mercredi 15 décembre 2010

L'Empire ottomans


Des origines à la prise de Constantinople
Les Ottomans sont issus d'une tribu d'Asie Centrale installée en Anatolie depuis le XIIIe siècle. C'est Oman arrivé au pouvoir en 1290, qui donne son nom à la dynastie. Il tente d'agrandir son territoire face aux Byzantins et remporte un certain nombre de victoire. Des centres urbains se développent, où se regroupent les gens de lettres et les jurisconsultes posant ainsi les jalons de la nouvelle administration. Brousse devient la capitale du pays. Son fils Orkham continue la politique de son père et parvient à s'implanter en Europe.

Murad Ier, le fils, change de capitale et s'installe à Andrinopole en 1363. La ville devient un important centre intellectuel. Par la suite, il entreprend des réformes administratives et il est le premier à prendre le titre de sultan.

Vainqueur à l'Ouest, Bayazid Ier le fils du précédent, doit faire face à l'Est à un puissant ennemi en la personne des Mongols. Les deux armées s’affrontent à Ankara en 1402 et se termine par une défaite turque. Le royaume connaît alors une grave crise politique et militaire. Il faudra toute l'énergie de Mehmed Ier et de Murad II pour redresser la situation.


L'apogée de l'empire
En 1452, Mehmed II entreprend le siège de Constantinople. La ville résiste vaillamment, mais la mort du Basileus lors d'une attaque remet tout en cause. La cité est prise le 29 mai 1453, mais le sultan ne s'arrête pas là. Il envoie des armées jusqu'en Bosnie et parvient à Venise. A la suite de plusieurs négociations, un traité est signé. Les Turcs s'engagent à ne plus conquérir de territoires en échange d'accords commerciaux en Méditerranée. La capitale est déplacée à Constantinople qui prend le nom d'İstanbul. Mehmed II refonde le système, afin d'intégrer les populations non musulmanes.

C'est à l'Est que la situation se dégrade. Certaines populations soutenues par l’Iran, commencent à se révolter. Selim Ier rétablit l'ordre par le sang. A cette époque, l'empire est rongé par un schisme religieux entre chiites et sunnites. Selim Ier part en guerre contre le Shah d'Iran. L'armée ottomane est remarquablement bien préparée, bien équipée et soutenue par la plus puissante artillerie du monde. Face à cela, les armées iraniennes n'ont que leur courage à opposer, mais les problèmes de logistiques et les conditions climatiques forcent Selim Ier à rebrousser chemin.

C'est alors que le sultan décide d'affronter les Mamelouks qui occupent toute l'Afrique du Nord et le Sud du Proche Orient. Désirant s'approprier les terres de Palestine et craignant une alliance Egypte - Iran, il s'empare par la ruse de la Syrie et conquiert l'Egypte en 1517. C'est son fils Soliman, qui va consolider les conquêtes de son père et doter l'empire d'une puissante structure juridique et fiscale.

La cour d'Istanbul se gorge de faste et de luxe. Soliman finit de conquérir la Grèce et fait de la Méditerranée Orientale un espace turc. Il est fidèlement aidé par son grand vizir et néanmoins ami Ibrahim Pacha, qui gère la situation intérieure de l'Empire, mais aussi mène des campagnes militaires. Soliman reprend ses conquêtes. En 1526, il annexe la Hongrie. En 1529 son armée met le siège devant Vienne, mais il se heurte à la résistance farouche des Autrichiens et rebrousse chemin.

A l'Est, la guerre contre l'Iran reprend. C'est Ibrahim Pacha qui la mène. Il s'empare de l'Azerbaïdjan, mais peine en Irak. C'est le sultan revenu d'Europe qui démêle la situation et prend Bagdad en 1534. La colère gronde contre le vizir et celui ci est assassiné le 15 mars 1536.

Soliman reprend ses campagnes en Europe. En 1543, il prend sous son emprise la Pologne et force l'Empereur Ferdinand à lui payer tribut. Soliman meurt en Autriche en 1566. Il laisse à son fils un empire s'étendant de Bagdad à Vienne en passant par Le Caire. En 1571, une ligue se forme pour la défense de l'Europe Catholique, qui comprend l'Espagne, l'Autriche, Venise et les Etats Pontificaux. La guerre est menée à Chypre. La bataille navale de Lépante marque la première défaite des Turcs, mais elle n'empêche pas Chypre de passer sous domination ottomane en 1573. L'année suivante, les Turcs s'emparent de la Tunisie. Au XVIe siècle, l'Empire Ottoman est à son apogée.


