famille des Alcméonides, qui reste entachée par le manquement en -630 d'une parole engagée et d'un meurtre commis par Mégaclès. Cela lui a valu l'exil. L'enfant hérite du nom de son grand père, ce qui veut dire qu'il hérite d'un nom, d'une gloire et d'une malédiction. La famille de Périclès est aristocratique et se définit par la richesse et le monopole des charges politiques.

Périclès se marie à 40 ans avec une femme, dont nous ignorons le nom et dont il aura deux fils. Plusieurs années plus tard, il divorce et épouse Aspasie. En -447, elle lui donne un fils. Le mariage est obligatoire en politique, parce que la cité exige du citoyen qu'il procrée des fils légitimes. Les Grecs distinguent clairement la sexualité de récréation et celle de procréation. Personne ne blâme ceux qui cherchent le plaisir hors de sa maison, d'où l'existence de prostituées.

Aspasie est originaire de Milet en Asie Majeure. C'est une métèque, c'est à dire une femme libre, mais non citoyenne. Elle tire ses revenus d'une maison close, mais devient une courtisane grâce à la pratique de la danse et de la musique. Ce qui a plut à Périclès, c'est son intelligence et sa culture. L'union de Périclès avec Aspasie n'est pas du goût de tous les Athéniens. On accuse Aspasie d'avilir le mariage, de diriger la cité. Hermippos l'attaque au tribunal pour débauche et impiété. Procès qu'il perdra.

En -451, Périclès fait voter une loi qui stipule que seuls les enfants ayant les deux parents citoyens recevront la citoyenneté. Or en -431, ses deux fils légitimes meurent de maladie. Périclès est obligé de demander l'abrogation de cette loi pour légitimer le fils d'Aspasie.

Périclès a reçu une éducation classique. Il s'agit de cultiver les vertus. A cela s'ajoute de la gymnastique et un peu de musique. Il apprend la littérature. Les maîtres de Périclès sont des amis de la famille et probablement des sophistes, c'est à dire des philosophes. Ces derniers pour assurer leurs revenus enseignent aux aristocrates l'art de la parole, la religion et la morale. Néanmoins, il leur est souvent reproché d'énoncer des théories contraires à la volonté des dieux.


La mise en place de la démocratie
Après avoir chassé le tyran Hippias, Clisthène prend le pouvoir et opère de nombreuses réformes politiques. La cité est divisée en dème, sorte de communauté géographique. C'est à partir de ce découpage que la citoyenneté est définie et transmise. Ils sont regroupés en trois cantons : la ville, la côte et l'intérieur. La Boulê ou conseil des 500 est créé. Elle sert à gérer la cité. L'année divisée en dix mois permet un roulement des membres et donc une gestion continue. Les magistrats en fonction sont appelés les prytènes L'Aréopage existait déjà avant Clisthène. Il est formé de hauts magistrats les archontes issus de l'aristocratie et s'occupant de la justice.

Périclès obtient une première charge très tôt, puisqu'il n'a que 21 ans. Il est chorège, c'est à dire qu'il finance et supervise la construction et la rénovation des bâtiments publics. Il s'occupe tout particulièrement du théâtre. Il réapparaît dix ans plus tard lors d'un procès contre Cimon, un homme politique athénien influant et grand stratège. En -465, Cimon dirige une expédition punitive contre les Thasiens La cité tombe après deux ans de siège et Athènes s'empare des mines d'or. Cependant, on lui reproche de ne pas vouloir attaquer la Macédoine sous prétexte qu'il ait touché des pots de vin. L'année d'après, un tremblement de terre se produit en Lacédonie. Ses habitants y voient un présage divin pour se rebeller contre la domination spartiate. Une guerre éclate. Sparte demande l'aide d'Athènes. Cimon s'en fait le porte parole et part sur place avec 4000 hoplites.

Pendant ce temps, Ephialte qui a pour second Périclès attaque l'Aréopage et réduit ses prérogatives avec l'appui des Thètes la classe sociale la plus pauvre. Ces derniers sont galvanisés par la relative diminution des soldats dans la ville. A peine arrivé, Cimon est renvoyé par les Spartiates, qui finalement n'ont pas besoin de son aide. Périclès se fait le porte parole, depuis la mort étrange d'Ephialte, du courant anti Cimon. Il défend l'idée que Cimon n'a fait qu'humilier Athènes et obtient gain de cause. Cimon est exilé.

Périclès devient le chef des démocrates, adversaire du parti oligarchique. Il participe à l'élargissement de la base sociale, c'est à dire qu'il rend l'accès aux magistratures plus facile pour les citoyens les moins fortunés. Pour cela il crée le misthos sorte de compensation financière.

Périclès est attiré par la mer et pense que la puissance athénienne doit venir de sa marine. La Ligue de Délos formée pour protéger les Grecs contre les Perses fournit les ressources nécessaires à ce projet. Par ailleurs, Athènes fonde des colonies à l'extérieur de ses limites et s'empare de territoires appartenant à des barbares, que l'on appelle les clérouquies. Cette expansion permet aux classes populaires de s'agrandir et de s'enrichir. Afin de protéger son port Le Pyrée, il fait construire deux remparts longs de six kilomètres, reliant les deux villes.

Au milieu du Ve siècle, les familles aristocratiques se sont généralement accommodées des réformes démocratiques. L'ostracisme de Cimon a quelque peu ruiné leurs revendications. De ce groupe, seul émerge Thucydide, que les aristocrates vont porter au premier plan. Thucydide s'oppose à la politique impériale prônée par Périclès, en raison de sa tendance à l'isolationnisme. Il voit d'un très mauvais œil que la cité vive sur des fonds étrangers. Les relations entre les deux hommes sont haineuses. Les procès vont bon train. Finalement, Périclès parvient à faire ostraciser son ennemi.


Le gouvernement de Périclès
En -443, Périclès est élu pour la première fois stratège. Il sera reconduit dans ses fonctions pendant quinze années de suite jusqu'à sa mort, ce qui reste exceptionnel. Cette durabilité a permis à Périclès de développer une politique de long terme et ainsi marquer la cité de son empreinte. Périclès jouit d'un grand prestige à Athènes, faisant tout pour s'attirer les faveurs de la population. Ses adversaires politiques lui reconnaissent même certaines qualités intellectuelles et oratoires. Mais voilà, Périclès occupe trop de place et on l'accuse de tyrannie.

