samedi 18 décembre 2010

Ramsès II


Les origines du règne
Ramsès II est le fils de Séthy Ier, le troisième pharaon de la XIXe dynastie et de Toury. La dynastie est fondée par Ramsès Ier son grand père, un général d'armée ayant pris le pouvoir après la mort de Hopemheb au XIIIe siècle avant J.C. Ramsès II est roux. Le régime pharaonique est fondé sur un principe divin. Le souverain est un être exceptionnel élu et engendré par les dieux, pour poursuivre sur terre leur œuvre créatrice.


L'apprentissage du pouvoir
Ramsès II monte sur le trône en -1279. Avant cette date, il a appris les méandres de la politique et a servi longtemps dans l'armée. Comme ses ancêtres, il prend le nom d'Horus le dieu protecteur des pharaons, de Maat la justice universelle, de Râ le dieu solaire, d'Ouadjet et Nekhbet les déesses protectrices de la Haute et Basse Egypte, et enfin d'Amon (la divinité suprême).

Ramsès II est entouré d'un imposant harem. Il choisit deux femmes Isianéfert et Néfertari. Il épouse en plus deux princesses hittites pour sceller la paix, lesquelles lui donneront plus de quatre filles. De ces unions naissent cinquante enfants, la plupart mâles. Ces derniers servent dans l'armée et dans l'administration. Le plus connu est Khâemouaset, féru d'histoire et surnommé le prince archéologue. Outre sa famille, le pharaon est accompagné de hauts fonctionnaires. Tout d'abord, Paser son vizir et Nebounenef le grand prêtre d'Amon. Tous ces collaborateurs sont liés à la famille royale soit par le sang, soit par alliance. Des réseaux de clientèles se créent et engendrent des dynasties familiales de fonctionnaire.

Le vizir est le chef de l'administration et peut jouer le rôle de représentant de pharaon. Il surveille les rouages du gouvernement (Trésor, police, agriculture, justice). Le pays est partagé en province dirigée par des gouverneurs redevables devant le vizir. Sous Ramsès II, on constate une ascension fulgurante des temples des principaux dieux (Ptah, Amon, Râ), devenus de véritables relais économiques et administratifs. Ces sanctuaires détiennent d'importants privilèges notamment fiscaux et commerciaux.


Gouvernement et rites
Le gouvernement (Hega) comporte les actions royales destinées à amener et à maintenir la justice. Le rôle de pharaon est donc d'entretenir un commerce avec les dieux, afin d'apporter la victoire, la prospérité et la paix sociale. Le Pharaon doit prouver qu'il est digne d'accomplir la mission qui lui a été confiée. En échange, les dieux lui donnent les atouts pour réussir.

Ramsès II a assimilé la leçon jusqu'à l'extrême. Ses actes au bénéfice des dieux sont innombrables et majestueux par le biais de monuments et de fêtes. Les jubilés, source de régénération du pouvoir divin a lieu tous les trente ans. Chaque année, la crue du Nil en présente des occasions. Ramsès II a laissé sa marque partout en Egypte et en Nubie, en signant ses propres œuvres ou en usurpant celles de ses prédécesseurs. On en retrouve aussi des traces en Palestine. Il achève le temple d'Abydos, commencé sous le règne de Sethy Ier. A Memphis, Thèbes et Héliopolis, il agrandit et enrichit les temples. Il termine la grande salle hypostyle à Karnak. A Louxor, il érige les obélisques et les statues colossales. Près de Thèbes, il fait construire un temple dédié à Hathor, mais surtout le " temple des millions d'années ", son propre tombeau mieux connu sous le nom de Ramesseum ou tombeau d'Osymandyas.