L'Etat ottoman
Le sultan commande, juge et légifère en exerçant un pouvoir absolu uniquement limité par sa soumission aux préceptes religieux. Il nomme les agents et le chef de l'armée. En matière religieuse, le sultan peut opérer des changements dans le domaine séculier.

L'Empire ne peut être dirigé que par un descendant d'Osman. Or selon la tradition turque tous les enfants sont égaux, ce qui entraîne des luttes successorales. Le conseil appelé Divan se compose du vizir, du grand chancelier, de deux ministres des finances, de deux ministres de la guerre et du conseiller religieux. Le conseil a aussi le rôle d'une cour suprême devant laquelle chaque sujet peut faire appel. Le vizir est le second du sultan et son pouvoir est aussi illimité et rend des comptes au sultan. Il n'a par contre aucun contrôle sur la religion.

L'Empire est divisé en provinces dirigées par des gouverneurs responsables de l'ordre public, de la fiscalité et de l'approvisionnement. Les services militaires rendus par les sujets sont très bien récompensés. Les gardes d'élite du sultan sont de jeunes esclaves convertis de force et durement entraînés que l'on appelle les janissaires. Par ce système, les sultans se constituent un corps privilégié de serviteurs fidèles et compétents. Ils remplacent ainsi une aristocratie héréditaire souvent turbulente. L'armée est composée d'une portion permanente d'esclaves, qui assurent la défense du palais et d'Istanbul. Le reste est composé de paysans levés suivant les besoins. Les Turcs ont compris très tôt l'importance des armes à feu. La marine a mis beaucoup de temps à se développer, car ce n'est pas une tradition turque. C'est le corsaire grec Barberousse qui en a favorisé le développement.


Istanbul, capital d'empire
Istanbul anciennement Constantinople se repeuple peu à peu après son siège. La diversité de sa population reflète celle de l'empire, mais les habitants se regroupent par ethnie autour de leurs lieux de culte respectif. Les non musulmans ne peuvent accéder à de haute charge et doivent payer un impôt spécial. La ville se développe autour des quartiers commerçants. Les habitants se construisent selon les modèles turcs.

Le palais est le siège du gouvernement. Il est bâti dès 1455 par Mehmed II et sans cesse amélioré. Il est composé d'une enceinte à l'intérieur de laquelle se trouvent de nombreux pavillons, lieux de culte et jardins. Le tout est marqué par le faste de la cour et la richesse du souverain. Le palais comprend également le harem véritable labyrinthe de cours et d'appartements. Sont logés là, la sultane, ses sœurs, ses maîtresses et ses esclaves. Le harem est gardé par des eunuques, qui assurent l'ordre et le service. Les femmes apprennent les concepts de l'Islam, puis on leur instruit la danse et la musique. Les maîtresses montent ou descendent en grade selon la volonté du sultan. Dans cette atmosphère luxueuse mais confinée, les passions s'exacerbent, les jalousies et les intrigues naissent et vont parfois jusqu'au crime. Il n'est pas rare de voir des concubines jouer un rôle politique de premier ordre.

Le cœur économique de la ville est le grand bazar, gigantesque centre commercial, où s'entassent toutes les marchandises luxueuses. C'est là que se traitent les affaires commerciales et bancaires. Le tout est contrôlé par un fonctionnaire du gouvernement. Il applique les ordonnances gouvernementales, inspecte les produits, participe à la fixation des prix et contrôle les transactions. A l'intérieur du bazar, se regroupent les artisans organisés en corporation. L'Etat contrôle l'approvisionnement en matière première, afin d'éviter les pénuries, mais laisse les autres articles aux lois du marché. Comme Byzance, la ville reste une plaque tournante entre l'Orient et l'Occident. Les capitulas sont des concessions que le sultan accorde aux ressortissants d'une nation étrangère. Elles déterminent leur statut juridique et les conditions dans lesquelles ils peuvent s'établir dans l'empire. Ces écrits permettent l'établissement des marchands et des représentants. Ce sont les Français qui sont les premiers à en profiter.

La ville comporte aussi des hammams, qui sont à la fois des lieux de purification et de distraction. Ils ont le même plan que les thermes romaines. Ils sont pour la plupart gratuits.


L'élan artistique
L'architecture resplendit à travers les mosquées. Les Turcs influencés par les Byzantins développent et perfectionnent les techniques de constructions des coupoles. Les murs et les sols sont recouverts de céramiques colorées. Le grand architecte turc est sans nul doute Marhmur Saman vivant à l'époque de Soliman. Il a la charge de restaurer et de construire des édifices dans tout l'empire. Il est possible de reconnaître son œuvre dans plus de 300 bâtiments. C'est lui qui définit les canons classiques des mosquées turques.