En -449, Périclès fait adopter un décret organisant le financement public de grandes constructions dans la cité. Le programme comprend notamment la rénovation de l'Acropole ainsi que la construction du Parthénon et de la statue monumentale d'Athéna. Le cahier des charges et le financement sont soumis au vote de l'Ecclésia. Périclès dans cette tâche se fera aider par le sculpteur Phidias, qui dessinera le modèle de la statue d'Athéna.


La guerre
Après avoir repoussé la menace perse lors de la Seconde Guerre Médique, la guerre éclate entre Athènes et Sparte vers -431. C'est ce que l'on appelle la Guerre du Péloponnèse. Athènes s'inquiète de la puissance militaire de Sparte. A l'inverse, Sparte s'inquiète de la puissance économique et territoriale de son adversaire. C'est Périclès qui en temps que stratège mènera cette guerre.

Avant le début de la guerre, il dirige des corps de mission de reconnaissance et de colonisation en Thrace, région fertile en blé. En -441, Milet demande l'aide d'Athènes contre sa rivale Samos. Périclès s'y rend avec une armée et s'empare de l'île. Il y établit une démocratie. Après une révolte réprimée dans le sang, Samos est obligée de raser ses murs et de verser un lourd tribut. Athènes ne pardonne pas le manque de respect de la part de ses alliés. C'est le cas par exemple d'Eubée et de Naxos. Les serments de fidélité s'insèrent dans un ensemble politique cohérent. Punition et surveillance d'abord, puis affaiblissement militaire par confiscation de la flotte et par le versement de tributs. Athènes intervient également dans les affaires de la cité en jouant sur le cours des monnaies ou en s'accaparant le pouvoir judicaire.

Suite au décret de Mégare qui fait passer Corinthe dans le camp athénien, la guerre éclate. Immédiatement, les spartiates envahissent l'Attique. Périclès refuse de sortir pour les affronter. Il sait que les ennemis sont plus forts sur terre que sur mer. Mais son message passe mal. On pense qu'il a peur. Athènes derrière ses murs est encerclée et surpeuplée. Très vite, les maladies se répandent. La crainte, l'abattement et le désarroi s'emparent des habitants.

Périclès n'est pas à Athènes à ce moment là. Il dirige une expédition navale vers Sparte. Cependant devant la situation critique d'Athènes, il est obligé de faire demi- tour. De retour, on l'accuse de tous les maux. Il parvient néanmoins à calmer les esprits. Ses fils et sa sœur meurent quelques mois plus tard. Le peuple le démet de ses fonctions, mais il est très vite rappelé, mais il refuse de revenir. C'est Alcibiade son ami qui le fait changer d'avis. La maladie l'emporte à l'automne -429 à l'âge de 65 ans. 28 ans plus tard, c'est au tour d'Athènes et de la démocratie de succomber sous les coups des Spartiates.




" Il n'est point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage."
Périclès


Sources :
texte : BOULE. Pierre : Le Siècle de Périclès
image : histoire-fr.com ; Sid Meyer : Civilization IV

mercredi 15 décembre 2010

L'Empire ottomans


Des origines à la prise de Constantinople
Les Ottomans sont issus d'une tribu d'Asie Centrale installée en Anatolie depuis le XIIIe siècle. C'est Oman arrivé au pouvoir en 1290, qui donne son nom à la dynastie. Il tente d'agrandir son territoire face aux Byzantins et remporte un certain nombre de victoire. Des centres urbains se développent, où se regroupent les gens de lettres et les jurisconsultes posant ainsi les jalons de la nouvelle administration. Brousse devient la capitale du pays. Son fils Orkham continue la politique de son père et parvient à s'implanter en Europe.

Murad Ier, le fils, change de capitale et s'installe à Andrinopole en 1363. La ville devient un important centre intellectuel. Par la suite, il entreprend des réformes administratives et il est le premier à prendre le titre de sultan.

Vainqueur à l'Ouest, Bayazid Ier le fils du précédent, doit faire face à l'Est à un puissant ennemi en la personne des Mongols. Les deux armées s’affrontent à Ankara en 1402 et se termine par une défaite turque. Le royaume connaît alors une grave crise politique et militaire. Il faudra toute l'énergie de Mehmed Ier et de Murad II pour redresser la situation.


L'apogée de l'empire
En 1452, Mehmed II entreprend le siège de Constantinople. La ville résiste vaillamment, mais la mort du Basileus lors d'une attaque remet tout en cause. La cité est prise le 29 mai 1453, mais le sultan ne s'arrête pas là. Il envoie des armées jusqu'en Bosnie et parvient à Venise. A la suite de plusieurs négociations, un traité est signé. Les Turcs s'engagent à ne plus conquérir de territoires en échange d'accords commerciaux en Méditerranée. La capitale est déplacée à Constantinople qui prend le nom d'İstanbul. Mehmed II refonde le système, afin d'intégrer les populations non musulmanes.

C'est à l'Est que la situation se dégrade. Certaines populations soutenues par l’Iran, commencent à se révolter. Selim Ier rétablit l'ordre par le sang. A cette époque, l'empire est rongé par un schisme religieux entre chiites et sunnites. Selim Ier part en guerre contre le Shah d'Iran. L'armée ottomane est remarquablement bien préparée, bien équipée et soutenue par la plus puissante artillerie du monde. Face à cela, les armées iraniennes n'ont que leur courage à opposer, mais les problèmes de logistiques et les conditions climatiques forcent Selim Ier à rebrousser chemin.

C'est alors que le sultan décide d'affronter les Mamelouks qui occupent toute l'Afrique du Nord et le Sud du Proche Orient. Désirant s'approprier les terres de Palestine et craignant une alliance Egypte - Iran, il s'empare par la ruse de la Syrie et conquiert l'Egypte en 1517. C'est son fils Soliman, qui va consolider les conquêtes de son père et doter l'empire d'une puissante structure juridique et fiscale.

La cour d'Istanbul se gorge de faste et de luxe. Soliman finit de conquérir la Grèce et fait de la Méditerranée Orientale un espace turc. Il est fidèlement aidé par son grand vizir et néanmoins ami Ibrahim Pacha, qui gère la situation intérieure de l'Empire, mais aussi mène des campagnes militaires. Soliman reprend ses conquêtes. En 1526, il annexe la Hongrie. En 1529 son armée met le siège devant Vienne, mais il se heurte à la résistance farouche des Autrichiens et rebrousse chemin.