Abou Simbel est sans doute le temple le plus important. Ramsès II veut rendre hommage aux dieux et glorifier son règne. Le grand temple est creusé dans la montagne et dédié aux dieux tutélaires de l'Egypte. Un petit temple à côté, pour Hathor et son épouse Néfertari. L'entrée est ornée de quatre statues colossales du pharaon et des membres de sa famille. Ramsès II s'intéresse également à l'architecture civile et notamment à sa capitale Pi Ramsès. Il orne toutes les villes de statues à son image, se divinisant et marquant sa présence sur tout le territoire. Ramsès II a établi définitivement la disposition architecturale des temples égyptiens. Statues colossales et obélisques complètent la configuration spirituelle et symbolique des lieux. Les artistes recouvrent les murs de fresques cérémonielles et guerrières. La nouveauté artistique du règne est l'emploi du relief en creux, favorisant les jeux d'ombre et de lumière.

Puissance et domination
Dans les premières années de son règne, Ramsès II doit repousser l'assaut de pirates dans le delta. Mais c'est en Syrie, que le pharaon fait sa première grande campagne militaire. Il renforce le pouvoir égyptien en Phénicie. Le roi hittite Mouwatalli décide de contre attaquer. Les deux rois s'affrontent à Qadesh. Trompé par des espions hittites, Ramsès II s'arrête à Qadesh, laissant le gros de ses troupes en arrière. Il est surpris par l'armée adverse. Le pharaon sur son char, entouré de sa seule garde royale engage le combat. Il arrive à tenir jusqu'à l'arrivée des renforts. Mouwatalli ordonne le repli avant de demander l'amnistie. Egyptiens et Hittites continuent de s'opposer pendant quinze ans pour le contrôle de la Syrie et de ses deux villes Damas et Alep. Chaque camp doit en plus faire face à un second ennemi : les Assyriens pour les Hittites et les Libyens pour les Egyptiens.

En l'an 21 de son règne, Ramsès II signe avec Hattousil III, le successeur de Mouwatalli, un traité de paix rédigé en akkadien la langue internationale de l'époque. Des copies sont envoyées dans chaque capitale. Le Proche Orient est divisé en zones d'influence. Par ailleurs, il s'agit d'un pacte de non agression. Par ce traité, Ramsès II accorde la paix à son royaume pour une longue période. Avec ce traité, les relations deviennent plus calmes. Les deux rois s'écrivent, les deux reines se rendent visite régulièrement. Le pharaon épouse la fille d'Hattousil III.

Ramsès II en tant que Pharaon doit amener la paix extérieure et intérieure. En l'an 30 de son règne, il juge en procès plusieurs fonctionnaires accusés de détournement d'argent.

Vivre et durer
Construit au début du règne, le Ramesseum possède une université où se croisent scribes, théologiens et philosophes. Leurs réflexions ont abouti à une tendance vers la simplification et vers le syncrétisme religieux, aboutissant au dialogue personnel entre les dieux et le roi. Les encyclopédistes répertorient tous ce qui est connu. Universalisme et cosmopolitisme caractérisent la vie intellectuelle sous Ramsès II. Vers -1213, Ramsès II meurt à Pi Ramsès. Son corps est embaumé et remonte le Nil en grande pompe jusqu'à Thèbes. Le règne de Ramsès II marque l'apogée de l'Egypte pharaonique. La puissance impériale, son rayonnement politique, religieux, culturel, l'efficacité de son administration, le faste de sa cour, le nombre de monument, la paix et la prospérité, rien de tout cela ne sera plus jamais égale sur la terre des pharaons.