Les peintres ne sont pas uniquement chargés d'illustrer et d'enluminer les manuscrits. Ils dessinent également le décor des reliures et des objets d'art. Ils préparent les compositions picturales, qui ornent les palais et les mosquées. La calligraphie est un art qui possède un caractère sacré, puisqu'elle permet de véhiculer la révélation coranique.

C'est au XVIe siècle que la peinture turque connaît son apogée. Elle est d'une part hautement décorative et d'autre part réaliste et narrative. La nature et surtout la végétation est un thème très en vogue et probablement influencé par l'art chinois. Jusqu'au XVe siècle, l'art du portrait est méconnu dans le monde musulman. Toutes les représentations des grands personnages sont symboliques. Ce sont les Italiens présents à la cour, qui vont transmettre ce type de représentations. Cela va de pair avec le développement des biographies et des généalogies. Des cartes commencent à être dressées en général par les navigateurs nécessaires au commerce et aux guerres.

La tradition veut que le sultan s'initie à un travail manuel. Selim Ier et Soliman ont choisi l'orfèvrerie. Ils recherchent la somptuosité des objets d'or incrustés de pierres précieuses. Ces objets pouvaient être refondus pour renflouer les caisses de l'Etat. Le tapis constitue une autre facette de l'art ottoman. Ils sont fabriqués à Istanbul et Brousse, en soie ou en coton cousus de fils d'or et ornés de décors monumentaux. C'est dans les ateliers d'Iznik à la fin du XVe siècle, que la céramique prend son essor. Grâce à diverses techniques, les potiers arrivent à créer un blanc très pur. La palette des couleurs s'enrichit avec le bleu et le turquoise, puis le vert, le violet et le noir. Les premiers décors sont chinois, mais peu à peu les Turcs dessinent leurs propres motifs souvent végétaux.


Déclin et mort d'un empire
Les sultans du XVIIe siècle sont plus soucieux de leurs plaisirs que du bien de l'Etat et le pouvoir passe aux mains des vizirs et des sultanes. Le népotisme et la vénalité s'installent à tous les étages. En 1643, l'Autriche menace la Hongrie. Les Turcs contre-attaquent, mais sont battus à Vienne. Une alliance Autriche, Pologne, Venise et Russie, se crée contre eux. En 1699, les Turcs perdent la Hongrie et bon nombre de territoires dans les Balkans.

Par ailleurs, l'Occident effectue une pression économique en développant le commerce transatlantique. Des mouvements d'autonomies politiques se manifestent en Egypte, Algérie et Syrie. En 1774, la Russie se crée un passage vers la Méditerranée et le Proche Orient. Les Anglais veulent protéger la route des Indes et garder le contrôle des passages de la Mer Méditerranée à l'Océan Indien. Les Français cherchent à sauvegarder leurs positions dans la région. Quant aux Autrichiens, ils veulent une fois pour toutes être libérés de la pression turque.

Au début du XIXe siècle, des réformes de types occidentales sont opérées, mais elles se heurtent souvent au traditionalisme des élites et notamment celles qui viennent des idéaux de la révolution française. En 1830, la Grèce aidée par la Russie acquiert son indépendance, puis c'est au tour de la Serbie. Les Français s'emparent de l'Algérie. En 1840, l'Egypte prend son indépendance. En 1853, la Turquie est le théâtre de la Guerre de Crimée opposant les Russes et les Turcs soutenus par la Grande Bretagne. En 1876, l'Empire se dote d'une constitution et institue un parlement. Cependant, la perte de nombreux territoires et l'arrivée massive de réfugiés forcent le sultan à rétablir son pouvoir absolu et à lancer le panislamique, c'est à dire à regrouper autour de lui tous les musulmans. Les Arméniens vont en subir les conséquences.

La situation financière désastreuse oblige le sultan à emprunter aux puissances occidentales, qui se remboursent allègrement. Un mouvement nommé les Jeunes Turcs se révolte en 1908 contre la domination grandissante de l'Occident. En 1911, les Italiens s'emparent des dernières positions turques en Afrique. Lors de la Première Guerre Mondiale, l'Empire s'allie à l'Allemagne. En 1918, le sultan est obligé de négocier avec les Britanniques et les Français, qui se réservent le droit d'occuper un grand nombre de territoire ottoman. Il ne reste aux Ottomans que l'actuelle Turquie. Le 29 octobre 1932, la république est proclamée et le sultan est déposé, mettant fin à la dynastie ottomane.


Sources :
texte : BITTAR. Thérèse : Soliman le Magnifique
image : dellys-dz.ifrance.com

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