A l'Est, la guerre contre l'Iran reprend. C'est Ibrahim Pacha qui la mène. Il s'empare de l'Azerbaïdjan, mais peine en Irak. C'est le sultan revenu d'Europe qui démêle la situation et prend Bagdad en 1534. La colère gronde contre le vizir et celui ci est assassiné le 15 mars 1536.

Soliman reprend ses campagnes en Europe. En 1543, il prend sous son emprise la Pologne et force l'Empereur Ferdinand à lui payer tribut. Soliman meurt en Autriche en 1566. Il laisse à son fils un empire s'étendant de Bagdad à Vienne en passant par Le Caire. En 1571, une ligue se forme pour la défense de l'Europe Catholique, qui comprend l'Espagne, l'Autriche, Venise et les Etats Pontificaux. La guerre est menée à Chypre. La bataille navale de Lépante marque la première défaite des Turcs, mais elle n'empêche pas Chypre de passer sous domination ottomane en 1573. L'année suivante, les Turcs s'emparent de la Tunisie. Au XVIe siècle, l'Empire Ottoman est à son apogée.


L'Etat ottoman
Le sultan commande, juge et légifère en exerçant un pouvoir absolu uniquement limité par sa soumission aux préceptes religieux. Il nomme les agents et le chef de l'armée. En matière religieuse, le sultan peut opérer des changements dans le domaine séculier.

L'Empire ne peut être dirigé que par un descendant d'Osman. Or selon la tradition turque tous les enfants sont égaux, ce qui entraîne des luttes successorales. Le conseil appelé Divan se compose du vizir, du grand chancelier, de deux ministres des finances, de deux ministres de la guerre et du conseiller religieux. Le conseil a aussi le rôle d'une cour suprême devant laquelle chaque sujet peut faire appel. Le vizir est le second du sultan et son pouvoir est aussi illimité et rend des comptes au sultan. Il n'a par contre aucun contrôle sur la religion.

L'Empire est divisé en provinces dirigées par des gouverneurs responsables de l'ordre public, de la fiscalité et de l'approvisionnement. Les services militaires rendus par les sujets sont très bien récompensés. Les gardes d'élite du sultan sont de jeunes esclaves convertis de force et durement entraînés que l'on appelle les janissaires. Par ce système, les sultans se constituent un corps privilégié de serviteurs fidèles et compétents. Ils remplacent ainsi une aristocratie héréditaire souvent turbulente. L'armée est composée d'une portion permanente d'esclaves, qui assurent la défense du palais et d'Istanbul. Le reste est composé de paysans levés suivant les besoins. Les Turcs ont compris très tôt l'importance des armes à feu. La marine a mis beaucoup de temps à se développer, car ce n'est pas une tradition turque. C'est le corsaire grec Barberousse qui en a favorisé le développement.


Istanbul, capital d'empire
Istanbul anciennement Constantinople se repeuple peu à peu après son siège. La diversité de sa population reflète celle de l'empire, mais les habitants se regroupent par ethnie autour de leurs lieux de culte respectif. Les non musulmans ne peuvent accéder à de haute charge et doivent payer un impôt spécial. La ville se développe autour des quartiers commerçants. Les habitants se construisent selon les modèles turcs.

Le palais est le siège du gouvernement. Il est bâti dès 1455 par Mehmed II et sans cesse amélioré. Il est composé d'une enceinte à l'intérieur de laquelle se trouvent de nombreux pavillons, lieux de culte et jardins. Le tout est marqué par le faste de la cour et la richesse du souverain. Le palais comprend également le harem véritable labyrinthe de cours et d'appartements. Sont logés là, la sultane, ses sœurs, ses maîtresses et ses esclaves. Le harem est gardé par des eunuques, qui assurent l'ordre et le service. Les femmes apprennent les concepts de l'Islam, puis on leur instruit la danse et la musique. Les maîtresses montent ou descendent en grade selon la volonté du sultan. Dans cette atmosphère luxueuse mais confinée, les passions s'exacerbent, les jalousies et les intrigues naissent et vont parfois jusqu'au crime. Il n'est pas rare de voir des concubines jouer un rôle politique de premier ordre.

Le cœur économique de la ville est le grand bazar, gigantesque centre commercial, où s'entassent toutes les marchandises luxueuses. C'est là que se traitent les affaires commerciales et bancaires. Le tout est contrôlé par un fonctionnaire du gouvernement. Il applique les ordonnances gouvernementales, inspecte les produits, participe à la fixation des prix et contrôle les transactions. A l'intérieur du bazar, se regroupent les artisans organisés en corporation. L'Etat contrôle l'approvisionnement en matière première, afin d'éviter les pénuries, mais laisse les autres articles aux lois du marché. Comme Byzance, la ville reste une plaque tournante entre l'Orient et l'Occident. Les capitulas sont des concessions que le sultan accorde aux ressortissants d'une nation étrangère. Elles déterminent leur statut juridique et les conditions dans lesquelles ils peuvent s'établir dans l'empire. Ces écrits permettent l'établissement des marchands et des représentants. Ce sont les Français qui sont les premiers à en profiter.

La ville comporte aussi des hammams, qui sont à la fois des lieux de purification et de distraction. Ils ont le même plan que les thermes romaines. Ils sont pour la plupart gratuits.


L'élan artistique
L'architecture resplendit à travers les mosquées. Les Turcs influencés par les Byzantins développent et perfectionnent les techniques de constructions des coupoles. Les murs et les sols sont recouverts de céramiques colorées. Le grand architecte turc est sans nul doute Marhmur Saman vivant à l'époque de Soliman. Il a la charge de restaurer et de construire des édifices dans tout l'empire. Il est possible de reconnaître son œuvre dans plus de 300 bâtiments. C'est lui qui définit les canons classiques des mosquées turques.

Les peintres ne sont pas uniquement chargés d'illustrer et d'enluminer les manuscrits. Ils dessinent également le décor des reliures et des objets d'art. Ils préparent les compositions picturales, qui ornent les palais et les mosquées. La calligraphie est un art qui possède un caractère sacré, puisqu'elle permet de véhiculer la révélation coranique.

C'est au XVIe siècle que la peinture turque connaît son apogée. Elle est d'une part hautement décorative et d'autre part réaliste et narrative. La nature et surtout la végétation est un thème très en vogue et probablement influencé par l'art chinois. Jusqu'au XVe siècle, l'art du portrait est méconnu dans le monde musulman. Toutes les représentations des grands personnages sont symboliques. Ce sont les Italiens présents à la cour, qui vont transmettre ce type de représentations. Cela va de pair avec le développement des biographies et des généalogies. Des cartes commencent à être dressées en général par les navigateurs nécessaires au commerce et aux guerres.

