jeudi 23 décembre 2010

La Route de la soie


Le temps des ambassadeurs
Lorsque la soie arrive à Rome, les Romains ignorent totalement son origine. Pour eux, cette matière vient des Sères un peuple du Moyen-Orient. Comme la pourpre et le verre, la soie est un produit de luxe. Servant d'abord d'ornement, puis utilisée pour recouvrir des coussins, elle est ensuite employée à la confection de vêtements. Ce produit de luxe est jugé décadent et est interdit plusieurs fois par le sénat romain, sans réel succès.

Avant de ravir les Romains, le précieux tissu faisait l'admiration des nomades Xiongnu qui parcourent les régions du Nord de la Chine et contre lequel l'Empereur construit la Grande Muraille. Les périodes de paix sont l'occasion d'échange de cadeaux, parmi lesquels se trouve de la soie. Les Xiongnu la revendent à d'autres tribus et ainsi de suite. Par ailleurs, l'extension de la Chine en -140, contribue à agrandir les routes commerciales.

Dès lors, des missions diplomatiques sont envoyées vers l'Empire Parthe, le Golfe Persique et l'Inde. A côté des fonctionnaires se glissent des personnes parfois peu recommandables. Il n'est pas rare que les présents soient dérobés. Les échanges entre la Chine et les autres royaumes se font sous forme de tribut et combinent la diplomatie, le commerce et la stratégie militaire. Par ailleurs, des marchands accompagnent les ambassadeurs. Les Chinois connaissent vaguement l'existence des Romains. En 97, une expédition est organisée pour les rejoindre, mais l'Empire Parthe au milieu, les en empêche.


Le temps des pèlerins
La route de la soie permet également la diffusion des religions et notamment celle du bouddhisme. Né en Inde au Ve siècle av JC. Cette religion se diffuse progressivement en Chine, où se côtoient déjà le taoïsme et le confucianisme. Cette religion s'est probablement répandue d'abord chez les étrangers installés en Chine. Il s'agit des marchands et des ambassadeurs. Certains sont des émigrés venus d'Inde ou du Pakistan. Ce sont en général eux qui traduisent les premiers textes en chinois.

Le besoin de recourir aux textes originaux est à l'origine des grands mouvements de pèlerinage vers l'Inde. Les pèlerins parcourent les mêmes routes que les marchands. Xuongzang reste pour les Chinois, le modèle du pèlerin. Cet érudit est entré au monastère à l'âge de douze ans et a étudié le bouddhisme et la philosophie. Il parcourt l'Inde pendant dix ans et revient chargé de livres, de statues et de reliques. A partir du IXe siècle, le bouddhisme entre en décadence en Chine. En 843, sa proscription est ordonnée par l'Empereur Wuzong. La Chine connaît à cette époque une période de repli dû à l'émergence de puissants royaumes comme le Vietnam. Cette proscription touche également les autres religions étrangères, qu'il s'agisse du mazdéisme, du manichéisme ou du nestorianisme qui viennent tous trois de Perse. A la différence de ces religions, l'Islam qui s'introduit en Chine au VIIIe siècle, possède de profondes bases dans la population, même s'il ne touche que des minorités.


Le temps des marchands
Les Arabes succédant aux Parthes continuent de jouer le trait d'union entre Orient et Occident. Les voyageurs ouvrent ou développent des routes maritimes dans le Golfe Persique, l'Océan Indien et la Mer de Chine. Le commerce maritime semble trouver un nouvel envol avec la fondation de Bagdad en 762, la capitale de l'Empire Abbasside. En effet, les échanges sont encouragés par les fastes de la cour et le goût du luxe.

L'itinéraire le plus répandu est le suivant. En partant de Bagdad, les voyageurs remontent le Tigre jusqu'au Golfe Persique, puis gagnent les Maldives et l'Inde, contournent le Sri Lanka avant d'arriver à Canton. Ce trajet demande huit mois. Les marchands ne repartent donc qu'une fois leur marchandise remplacée par des produits locaux. C'est ainsi qu'à Canton vit une forte communauté arabe, sous l'autorité d'un chef responsable devant les autorités chinoises et inversement à Bagdad.

Les Chinois ont développé une police douanière très présente, visant à contrôler les flux et à les taxer. Les progrès effectués dans le domaine de la navigation ont certainement leur part dans l'extension de la Chine à cette époque. Les Chinois utilisent la boussole dès le XIe siècle. Les Arabes la reprennent et inventent au XIIIe siècle l'astrolabe.