« Tes paroles se réalisent jour après jour ; on agit d'après ton cœur tout comme pour Ptah, le créateur des arts. Tu seras toujours, et toujours on agira d'après tes conseils, tout ce que tu dis sera entendu, ô roi, notre Seigneur. »
Hymne à Ramsès II


Source
Texte : MENU. Bernadette : Ramsès II et la terre des pharaons
Image : photoway.com, Civilization 4

jeudi 16 décembre 2010

Périclès


Un aristocrate athénien
Périclès naît vers -494. Sa maison est illustre. Son père Xanthippe a participé à la bataille du cap Mycale et de Sestos durant la seconde Guerre Médique. Il fait partie de la famille des Alcméonides, qui reste entachée par le manquement en -630 d'une parole engagée et d'un meurtre commis par Mégaclès. Cela lui a valu l'exil. L'enfant hérite du nom de son grand père, ce qui veut dire qu'il hérite d'un nom, d'une gloire et d'une malédiction. La famille de Périclès est aristocratique et se définit par la richesse et le monopole des charges politiques.

Périclès se marie à 40 ans avec une femme, dont nous ignorons le nom et dont il aura deux fils. Plusieurs années plus tard, il divorce et épouse Aspasie. En -447, elle lui donne un fils. Le mariage est obligatoire en politique, parce que la cité exige du citoyen qu'il procrée des fils légitimes. Les Grecs distinguent clairement la sexualité de récréation et celle de procréation. Personne ne blâme ceux qui cherchent le plaisir hors de sa maison, d'où l'existence de prostituées.

Aspasie est originaire de Milet en Asie Majeure. C'est une métèque, c'est à dire une femme libre, mais non citoyenne. Elle tire ses revenus d'une maison close, mais devient une courtisane grâce à la pratique de la danse et de la musique. Ce qui a plut à Périclès, c'est son intelligence et sa culture. L'union de Périclès avec Aspasie n'est pas du goût de tous les Athéniens. On accuse Aspasie d'avilir le mariage, de diriger la cité. Hermippos l'attaque au tribunal pour débauche et impiété. Procès qu'il perdra.

En -451, Périclès fait voter une loi qui stipule que seuls les enfants ayant les deux parents citoyens recevront la citoyenneté. Or en -431, ses deux fils légitimes meurent de maladie. Périclès est obligé de demander l'abrogation de cette loi pour légitimer le fils d'Aspasie.

Périclès a reçu une éducation classique. Il s'agit de cultiver les vertus. A cela s'ajoute de la gymnastique et un peu de musique. Il apprend la littérature. Les maîtres de Périclès sont des amis de la famille et probablement des sophistes, c'est à dire des philosophes. Ces derniers pour assurer leurs revenus enseignent aux aristocrates l'art de la parole, la religion et la morale. Néanmoins, il leur est souvent reproché d'énoncer des théories contraires à la volonté des dieux.


La mise en place de la démocratie
Après avoir chassé le tyran Hippias, Clisthène prend le pouvoir et opère de nombreuses réformes politiques. La cité est divisée en dème, sorte de communauté géographique. C'est à partir de ce découpage que la citoyenneté est définie et transmise. Ils sont regroupés en trois cantons : la ville, la côte et l'intérieur. La Boulê ou conseil des 500 est créé. Elle sert à gérer la cité. L'année divisée en dix mois permet un roulement des membres et donc une gestion continue. Les magistrats en fonction sont appelés les prytènes L'Aréopage existait déjà avant Clisthène. Il est formé de hauts magistrats les archontes issus de l'aristocratie et s'occupant de la justice.

Périclès obtient une première charge très tôt, puisqu'il n'a que 21 ans. Il est chorège, c'est à dire qu'il finance et supervise la construction et la rénovation des bâtiments publics. Il s'occupe tout particulièrement du théâtre. Il réapparaît dix ans plus tard lors d'un procès contre Cimon, un homme politique athénien influant et grand stratège. En -465, Cimon dirige une expédition punitive contre les Thasiens La cité tombe après deux ans de siège et Athènes s'empare des mines d'or. Cependant, on lui reproche de ne pas vouloir attaquer la Macédoine sous prétexte qu'il ait touché des pots de vin. L'année d'après, un tremblement de terre se produit en Lacédonie. Ses habitants y voient un présage divin pour se rebeller contre la domination spartiate. Une guerre éclate. Sparte demande l'aide d'Athènes. Cimon s'en fait le porte parole et part sur place avec 4000 hoplites.