La tradition veut que le sultan s'initie à un travail manuel. Selim Ier et Soliman ont choisi l'orfèvrerie. Ils recherchent la somptuosité des objets d'or incrustés de pierres précieuses. Ces objets pouvaient être refondus pour renflouer les caisses de l'Etat. Le tapis constitue une autre facette de l'art ottoman. Ils sont fabriqués à Istanbul et Brousse, en soie ou en coton cousus de fils d'or et ornés de décors monumentaux. C'est dans les ateliers d'Iznik à la fin du XVe siècle, que la céramique prend son essor. Grâce à diverses techniques, les potiers arrivent à créer un blanc très pur. La palette des couleurs s'enrichit avec le bleu et le turquoise, puis le vert, le violet et le noir. Les premiers décors sont chinois, mais peu à peu les Turcs dessinent leurs propres motifs souvent végétaux.


Déclin et mort d'un empire
Les sultans du XVIIe siècle sont plus soucieux de leurs plaisirs que du bien de l'Etat et le pouvoir passe aux mains des vizirs et des sultanes. Le népotisme et la vénalité s'installent à tous les étages. En 1643, l'Autriche menace la Hongrie. Les Turcs contre-attaquent, mais sont battus à Vienne. Une alliance Autriche, Pologne, Venise et Russie, se crée contre eux. En 1699, les Turcs perdent la Hongrie et bon nombre de territoires dans les Balkans.

Par ailleurs, l'Occident effectue une pression économique en développant le commerce transatlantique. Des mouvements d'autonomies politiques se manifestent en Egypte, Algérie et Syrie. En 1774, la Russie se crée un passage vers la Méditerranée et le Proche Orient. Les Anglais veulent protéger la route des Indes et garder le contrôle des passages de la Mer Méditerranée à l'Océan Indien. Les Français cherchent à sauvegarder leurs positions dans la région. Quant aux Autrichiens, ils veulent une fois pour toutes être libérés de la pression turque.

Au début du XIXe siècle, des réformes de types occidentales sont opérées, mais elles se heurtent souvent au traditionalisme des élites et notamment celles qui viennent des idéaux de la révolution française. En 1830, la Grèce aidée par la Russie acquiert son indépendance, puis c'est au tour de la Serbie. Les Français s'emparent de l'Algérie. En 1840, l'Egypte prend son indépendance. En 1853, la Turquie est le théâtre de la Guerre de Crimée opposant les Russes et les Turcs soutenus par la Grande Bretagne. En 1876, l'Empire se dote d'une constitution et institue un parlement. Cependant, la perte de nombreux territoires et l'arrivée massive de réfugiés forcent le sultan à rétablir son pouvoir absolu et à lancer le panislamique, c'est à dire à regrouper autour de lui tous les musulmans. Les Arméniens vont en subir les conséquences.

La situation financière désastreuse oblige le sultan à emprunter aux puissances occidentales, qui se remboursent allègrement. Un mouvement nommé les Jeunes Turcs se révolte en 1908 contre la domination grandissante de l'Occident. En 1911, les Italiens s'emparent des dernières positions turques en Afrique. Lors de la Première Guerre Mondiale, l'Empire s'allie à l'Allemagne. En 1918, le sultan est obligé de négocier avec les Britanniques et les Français, qui se réservent le droit d'occuper un grand nombre de territoire ottoman. Il ne reste aux Ottomans que l'actuelle Turquie. Le 29 octobre 1932, la république est proclamée et le sultan est déposé, mettant fin à la dynastie ottomane.


Sources :
texte : BITTAR. Thérèse : Soliman le Magnifique
image : dellys-dz.ifrance.com

samedi 11 décembre 2010

Le Néolithique

Au fil du temps
Le Proche Orient est entre -12.000 et -6.000 le plus ancien et le plus connu des centres de néolithisation. Les changements correspondants au néolithique s'étendent progressivement au monde entier. Tous les emprunts sont refaçonnés en fonction des milieux écologiques et culturels. Ils deviennent eux même le point de départ d'autres inventions autonomes.

A partir de -15.000 le climat se fait plus doux. Le Croissant Fertile se peuple d'animaux et de plantes. Tout d'abord les Natoufiens de Syrie construisent des villages permanents de plein air et vivent de la chasse et de la cueillette. Puis apparaissent l'agriculture et l'élevage. Vers -6.000, la céramique est inventée et l'économie de production se répand hors de la zone de céréales.

A la même période, le néolithique démarre en Europe en commençant par les Balkans. De cette région au Portugal, un courant très homogène appelé danubien se répand. Les nouvelles techniques se diffusent en priorité dans des environnements déjà occupés.

Entre le paléolithique et le néolithique, il existe une période intermédiaire appelé le mésolithique. Toujours chasseurs, cueilleurs et pêcheurs, les hommes se sédentarisent de plus en plus et exploitent systématiquement un territoire restreint. Par ailleurs, ils inventent de nouvelles techniques comme l'arc.


Apprivoiser la nature
En Europe, la déglaciation se fait en -12.000. Il y a plus d'humidité et la température croît. D'épaisses forêts font leur apparition. Les animaux des glaces disparaissent ou migrent davantage vers le Nord, tandis que les animaux des forêts se multiplient.

L'homme change aussi le paysage en créant des champs et des pâturages et déboisent des parties de forêt. L'homme cherche à disposer d'une réserve alimentaire en qualité et au moment voulu. Pour obtenir ce résultat, sans doute faut il travailler plus, mais il est possible de nourrir plus de monde. La domestication va donc tendre à privilégier et accentuer des attributs tout à fait opposés à ceux qui permettent aux espèces sauvages de vivre normalement. Peu à peu, l'homme apprend à privilégier ce dont il a besoin. Il commence à élever des chèvres. Cette évolution marque le saut quantitatif que représente le passage d'une vie en symbiose avec la nature à une action dirigiste sur celle ci.

Les premières céréales sont cultivées là où elles existent à l'état sauvage dans le Croissant Fertile au début du IXe millénaire. L'orge et l'engrain précèdent le froment. Les pois et les lentilles font leur apparition au VIIe millénaire. Puis la diffusion de toutes ces plantes se fait l'Ouest. L'avoine, le seigle et le millet sont très caractéristiques de l'Europe, mais sont plus tardives.