Tout s'échange sur les marchés. La soie est un article important pour les Arabes. Les céramiques sont en plein essor. La porcelaine prend peu à peu une place capitale. Alors que le trafic par mer n'a cessé de se développer, les routes terrestres n'ont pas connu jusqu'à alors un essor si important. Les croisades seront un des éléments moteurs du renouvellement de ces itinéraires. Ce sont les cités italiennes, qui assurent la correspondance entre Byzance et le Proche Orient. Des comptoirs italiens se construisent tout le long des côtes. Deux raisons paraissent pousser les marchands occidentaux à rechercher de nouveaux débouchés vers l'Orient. D'abord le renchérissement des marchandises précieuses. Les risques dus au voyage conduisent les marchands à associer leurs capitaux dans des entreprises communes. L'autre raison est l'unification des peuples de l'Asie sous l'influence des Mongols, qui établissent une paix relative dans les régions d'Asie centrale.


Marco Polo
Marco Polo est issu d'une famille de marchands vénitiens. En 1271, il part avec son père Nicolo et son frère Maffeo. Le voyage se fait par terre. Partant de Layas, ils traversent l'Arménie et se rendent à Ormuz capitale des Mongols. Là il rencontre l'empereur Kubilaï. Ce dernier confie à Marco Polo une mission diplomatique, chose courante chez les Mongols. Marco Polo a l'avantage de connaître quatre langues : l'italien, le turc, l'arabe et le persan. Sa fonction est celle d'un inspecteur voire d'un agent de renseignement. Il est envoyé en Chine et en Inde. Par la suite, l'empereur lui confie la tâche de gouverneur de Yuangzhou.

C'est durant ses missions, que Marco rédige des commentaires sur ce qu'il voit. Il insiste énormément sur l'économie et le commerce. Il est surpris par l'utilisation du papier monnaie utilisé par les Mongols, ainsi que par le réseau de relais. Ceux ci permettent d'acheminer les messages, mais servent aussi d'étapes aux voyageurs. Ce système déjà utilisé par les Chinois, remonte au IIIe siècle av JC. Il est repris et développé par les Mongols. Marco Polo reste au service de Kubilaï un peu plus de dix sept ans. L'empereur lui confie comme dernière mission d'escorter par la mer les envoyés du seigneur d'Arghun. Le convoi part de Quanzhou, s'arrête à Sumatra et arrive en Iran. Une fois cette mission achevée, les Polo repartent pour Venise. Ils traversent la Turquie et embarquent à Constantinople. Ils arrivent à Venise en 1295. De retour à Venise, Marco Polo reprend une vie normale de marchand. Il se marie et fait prospérer son entreprise. Il meurt en 1324.

La légende de Marco Polo prend vie au XVIe siècle quand ses récits sont édités. Ceux ci sont rédigés en 1298, lors de sa captivité à Gênes, au moment des guerres entre les deux cités. Il y rencontre Rusticello de Pise, grand écrivain de cour. D'abord écrit en français, ils sont ensuite traduits en latin et en italien. Ce récit d'aventures, à la fois reportage ethnographique et recueil de fables, prend sa place parmi les livres des merveilles, où rêve et réalité se mêlent. Marco Polo se présente plus comme un conteur que comme un marchand. Il est inspiré par la tradition des bestiaires et des légendes médiévales. L'originalité de Marco Polo, réside dans le fait, qu'il est le premier marchand européen à rédiger le livre de ses voyages. Grâce à cela et à d'autres sources, les historiens sont capables de mieux cerner les relations diplomatiques et économiques entre l'Inde, la Chine et la Mongolie.


Le temps des missionnaires
Au XIIIe siècle, les hordes mongoles ont déferlé jusqu'au Danube. Peu à peu la panique des occidentaux cèdent la place à un effort pour nouer des contacts. En 1245, le Pape Innocent IV envoie des missionnaires chez les Mongols, pour tenter de conclure la paix et les convertir. Ces négociations se passent souvent très mal, les Mongols désirant la soumission des grands monarques occidentaux. Les choses finissent par se tasser d'un point de vue politique.