Pendant ce temps, Ephialte qui a pour second Périclès attaque l'Aréopage et réduit ses prérogatives avec l'appui des Thètes la classe sociale la plus pauvre. Ces derniers sont galvanisés par la relative diminution des soldats dans la ville. A peine arrivé, Cimon est renvoyé par les Spartiates, qui finalement n'ont pas besoin de son aide. Périclès se fait le porte parole, depuis la mort étrange d'Ephialte, du courant anti Cimon. Il défend l'idée que Cimon n'a fait qu'humilier Athènes et obtient gain de cause. Cimon est exilé.

Périclès devient le chef des démocrates, adversaire du parti oligarchique. Il participe à l'élargissement de la base sociale, c'est à dire qu'il rend l'accès aux magistratures plus facile pour les citoyens les moins fortunés. Pour cela il crée le misthos sorte de compensation financière.

Périclès est attiré par la mer et pense que la puissance athénienne doit venir de sa marine. La Ligue de Délos formée pour protéger les Grecs contre les Perses fournit les ressources nécessaires à ce projet. Par ailleurs, Athènes fonde des colonies à l'extérieur de ses limites et s'empare de territoires appartenant à des barbares, que l'on appelle les clérouquies. Cette expansion permet aux classes populaires de s'agrandir et de s'enrichir. Afin de protéger son port Le Pyrée, il fait construire deux remparts longs de six kilomètres, reliant les deux villes.

Au milieu du Ve siècle, les familles aristocratiques se sont généralement accommodées des réformes démocratiques. L'ostracisme de Cimon a quelque peu ruiné leurs revendications. De ce groupe, seul émerge Thucydide, que les aristocrates vont porter au premier plan. Thucydide s'oppose à la politique impériale prônée par Périclès, en raison de sa tendance à l'isolationnisme. Il voit d'un très mauvais œil que la cité vive sur des fonds étrangers. Les relations entre les deux hommes sont haineuses. Les procès vont bon train. Finalement, Périclès parvient à faire ostraciser son ennemi.


Le gouvernement de Périclès
En -443, Périclès est élu pour la première fois stratège. Il sera reconduit dans ses fonctions pendant quinze années de suite jusqu'à sa mort, ce qui reste exceptionnel. Cette durabilité a permis à Périclès de développer une politique de long terme et ainsi marquer la cité de son empreinte. Périclès jouit d'un grand prestige à Athènes, faisant tout pour s'attirer les faveurs de la population. Ses adversaires politiques lui reconnaissent même certaines qualités intellectuelles et oratoires. Mais voilà, Périclès occupe trop de place et on l'accuse de tyrannie.

En -449, Périclès fait adopter un décret organisant le financement public de grandes constructions dans la cité. Le programme comprend notamment la rénovation de l'Acropole ainsi que la construction du Parthénon et de la statue monumentale d'Athéna. Le cahier des charges et le financement sont soumis au vote de l'Ecclésia. Périclès dans cette tâche se fera aider par le sculpteur Phidias, qui dessinera le modèle de la statue d'Athéna.


La guerre
Après avoir repoussé la menace perse lors de la Seconde Guerre Médique, la guerre éclate entre Athènes et Sparte vers -431. C'est ce que l'on appelle la Guerre du Péloponnèse. Athènes s'inquiète de la puissance militaire de Sparte. A l'inverse, Sparte s'inquiète de la puissance économique et territoriale de son adversaire. C'est Périclès qui en temps que stratège mènera cette guerre.