Dans la forêt, le paysan dégage de petites clairières à l'aide de haches de pierre polie. Il met ensuite le feu pour enrichir les sols. C'est la culture sur brûlis. Les champs sont très proches du village. La rotation des cultures a toujours été pratiquée et devient même une nécessité avec la croissance démographique et la raréfaction des espaces vierges. La recherche de nouvelles terres entraînent des migrations. Les cultures se déroulent de la manière suivante : le paysan gratte la terre avec une simple branche et fait un trou pour les semailles puis la récolte se fait à la faucille. Les grains sont conservés dans la maison. Les hommes utilisent de grands vases et des paniers. A l'extérieur, on creuse des fosses d'environ deux mètres de diamètre et de profondeur qui servent de dépotoirs une fois hors d'usage.

Le chien issu du loup, est le compagnon de l'homme à la chasse. Les autres animaux ont été domestiqués au VIIe millénaire. La chèvre et le mouton apparaissent en Iran. Ceux ci ont été importés en Europe. Les bœufs et les cochons sont présents dans les deux régions. L'hivernage pose quelques problèmes et on se contente de tuer les animaux au début de l'hiver. Certains animaux sont utilisés pour la reproduction, d'autres pour leur lait ou leur fourrure. Le cheval est domestiqué en Russie à la même période et sert uniquement pour le transport.


Premiers villages
Les travaux des champs et le stockage des récoltes nécessitent un habitat stable, mais la sédentarité n'exclut nullement la mobilité, notamment pour la transhumance.

Les grottes commencent vers -12.000 à être délaissés au profit d'installation en plein air. Les premières maisons sont des fosses rondes. Les parois internes sont renforcées par un muret et prolongées à l'air libre par une palissade en bois. Un cercle de poteaux soutient la toiture et un enduit en argile recouvre le sol.

Vers -9.000, on commence à construire de vrais murs avec de la pierre pilée au mortier. Les pièces font également leur apparition par des murets rectilignes Vers -8.000, les maisons deviennent rectangulaires et s'agrandissent. Un plan orthogonal permet de rajouter des pièces sans refaire toute la maison. Puis les murs sont construits en brique crue. Les premières villes apparaissent en Mésopotamie au IVe millénaire.

Les cultures deviennent irriguées. Le commerce, surtout des matières premières, s'organisent et l'écriture se développe à partir de la comptabilité. L'Europe reste d'avantage agricole et connaîtra une révolution urbaine plus tardive.

Au Ve millénaire, les villages se dotent de routes en plan orthogonal. Une distinction s'opère entre bâtiment privés et bâtiments communautaires. Les villages sont protégés par un rempart de pierre, d'un fossé ou un talus surmonté d'une palissade. L'usage total de la pierre est plutôt propre aux monuments funéraires.

Dans le monde domestique, la pierre est réservée au dallage des sols. Certains murs, reçoivent un enduit peint. L'isolation se fait par des écorces de bois. Le toit diffère selon les régions. Plus on se déplace vers le Sud, plus les toits sont aplatis. Les maisons sont constituées de trois zones : un habitat, un grenier et un atelier.


Artisans et colporteurs
L'outil répond aux besoins sociaux et économiques de la communauté. Cependant, l'élan initial est souvent religieux. Le polissage de la pierre concerne d'abord la parure et la terre cuite sert à fabriquer des idoles. L'évolution des outils reflète les progrès techniques et les changements sociaux et démographiques. De plus en plus, les outils tendent à se spécialiser.

La céramique est liée à un habitat stable. Au Proche Orient, l'argile a d'abord servi d'enduit. La poterie utilitaire fait une apparition timide vers -8.000 et la véritable céramique se généralise vers -6.000. Elle apparaît en Europe à la même date. On s'en sert essentiellement pour le stockage. Le montage en colombiens est la technique la plus fréquente, car le tour de potier n'existe pas avant -3.000. Le four lui aussi est tardif. La cuisson des vases se fait par le sol.

Le tissage de la laine et du lin se développe avec l'agriculture Les vêtements sont cousus avec des épingles en os, ce qui reflète des techniques simples de confection. En revanche, la teinture et la broderie existe déjà.

La cellule familiale est autonome pour ses besoins. A partir de -5.000, certaines personnes se spécialisent et produisent pour échanger. Ce phénomène s'intensifie avec le développement de la métallurgie La spécialisation du travail permet une production qui dépasse les besoins locaux et favorise un développement des échanges. Avec le temps, les échanges s'intensifient et se font de plus en plus loin.

Le troc reste la forme d'échange la plus répandue. Aucune route entre les villages n’existe. La roue n'est inventée qu'en -4.000. Le cheval joue aussi un rôle dans les transports. Les axes fluviaux ont toujours été favorisés.

A partir du Ve millénaire les luttes armées se font de plus en plus fréquentes. Il faut protéger ses biens et la croissance démographique nécessite de nouvelles ressources, qu'il faut souvent conquérir par la force. Toutefois, il existe aussi des échanges culturels que facilite l'invention de l'écriture.


Monde des morts, reflet des vivants
Les premières nécropoles apparaissent en même temps que les villages. Les tombes se trouvent au sein des habitations ou à proximité. Au départ les défunts sont inhumés dans des fosses individuelles creusées dans la terre et contenant des offrandes. Les corps sont protégés de la terre par des sacs de toile. Leur position est allongée ou repliée.

Puis, la mode devient la sépulture collective où s'enterrent les membres d'une même famille ou d'un même clan. L'Europe toute entière se dote de mégalithes (dolmen, menhir, cairn), chose qui n'est absolument pas connue au Proche Orient. Des tumulus géants apparaissent. Ils recouvrent plusieurs chambres funéraires reliées entre elles par des couloirs. En revanche, les menhirs restent encore un mystère. Il semblerait qu’ils soient utilisés autant pour des rites funéraires que pour des rites ayant un lien avec l'astronomie. Certaines chambres sépulcrales ont une ouverture en encorbellement. Des plaquettes de pierre débordent à l'extérieur pour former une sorte de coupole. Ces masses nous paraissent informes, mais les cairns sous la forme de massifs de pierraille retenus par des parements soigneusement conscrits, forment une sorte de pyramides.

Le décor, quand il existe, est réalisé avec soin à partir de peinture rouge et noire. Les motifs abstraits ou figurés relèvent d'un langage de signes, qui dépasse le domaine strictement funéraire. Les pratiques funéraires témoignent des particularismes régionaux. La division de l'espace funéraire semble correspondre à des groupes familiaux ou sociaux.