Les valeurs chrétiennes se répandent dans l'Empire mongol. Les missionnaires religieux rédigent eux aussi de nombreux livres, qui sont de véritables études ethnographiques, politiques et juridiques. L'Empire mongol n'a pas de religion officielle et est assez tolérant vis à vis des autres croyances. En 1283, Jean de Montecorvino part en Mongolie puis en Chine. Il fonde à Pékin une communauté où il prêche. A tel point que la Papauté le nomme évêque de Pékin en 1313. Toute l'agitation qui s'est développée depuis le XIIe siècle dû aux missionnaires et aux marchands, diminue au siècle suivant. Plusieurs causes expliquent ce phénomène. Tout d'abord, l'Occident est ravagé par les épidémies. Ensuite, l'affaiblissement de l'Empire mongol qui tend à se diviser en plusieurs royaumes, empêche de voyager sereinement. En Chine la nouvelle dynastie au pouvoir les Ming, tend à fermer ses frontières.


Le temps des navigateurs
A partir du XVe siècle, les Portugais se lancent à la découverte du monde et cherchent d'autres voies pour se rendre en Chine. C'est le cas de Christophe Colomb et de Vasco de Gama. Entre 1405 et 1433, les Chinois ont lancé eux aussi plusieurs expéditions maritimes notamment vers l'Afrique. Ils sont en avance dans le domaine de la navigation, surtout à cause de l'architecture de leurs bateaux. C'est ainsi que les Chinois étendent leur influence dans tout l'Océan Indien et au Proche Orient.

Les premiers Portugais arrivent en Chine en 1513. Cette expédition a pour but de passer outre l'influence arabe. Néanmoins, les relations sino-portuaises sont houleuses et les Portugais préfèrent se tourner vers le Japon. Les découvertes des Portugais améliorent les connaissances géographiques relatives à l'Asie, mais celle de la Chine reste encore obscure. Il faudra le travail du jésuite Matteo Ricci pour venir à bout de ce problème. Le fait de compléter parfaitement les cartes met fin aux explorations en Asie et seuls les marchands continuent d'emprunter toutes ces routes.


" La route de la soie a été la route de la science "
Michel Serres


Source
Texte : DREGE. Jean Pierre : Marco Polo et la route de la soie
Image : metiers.free.fr

mardi 21 décembre 2010

Sissi, l'impératrice

La mouette noire
Le 10 septembre 1898, Elisabeth de Bavière, impératrice d'Autriche et reine de Hongrie, vient d'être assassinée, à 60 ans, par un anarchiste italien du nom de Luigi Luccheni, à sa sortie de l'hôtel Beau-Rivage à Genève. Elle était accompagnée de sa dame d'honneur la comtesse Sztaroy. A 14h40, elle disparaît sans souffrir d'un monde, qu'elle ne voulait plus depuis le suicide de son fils Rodolphe en 1889.

En 1890, François Joseph gouverne avec un sérieux inébranlable, l'immensité des peuples, qui composent son empire. Il s’adonne secrètement à un adultère platonique avec l'actrice Catherine Schratt. Elizabeth est satisfaite et délivrée en grande partie de son époux. Elle se sent libre. Dès lors, elle parcourt l'Europe. Elle voyage incognito, autant pour éviter un attentat que par souci de liberté et d'indépendance. Elle sillonne la Méditerranée et l’Atlantique à bord de ses bateaux de croisière.

Tout le monde tarit d'éloges sur sa beauté. Cependant, elle souffre de sciatique, qui la fait hurler en secret et son visage tanné par le soleil est ridé, si bien qu'elle le cache derrière un éventail. Contre ce naufrage, elle se bat : massages, marches, bains, et régimes. Par ailleurs, elle est souvent dépressive. Un mètre pour 74.50 kg, elle a tout d’un mannequin d'aujourd'hui.

Les Viennois la détestent. Ils lui reprochent d'être toujours absente, de laisser son époux et sa famille et de ne penser qu'à son physique. Pourtant, elle n'est méchante avec personne et courtoise. A l'annonce de sa mort, ils pleurent peu. Les Hongrois davantage.


Luccheni est jugé et condamné à la prison à perpétuité. On le retrouvera pendu dans sa cellule. Pour lui, anarchiste convaincu et ouvrier, le système bourgeois est tellement pourri qu'un grand coup suffirait à le détruire complètement. L'impératrice semblait faire l'affaire. Il n'avait pas compris, que celle ci n'avait plus de poids politique et qu'elle haïssait autant que lui les rois.



L'enfant du dimanche
Le 16 août 1853, l'empereur François Joseph doit épouser Hélène de Bavière la sœur de Sissi, mais lorsqu'il la croise pour la première fois, il en tombe amoureux et décide de l'épouser. Sissi n’a guère de choix. On ne peut pas refuser l'Empereur d'Autriche. Le mariage est célébré quelques jours plus tard. L'archiduchesse Sophie, la mère de l'empereur désirait renforcer l'alliance entre l'Autriche et les pays allemands. C'est pour cette raison qu'elle avait choisit Hélène.


Sissi est une petite fille au cœur enflammé. Assez cancre, elle n'aime ni l'étude, ni le piano. En revanche, elle dessine. Parmi ses passions : son père, la montagne et les animaux. Excellente cavalière, elle est également très sportive. Sissi hérite du caractère de son père, le Duc Maximilien. Toutes ses passions sont perçues comme des lubies extravagantes à la cour de Vienne. C'est un prince bourgeois, libre d'esprit qui brise les tabous de sa condition.


François Joseph est âgé de 23 ans. Il est magnifique dans son uniforme blanc. C'est un souverain studieux, consciencieux, ponctuel, scrupuleux, responsable de ses actes et excellent danseur. Elevé pour l'Empire, il incarne l'Empire et remplira ses fonctions jusqu'à sa mort en 1916. Ce qui parait le plus surprenant, c'est qu'il ait épousé une fille, qui lui soit totalement opposée, perturbatrice, incontrôlable, rêveuse, et fantaisiste.



Rose tuberculeuse
Dès le lendemain de ses fiançailles, l'éducation impériale s'abat sur Sissi. Elle doit apprendre, l'italien et le français, l'histoire la danse et les protocoles. Elle est mise à l'épreuve dès son départ de Munich pour Vienne. A Straubing, elle doit assister à une cérémonie sur un vapeur. Son voyage dure trois jours, où les cérémonies, les ballets, les pièces de théâtre et les discours s enchainent. A chaque étape, elle rencontre les corps municipaux et le clergé.


Soixante dix prélats assistent le Cardinal Rauscher, dont le sermon interminable ne manque pas de souligner la dignité du couronnement. Sissi est à bout de nerf et font en larme après la cérémonie. La nuit de noce est un fiasco. Par ailleurs, la Reine-Mère veille, intransigeante en ce qui concerne l'étiquette. Quelques jours plus tard, le couple impérial part en Moravie, pour assister à des défilés militaires et rencontrer les dignitaires de la région. Les premiers malaises de Sissi apparaissent. Certes, elle est enceinte, mais l'étiquette trop rigide et l'emploi du temps d'impératrice ne la laisse pas vivre. Très vite le ton monte entre Sissi et sa belle-mère. L'archiduchesse lui reproche son manque d'éducation et ne lui épargne aucune remarque. A la naissance, elle lui confisque ses trois filles, pour les confier à une gouvernante. Il lui faudra deux ans pour réagir. En septembre 1856, elle parvient à partir avec son époux, pour une ballade à la campagne. Elle parvient à convaincre son époux de lui restituer ses filles et elle aura en partie gain de cause. Sissi ne se sent bien, que lorsqu'elle est en excursion romantique avec son époux. Elle essaiera d'en organiser autant que possible.

C'est lors de son voyage en Hongrie que sa vie change. De ce pays, elle aime tout, le désir d'indépendance, le tempérament passionné, les revendications libertaires, la musique et les chevaux. De plus, l'archiduchesse déteste la Hongrie. Sa première fille meurt à Budapest et Sissi portera le deuil jusqu'à la naissance de l'héritier en 1859, qui sera lui aussi confisqué.

La situation en Italie s’aggrave. L'Autriche est obligée d'envahir le Piémont, soutenu par la France. La guerre est perdue, mais elle est surtout cruelle. Sissi organise des hôpitaux sur le front et presse son époux de faire la paix. L'Autriche sort affaiblie de cette guerre.

Sissi organise de nombreux bals et n'hésite pas à quitter le palais pour aller danser secrètement chez des amis. Aux limites de l'épuisement nerveux, elle passe des accès de larmes aux quintes de toux. Pas de doute, elle se rend malade et s'enlaidit. Son médecin lui conseille de prendre beaucoup de repos dans un climat doux. Sissi heureuse, quitte Vienne pour Madère. Elle semble aller mieux et rentre à Vienne après quelques mois. Toutefois, elle rechute rapidement. Sissi repart donc de nouveau, cette fois à Corfou. Après deux ans d'absence et suite à la colère de son époux, elle rentre à Vienne à condition d'avoir des moments de liberté et de pouvoir s'occuper de son fils. Conditions acceptées, au grand dam de l'archiduchesse.