Une fois inhumés, les morts restent l'objet des soins d'un vivant. Les archéologues ont retrouvé de nombreuses offrandes. L'abandon d'une sépulture ne se fait pas à la sauvette, mais donne lieu à des cérémonies de condamnation élaborées. Les corps sont recouverts d'une couche de terre ou de pierre. Les accès aux tombes sont masqués et les monuments sont ensevelis. Toutefois, certains sites peuvent être occupés pendant plusieurs siècles. Des nouvelles chambres sont alors accolées aux anciennes.

Certains cairns ou dolmens atteignent de gigantesques dimensions. Le souci de voir et de donner à voir explique ce phénomène. Il s'agit de montrer que la communauté est forte. En effet, la construction de tels mégalithes nécessite une main d'œuvre importante, des matières premières et un pouvoir fort et centralisé capable d'ordonner et de diriger une telle opération. Ces monuments servent également de borne géographique pour marquer un territoire.

Les mégalithes ne sont pas l'ultime demeure de tous. Seule une dizaine de personnes y reposent. Il s'agit en général des élites religieuses et guerrières. L'espérance de vie à cette période est de 30 ans. La mortalité infantile est très élevée.


Art et religion
Les premiers cultes sont en rapport avec la nature. Avec le développement de la communauté, on voit apparaître un culte des crânes. Ces derniers sont déposés dans des sanctuaires. Il ne s'agit pas de vrais crânes, mais de moulages en argile.

Dès le début de l'écriture, les dieux sont nommés et la Déesse-Mère est prédominante. Elle est symbole de fécondité et est rattachée au monde agricole. Les figures masculines apparaissent plus tardivement lorsque l'économie se met d'avantage en place. Les dieux et les déesses sont représentés par des statuettes en argile, qui symbolisent très clairement le culte de la fécondité. Au fil du temps, apparaît de plus en plus des formes et des symboles géométriques ou seulement une partie du corps. Les premières véritables statues apparaissent au Moyen-Orient au VIIIe millénaire. Elles sont en général de taille humaine voire supérieure. L'Europe ne connaîtra ce phénomène qu'au IIIe millénaire. Les sépultures, les habitats et les centres culturels semblent avoir également abrités des effigies dont le rôle religieux reste flou.

En Europe, les symboles se retrouvent sur les dolmens et les menhirs, que ce soit des formes humaines ou des symboles. On trouve dans le Bassin Méditerranéen des statues-menhirs de petites tailles seulement sculptées sur la face antérieure. Ces stèles sont dressées dans des lieux éloignés de tout village relativement élevés et boisés. Elles devaient servir de protection.

La prédominance de la figure humaine et surtout féminine n'exclut pas l'animal. Viatique ou compagnon du mort dans la tombe, rituel, statuette modelée ou fresque murale, l'animal est présent. Les animaux sauvages sont rares. Ce sont les animaux domestiques qui dominent (taureau, mouton).

Le répertoire des signes abstraits est vaste : lignes brisées ou ondulées, cercles, spirales, etc... Les interprétations sont difficiles. Seule la hache et la crosse semblent explicites. De tels attributs devaient symboliser l'autorité plus spirituelle et religieuse que temporelle détenue par certaines personnes.


Vers une nouvelle société
Le néolithique s'achève avec la maîtrise des métaux. Le travail du métal nécessite une technique plus complexe et surtout l'extraction dans les mines. Une spécialisation se crée, qui sera à la base des organisations sociales. Les sépultures regorgent de ces métaux surtout lorsqu'il s'agit de personnes influentes.

A la charnière des IIIe et IIe millénaire, le niveau de population et l'intensification des échanges entraînent une certaine unification culturelle en Europe surtout dans l'artisanat et la culture. Le passage à l'âge du bronze se fait sans rupture Des pratiques du néolithique perdurent largement dans la période suivante.


Source :
texte : LOUBOUTIN. Catherine : Le Néolithique
image : culture.cg44.fr

vendredi 10 décembre 2010

Napoléon Ier

Le fils de la Révolution
Napoleone Buonaparte est né le 15 août 1769 à Ajaccio, devenue française l'armée précédente suite à un accord entre Gênes et Louis XV, d'un père avocat qui sera anobli. Le jeune Bonaparte fait trois écoles militaires jusqu'en 1784 et en sortira avec le grade de lieutenant dans l'artillerie. Affecté à Valence, il passe son temps à lire les auteurs des Lumières et plus particulièrement Rousseau. Il passera la Révolution en Corse et reçoit le baptême du feu en 1793 en Italie avant d'être nommé capitaine. Par la suite, il retourne à Paris où il fréquente les salons révolutionnaires sans pour autant céder aux extrêmes. Lors du siège de Toulon, il est nommé commandant et parvient à reprendre la ville aux Anglais. Il devient ainsi général.

Il continue de jurer fidélité aux différents gouvernements qui se succèdent. Nommé au bureau topographique de la guerre, il impressionne ses supérieurs sur des plans d'offensive en Italie. Il refuse de rejoindre l'armée de l'Ouest pour rester plus longtemps en Corse. Ce geste lui vaudra le fait d'être rayé de la liste des généraux employés. Pourtant, il est très vite rappelé, afin de mater les émeutes royalistes à Paris et fait canonner une partie des insurgés. En récompense, il est nommé commandant en chef de l'armée. Il épouse le 3 mars 1796 Joséphine veuve d'un général guillotiné. Il doit vite la quitter pour se rendre en Italie.

La victoire d'Arcole (17 novembre 1796) permet à Bonaparte de s’implanter en Italie. Celui ci s'emploie à créer un réseau d'alliés dans toute l'Italie du Nord et gouverne la région sans les avis du Directoire. Ce dernier ferme les yeux sur ses pratiques royalistes en échange du butin venant renflouer les caisses. Le retour de Bonaparte à Paris est triomphal. La population l'acclame. Ceux qui souhaitent renverser le Directoire se rapprochent de lui. Bonaparte est emballé par cette idée, mais il juge la situation trop difficile pour le moment. Le Directoire désirant l'éloigner lui propose de couper les communications britanniques vers les Indes. Bonaparte s'embarque donc pour l'Egypte. Il conquiert d'abord Malte et débarque à Alexandrie. Il ne rencontre guère de résistance et réduit à néant les régiments de mamelouks chargés de défendre le pays.