Elisabeth ou les libertés
L'irruption de la Hongrie comme partenaire à part égale avec l'Autriche, l'établissement du compromis de 1867 et d'une monarchie donnant naissance à l'Autriche Hongrie est l'œuvre de Sissi. Elle est encore jeune, lorsque son professeur d'histoire lui vante les bienfaits de la république. Lorsqu'elle revient de Corfou, elle apprend le hongrois, langue qu'elle maitrisera parfaitement. En 1864, Ida Ferenczy noble hongroise, entre à son service. Confidente privilégiée, amie de cœur, loyale, discrète, elle fait connaitre à l'impératrice la grande figure hongroise libérale Franz Deak. En janvier 1866, le couple impérial se rend en Hongrie. Sissi est adulée. Elle se lie d'amitié avec Andrassy, le successeur de Deak.


Lorsque Bismarck conclut un traité avec l'Italie, la Prusse devient une menace pour l'Autriche et la guerre éclate en 1866. Le 3 juillet, l'Autriche perd la bataille de Sadowa. Sissi reprend l'organisation des hôpitaux. Le 9 juillet, elle se rend à Budapest avec ses enfants et implore l'aide de la Hongrie. En échange d'un statut libéral, la Hongrie s'engage à rester fidèle à l'Autriche. Fin aout, la paix est signée avec la Prusse, puis en octobre avec l'Italie. L'Autriche perd de nombreux territoires. Le 8 juin 1867, François Joseph et Elisabeth sont sacrés roi et reine de Hongrie.



Titiana, ses ânes et ses fées
Le Songe d'une nuit d'été, comédie de Shakespeare est la pièce préférée de Sissi. La pièce raconte l'interminable brouille entre le roi des esprits et la reine des fées, qui se disputent un prince venu d'Inde. Titiana la reine, est ensorcelée pour s'éprendre du premier mortel sur qui tombera son regard à son réveil. L'artisan Botton, qui a une tête d'âne, après s'être moqué des lutins, est celui ci. Botton correspond à l'empereur François Joseph. Sissi se venge de la frigidité d'une jeune femme "violée" après trois nuits d'un mariage, qu'elle n'a pas choisi. Cela n'exclut pas pour autant la tendresse et cela n'implique aucune fidélité physique.


Pour consoler les chagrins de Titiana, une foule de fées se pressent autour d'elle. Innombrables, elles s'attachent aux pas d'Elisabeth, par fonction autant que par tendresse, femmes de chambre, coiffeuse ou dames d'honneur. D'elles, la reine exige une discrétion absolue, des marches forcées et une distance vis à vis de la cour de Vienne. Un cercle plus loin, ce sont les cavalières souvent issues du cirque. Carmen Sylva, reine de Roumanie, poète et républicaine est une confidente et une très bonne amie de Sissi. Les deux reines possèdent plusieurs passions en commun : la poésie et la haine de la noblesse et de la monarchie.


Après la mort de sa première fille, il reste à Sissi, Gisèle et Marie-Valérie. La première élevée par l'Archiduchesse lui échappe complètement. La seconde en revanche, est l'enfant élu et élevé dans le charme hongrois. Son fils Rodolphe ressemble plus à sa mère que Marie-Valérie, petite fille sage dont la rigidité rappelle celle de l'empereur.



Sissi Jugendstil
Jusqu'en 1888, Sissi pratique l'équitation avec acharnement, s'y mêlent tout à la fois : les souvenirs d'une enfance bavaroise, l'amour de la Hongrie et la sensation de liberté. Elle pratique tout de la promenade à la chasse en passant par le dressage et le saut d'obstacle. Aux marches et à l'équitation s'ajoutent l'escrime, qu'elle pratique deux heures par jour et les bains de mer.

Sissi a une passion pour la Grèce et notamment pour Achille, mais surtout pour le poète Heinrich Heine, un ami de Karl Marx. A sa mort, elle soutient et finance l'érection d'une statue représentant le poète à Vienne. A la fin des années 1880, l'engagement de l'impératrice dans la commémoration d'un poète juif exilé fait scandale. La presse antisémite la déclare "valet des juifs". Elisabeth doit renoncer à ce projet et place la statue dans son palais privé à Corfou. Heine est certes un grand poète, mais il est juif et Sissi nourrit une passion pour l'hébreu. Néanmoins, c'est surtout l'anticonformisme et la critique de la société par Heine, qui la séduite.

Comme son père, Sissi adore les tziganes. Comme son père, elle fait venir un couple de sœurs siamoises noires et s'attache d'un petit africain, qu'elle fait baptiser. Contemporaine d'Henri Dunant, Sissi n'est jamais si tendre qu'au chevet des handicapés et des malades. Innombrables sont les épisodes qui la rattachent à la grande Elisabeth de Hongrie, la sainte des pauvres et des déshérités. Cette dimension de Sissi s'interprète comme une morbide attirance pour la mort et aussi par la volonté de montrer aux Etats, qu'il est grand temps de s'occuper de ce genre de problème.

Mystique, Sissi s'abandonne aux recherches psychiques, à l'époque où Freud tâte de la cocaïne pour explorer l'inconscient. Elle est hantée par l'idée du génie poétique et refuse de publier ses œuvres. Narcissique, elle soigne sa beauté et la dissimule aux yeux de toux derrière son éventail. Cultivant son image, mais détestant le regard des autres, confiante dans son intelligence, mais affectée de remords et de culpabilité, Sissi vit en état de crise permanente, en état d'anarchie.





"Je suis très prudente dans ce que je raconte des autres, car j'ai trop souffert de ce que l'on disait de moi."
Elisabeth d'Autriche


Sources :
Texte : CLEMENT. Catherine : Sissi l'impératrice.
Image : jci.cc

lundi 20 décembre 2010

Saladin

Pouvoir et famille
Saladin est issu de la famille des Ayyoubide, qui est au service de Zanki, un prince turc, dont la principauté se situe en Syrie. Il naît en 1138 à Tahrit en Irak. En 1152, son oncle Asad el Din Shirkûh le fait venir à la cour d’Alep. Son oncle est un homme de confiance de Nur el Din, le successeur de Zanki. Saladin apprend le métier des armes durant les campagnes militaires d’Egypte dans les années 1160.

Le 26 mars 1169, Al-Adid le calife d’Egypte est rétabli par Nur el Din et nomme Saladin vizir, qui est soutenu par les Kurdes majoritaire dans l’armée. Saladin prête hommage à la fois à Nur el Din, dont il est le serviteur et au calife de Bagdad, dont il est le vassal. Il fait venir les membres de sa famille et notamment son frère Turanshah, son père Ayyub et son neveu Taqi al Din. Le territoire d’Egypte est ainsi partagé entre les membres de la famille, sous forme de concessions foncières.

En septembre 1171, Saladin dépose le calife du Caire, déjà gravement malade. Ses frères s’occupent de réprimer les révoltes en Haute Egypte. Par la suite, il lance une politique d’expansion territoriale, visant à assurer des positions de repli en cas d’offensive de Nur el Din. Taqi al Din part vers la Libye et Turanshah vers le Yémen. En 1174, Nur el Din meurt. Saladin libéré de toute tutelle, se lance à la conquête du Moyen Orient. Son but est d’unifier les territoires musulmans nécessaires pour lutter contre les croisés. Chaque province conquise est confié à un membre de sa famille.


Le prince
Saladin s’efforce durant son règne d’effacer l’image de l’usurpateur et du destructeur des Fatimides descendant de Mahomet. En ce sens, il entretient la fonction d’un calife dans la plénitude de ses pouvoirs : réception d’ambassadeur, parade, gouvernement.

Saladin s’est toujours fait passer pour un fidèle serviteur de Nur el Din en lui rendant hommage et en le faisant figurer sur les pièces de monnaie. Il se pose comme le tuteur du fils de Nur el Din. Il épouse sa veuve, Ismât al Din. Il revêt la robe noire des Abbassides, mais sa couleur personnelle demeure le jaune. Toutefois, les incessantes campagnes militaires ont réduit le cérémonial de cour.

Au XIIe siècle, les fastes du palais du Caire font place aux austères citadelles, synonyme d’un Islam menacé et de palais assiégé. En 1176, débutent les travaux de la construction de la citadelle du Caire encadrant toute la ville. De plus, Saladin n’aime pas le luxe. Il préfère rester dans son palais de vizir, plutôt que de s’installer dans le palais califal. Il ne fait pas construire sa propre résidence. Deux ans plus tôt, il avait déplacé sa capitale à Damas, mais il n’entreprend aucune construction. Saladin est en fait un militaire et préfère la vie de camp. Sa tente est immense et partagée en plusieurs pièces.