Comme en Italie, Bonaparte réorganise le pays en créant notamment un institut d'Egypte composé de nombreux savants. De son côté, l'Empire Ottoman envoie deux corps d'armée, l'un en Syrie l'autre en Egypte. Bonaparte se dirige en Syrie, mais les combats sont durs et la peste sévit. Il n'a pas d'autre choix que de rebrousser chemin. Il aura plus de chance en Egypte. Les nouvelles provenant de France lui font sentir que le Directoire n'est plus aussi fort qu'auparavant. Le 23 août 1799, Bonaparte quitte l'Egypte en laissant tout sur place.


La conquête du pouvoir
Revenu d'Egypte, Bonaparte trouve le soutien du parlementaire Sièyes qui réussit à le faire nommer chef de la garnison de Paris. Puis lors d'une séance de la chambre, Bonaparte fait irruption avec ses hommes et chasse les députés. Trois consuls, Bonaparte, Sièyes et Ducos sont chargés de rédiger une nouvelle constitution. Lors des débats, Bonaparte parvient à s'imposer et se retrouve plus ou moins à la tête de l'exécutif. La chambre n'est là que pour voter les lois des consuls. Lors du référendum le " oui " l'emporte, mais les chiffres provenant du ministère de l'intérieur dirigé par Lucien Bonaparte ne sont guère fiables.

Pendant ce temps, aidée par les Anglais, l'Autriche s'est relevée et s'apprête de nouveau à attaquer la France. Bonaparte repart pour l'Italie, tandis qu'un corps d'armée sous les ordres de Moreau se dirige vers la Bavière. Avec les victoires de Montbello et de Marengo l'armée autrichienne en Italie est anéantie. En France, les royalistes s'interrogent sur la conduite à tenir. Certains pensent que Bonaparte favorisera le retour des Bourbons sur le trône. Mais lorsqu'ils s'aperçoivent des valeurs profondément républicaines de ce dernier, ils décident de se révolter. C'est l'attentat de Paris qui échoue de peu. Fou de rage, Bonaparte ordonne au général Bernadotte de partir en Vendée dernier bastion royaliste.

Au printemps 1802, Bonaparte à force de négociation et de coups de force tient les différents corps d'état dans ses mains. Il ordonne à la chambre qu'un plébiscite soit fait pour savoir si le peuple veut qu'il soit élu à vie. A une écrasante majorité le "oui" l'emporte. Petit à petit, Bonaparte prépare le peuple à une nouvelle sorte de monarchie (statue, monnaie, protocole de cour, culte de l'armée, héritier). Toutefois, en 1804, les royalistes dirigés par Cadoudal émettent le projet d'enlever le Premier Consul et de remettre un prince à sa place. Le complot échoue et Cadoudal est arrêté et guillotiné. Le Duc d'Enghien descendant des Condé, est arrêté et jugé comme étant ce fameux prince. Il sera fusillé au château de Vincennes.

Après cette affaire, les parlementaires constatant qu'il est impossible de se débarrasser de Bonaparte, votent un décret qui proclame Napoléon empereur et le peuple le ratifie. Le sacre a lieu le 2 décembre 1804 à Notre Dame avec la présence du Pape Pie VII qui ne joue qu'un rôle d'approbation. Napoléon prête le serment de défendre l'intégrité du territoire, de faire respecter l'égalité des droits, la liberté civile et de culte, le droit de propriété et la vente des biens nationaux. C'est donc par le rappel des acquisitions de la Révolution que s'achève le Sacre.



Le fondateur de la France contemporaine
En 1799, la France est politiquement éclatée, économiquement exsangue, socialement divisée et spirituellement anéantie. Tout est à reconstruire. Napoléon n'a pas de véritable doctrine. Il avance sans idées préconçues, mais avec cohérence et ordre. Il commence par rechercher la paix extérieure et il est pour l'instant en position de force. L'Autriche signe un traité de paix en 1801, suivie par Naples, la Russie et l'Angleterre. L'année suivante, l'Espagne, les États-Unis et l'Empire Ottoman feront de même. L'impact de la paix sur l'opinion est énorme.

Réconcilier les Français sans abdiquer les principes de la Révolution, tel était le pari de Napoléon. Pour le gagner, il y avait à prendre à côté de fermes décisions, des mesures politiques d'apaisement et de reconstructions de régions dévastées. Mais c'est au plus profond de la vie sociale qu'il faut aussi porter le fer pour cautériser la plaie béante de la discorde religieuse. Napoléon signe avec la papauté un concordat en 1801 qui est voté par la chambre en 1802. Ce concordat redonne une place au culte catholique comme simple religion et non pas comme religion d'Etat. Ses lieux de prière lui sont rendus et les prêtres financés par le gouvernement. En échange ceux ci sont nommés par les préfets et prêtent serment à la République. Dans la même veine, Napoléon donnera un statut équivalent aux protestants et un autre aux juifs. Napoléon envisage les cultes en terme d'ordre public.

Il réorganise également le territoire en créant les préfets, mais aussi l'économie (Banque de France, Bourse), la fiscalité, la culture (Louvre, Institut de France), les administrations centrales, la justice (cour de cassation) et l'éducation (lycée et université).


Napoléon veut ressouder les citoyens français que la Révolution et les différents gouvernements ont fait éclater. Il s'entoure d'éminents juristes, afin de rédiger le code civil promulgué le 21 août 1804. La propriété et la famille en constituent le cœur. Dans les années suivantes, suivront d'autres codes (commerce, instruction, agriculture, justice). La légion d'honneur est créée. Elle permet à la fois de récompenser le mérite civil et militaire et de créer ainsi une sorte de chevalerie qui regroupe toutes les élites du pays.


Napoléon érige une société pyramidale dont le soutien est l'armée. A sa tête, l'empereur dirige tout. La presse est réglementée et censurée. La littérature et les théâtres sont surveillés. La police de Savary, puis de Fouché est omniprésente et la justice sévère. Des prisons d'Etat sont créées dans lesquelles, on peut enfermer sans jugement les opposants au régime. Le peuple semble toutefois accepter ses conditions. La France encore très rurale remercie l'empereur d'avoir stabilisé le pays et de lui redonner les moyens de se développer.