Le guerrier
Lorsqu’il accède au pouvoir en 1169, Saladin cherche d’abord à consolider ses positions en Egypte, puis à étendre sa domination en Syrie et en Mésopotamie. Les affrontements avec les Francs n’ont lieu que lorsque ceux ci perturbent l’accomplissement de ses projets. Il s’agit de renforcer l’axe reliant les deux parties de l’Empire. Dans l’absolu, Saladin préfère signer des trêves lui garantissant ses positions.

En 1186, Saladin a reconstitué l’unité du monde musulman. Les Etats Latin d’Orient bloquent les débouchés méditerranéens des provinces syriennes. Les milieux religieux lui reprochent de plus combattre les musulmans que les chrétiens. La rupture de la trêve par Renaud de Châtillon seigneur d’Outre Jourdain, sert de prétexte pour lancer une campagne militaire. Déjà en 1182, ce dernier avait lancé une expédition pour prendre la Mecque. Saladin s’empare des terres de Renaud de Châtillon. De son côté, Gui de Lusignan roi de Jérusalem décrète la mobilisation générale. Les deux armées se rejoignent sur les collines de Hattîn au matin du 4 juillet 1187. Saladin remporte une magnifique victoire. Il fait prisonnier Gui de Lusignan et Renaud de Châtillon et s’empare de la croix du Christ. Le 9, il prend Acre, puis au cours de l’été Beyrouth et Jaffa. Seule Tyr résiste. Le 4 octobre, Saladin pénètre dans Jérusalem et bannit les symboles chrétiens.

En 1190, la Troisième Croisade est déclenchée. Les Francs débarquent à Tyr et entame le siège d’Acre. Malgré les efforts de Saladin, la ville est prise. Son armée est trop épuisée pour affronter celle de Richard Cœur de Lion. Une trêve est conclue en 1192. Les Croisés regagnent les positions côtières se situant entre Acre et Jaffa. Les pèlerins chrétiens peuvent se rendre librement à Jérusalem.


La gestion d’un empire
Saladin est un prince extrêmement mobile. Plus souvent en conquête dans les provinces étrangères que dans les siennes. Il se tient au courant grâce à une armée de secrétaires, dont le plus célèbre est Al Qadi al Fadil. Il possède également des espions et parlent souvent aux marchands. Il n’a guère parcouru l’Egypte, se contentant de connaître Le Caire et le delta du Nil. Il connaît mieux les villes de Palestine.

Saladin veut marquer son règne par la restauration de l’Islam et du sunnisme. C’est pourquoi, il s’efforce de renvoyer une image de piété et de rigueur, en renonçant à la boisson et en respectant les prières et les jeûnes. En revanche, il n’effectuera jamais le pèlerinage jusqu’à la Mecque. Il favorise l’implantation des madrasas, ces institutions où l’on délivre un enseignement de droit islamique, servant à former les élites politiques et religieuses. Les chiites posent des problèmes à Saladin. Possédant plusieurs forteresses, les Assassins reprennent leurs pratiques extrémistes et menacent la vie du Sultan. Les juifs et les chrétiens sont obligés de porter un signe distinctif et leur culte est interdit en public.


Le système de propagande
Sous le règne de Saladin, le djihad connaît son apogée et sert à justifier la plupart des opérations militaires, tant contre les croisés que contre les musulmans. Saladin reprend en grande partie le programme de Zanki et de Nur el Din. L’unification du monde musulman comme préalable à toute attaque d’envergure contre les Etats Latins d’Orient, justifie les campagnes du sultan en Syrie et Mésopotamie. La conquête de Jérusalem apparaît comme le but final. Une fois la ville prise en 1189, Saladin s’efforce de lui redonner son rang de ville sainte pour les musulmans. Saladin meurt à Damas le 3 mars 1193, à l’âge de 55 ans.




"Un grand homme comme lui ne peut être qu'un chrétien qui ne sait pas qu'il l'est."
Richard Cœur de Lion


Source :
Texte : MOUTON. Jean Michel : Saladin le sultan chevalier
Image : themecca.tripod.com ; Civilization IV