Le Dieu de la guerre
L'Empire reste pour les vieilles cours européennes fortement révolutionnaire. La rivalité avec la Grande Bretagne est toujours aussi forte. Des intérêts politiques et économiques différents s'en mêlent. Les deux pays ne peuvent s'attaquer directement. L'Angleterre, première puissance maritime ne fait pas le poids face aux armées terrestres françaises et inversement. C'est par coup de force et coalition que les deux pays s'affrontent. L'Angleterre favorise les alliances anti-françaises, tandis que Napoléon met en place un blocus. Pour l'empereur, il faut aller chercher la paix à Londres. Un débarquement se prépare. Toutefois, une alliance austro-russe financée par l'Angleterre et marchant vers l'Italie, oblige Napoléon a reporté son projet.

Les deux armées se rencontrent en Bavière. Napoléon remporte victoire sur victoire. Le 14 novembre 1805, il entre dans Vienne. A l'inverse, les nouvelles venant de l'Ouest sont mauvaises. La flotte franco-espagnole vient d'être anéantie par Nelson à Trafalgar. Le débarquement semble être abandonné. Au mois de décembre, suite à la bataille d'Austerlitz, les Autrichiens signe un armistice. Toute l'Italie du Nord est rattachée à la France. Britanniques et Russes cherchent désormais appui auprès du roi de Prusse et Napoléon va favoriser le choix de ce dernier. En effet, il crée le 7 janvier 1806 la Confédération du Rhin et se pose comme le protecteur des Etats allemands, vis à vis de la Prusse. La guerre est déclarée. Les armées prussiennes ne font pas le poids, malgré l'aide de la Suède. Le 27 octobre Napoléon entre dans Berlin. La guerre se déplace en Pologne contre les Russes. Une paix est signée entre les deux pays au mois de Juillet 1807.

Dans son optique de contrôler les mers, Napoléon est obligé de déclarer la guerre au Portugal allié des Anglais. Son armée traverse l'Espagne et il entre dans Lisbonne le 30 novembre 1807. Le 10 mars 1808, les partisans de Ferdinand (Archiduc d'Autriche) déclenchent des émeutes dans toute l'Espagne et renverse le roi Charles IV. Ce dernier demande l'aide des Français pour retrouver son trône. Napoléon s'empare de Madrid, mais au lieu de rétablir Charles IV, il place sur le trône son frère Joseph. Des émeutes éclatent de nouveau dans tout le pays. Les Espagnols demandent l'aide des anglais. S'en suit une terrible guérilla qui même si au bout d'un an s'atténue, ne s'arrêtera jamais.

La même année, l'Autriche s'est relevée et reprend la guerre. Napoléon retourne en Bavière. Une fois encore, l'armée autrichienne est battue et Vienne occupée. Toutefois, le reste des Autrichiens attendent Napoléon près de Wagram au bord du Danube.



La chute
En 1810, l'Europe est française. Le système a pour fondation une France de 130 départements et regroupant l'Italie du Nord. Au fil des conquêtes, Napoléon a placé sa famille sur différents trônes. Jérôme en Westphalie, Joseph en Espagne, Murat à Naples, Louis aux Pays-Bas, Elisa en Toscane. Napoléon est en outre le protecteur de la Suisse et de la Confédération du Rhin.

Cette occupation fait naître en Europe un fort sentiment anti-français. Napoléon a trop tendance à recourir à son autorité suprême. De plus, l'Empire est fragilisé par l'absence d'héritier. Napoléon divorce de Joséphine et prend pour épouse Marie-Louise archiduchesse d'Autriche. Il devient ainsi le neveu par alliance de Louis XVI. Le 20 mars 1811, elle donne naissance à l'héritier tant attendu. Pendant ce temps, les relations franco-russes s'enveniment. D'une part à cause de l'Empire Ottoman, que Napoléon refuse d'attaquer avec les Russes, et d'autre part à cause de la création du Duché de Varsovie, véritable résurgence de la Pologne. Profitant de l'annexion du duché d'Oldenbourg par Napoléon, dont le prince est un proche parent du tsar Alexandre, la guerre est déclarée en 1811.

Les deux armées se rejoignent en Pologne, mais l'armée russe préfère sans cesse se replier, obligeant les Français à s'enfoncer de plus en plus. Le 7 septembre 1812 a lieu la bataille de la Moskova à 120 kilomètres de Moscou. Deux jours plus tard, Napoléon rentre dans la capitale russe complètement délaissée. Les Russes mettent le feu à la ville espérant, ainsi se débarrasser de tous les Français. Napoléon préfère quitter la ville, mais l'hiver est arrivé. Sur une terre hostile, privé de tout et pourchassé par les cosaques, la retraite des Français se soldent par des milliers de morts. Les Russes continuant leur avancée, la guérilla continuant en Espagne, le roi de Prusse appelant tous les Allemands à le rejoindre, la guerre reprend en mai. L'Autriche entre à son tour dans la coalition. Napoléon remporte encore de nombreuses victoires, mais la défaite de Leipzig est très dure à supporter. En 1813, les armées françaises ont quitté l'Espagne. L'Italie se libère petit à petit. En Belgique et aux Pays-Bas, les Français doivent reculer.

Au début de 1814, une gigantesque armée franchit le Rhin et pénètre en France. Napoléon profite de leur dispersion pour les attaquer un par un. Toutefois, il ne peut empêcher l'entrée des armées ennemies dans Paris. En juin, le Parlement vote la déchéance de l'empereur et le retour des Bourbons en la personne de Louis XVIII à la tête de l'Etat. Napoléon est obligé de s'exiler sur l'île d'Elbe. Toutefois le 20 mars 1815, Napoléon est de retour à Paris et chasse Louis XVIII. Il aura fallu que le peuple se désenchante de la Restauration et que le roi mette beaucoup de mauvaise volonté pour que s'ouvre la période des Cents-jours.

Les nations coalisées ne veulent pas du retour de Napoléon et déclarent de nouveaux la guerre à la France. Napoléon part pour la Belgique, afin de détruire les bases anglaises et prussiennes, mais à Waterloo la victoire n'est pas de son côté. Le 21 juin, Napoléon abdique de nouveau. Louis XVIII regagne le trône de France, mais doit accepter des conditions très dure : perte de tous les territoires conquis par Napoléon, occupation militaire et amende en numéraire. Pour ne pas courir de risque, la Grande Bretagne décide d'exiler l’empereur sur l'île de Sainte Hélène dans l'Atlantique près des côtes américaines. Il meurt le 5 mai 1821 à 17h49.



"Le cœur d'un homme d'Etat doit être dans la tête"
Napoléon Ier


Source :
Texte : LENTZ. Thierry : Napoléon Ier.
Images : astrosurf.com ; Civilization 4