Avant le début de la guerre, il dirige des corps de mission de reconnaissance et de colonisation en Thrace, région fertile en blé. En -441, Milet demande l'aide d'Athènes contre sa rivale Samos. Périclès s'y rend avec une armée et s'empare de l'île. Il y établit une démocratie. Après une révolte réprimée dans le sang, Samos est obligée de raser ses murs et de verser un lourd tribut. Athènes ne pardonne pas le manque de respect de la part de ses alliés. C'est le cas par exemple d'Eubée et de Naxos. Les serments de fidélité s'insèrent dans un ensemble politique cohérent. Punition et surveillance d'abord, puis affaiblissement militaire par confiscation de la flotte et par le versement de tributs. Athènes intervient également dans les affaires de la cité en jouant sur le cours des monnaies ou en s'accaparant le pouvoir judicaire.

Suite au décret de Mégare qui fait passer Corinthe dans le camp athénien, la guerre éclate. Immédiatement, les spartiates envahissent l'Attique. Périclès refuse de sortir pour les affronter. Il sait que les ennemis sont plus forts sur terre que sur mer. Mais son message passe mal. On pense qu'il a peur. Athènes derrière ses murs est encerclée et surpeuplée. Très vite, les maladies se répandent. La crainte, l'abattement et le désarroi s'emparent des habitants.

Périclès n'est pas à Athènes à ce moment là. Il dirige une expédition navale vers Sparte. Cependant devant la situation critique d'Athènes, il est obligé de faire demi- tour. De retour, on l'accuse de tous les maux. Il parvient néanmoins à calmer les esprits. Ses fils et sa sœur meurent quelques mois plus tard. Le peuple le démet de ses fonctions, mais il est très vite rappelé, mais il refuse de revenir. C'est Alcibiade son ami qui le fait changer d'avis. La maladie l'emporte à l'automne -429 à l'âge de 65 ans. 28 ans plus tard, c'est au tour d'Athènes et de la démocratie de succomber sous les coups des Spartiates.




" Il n'est point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage."
Périclès


Sources :
texte : BOULE. Pierre : Le Siècle de Périclès
image : histoire-fr.com ; Sid Meyer : Civilization IV

mercredi 15 décembre 2010

L'Empire ottomans


Des origines à la prise de Constantinople
Les Ottomans sont issus d'une tribu d'Asie Centrale installée en Anatolie depuis le XIIIe siècle. C'est Oman arrivé au pouvoir en 1290, qui donne son nom à la dynastie. Il tente d'agrandir son territoire face aux Byzantins et remporte un certain nombre de victoire. Des centres urbains se développent, où se regroupent les gens de lettres et les jurisconsultes posant ainsi les jalons de la nouvelle administration. Brousse devient la capitale du pays. Son fils Orkham continue la politique de son père et parvient à s'implanter en Europe.

Murad Ier, le fils, change de capitale et s'installe à Andrinopole en 1363. La ville devient un important centre intellectuel. Par la suite, il entreprend des réformes administratives et il est le premier à prendre le titre de sultan.

Vainqueur à l'Ouest, Bayazid Ier le fils du précédent, doit faire face à l'Est à un puissant ennemi en la personne des Mongols. Les deux armées s’affrontent à Ankara en 1402 et se termine par une défaite turque. Le royaume connaît alors une grave crise politique et militaire. Il faudra toute l'énergie de Mehmed Ier et de Murad II pour redresser la situation.


L'apogée de l'empire
En 1452, Mehmed II entreprend le siège de Constantinople. La ville résiste vaillamment, mais la mort du Basileus lors d'une attaque remet tout en cause. La cité est prise le 29 mai 1453, mais le sultan ne s'arrête pas là. Il envoie des armées jusqu'en Bosnie et parvient à Venise. A la suite de plusieurs négociations, un traité est signé. Les Turcs s'engagent à ne plus conquérir de territoires en échange d'accords commerciaux en Méditerranée. La capitale est déplacée à Constantinople qui prend le nom d'İstanbul. Mehmed II refonde le système, afin d'intégrer les populations non musulmanes.

C'est à l'Est que la situation se dégrade. Certaines populations soutenues par l’Iran, commencent à se révolter. Selim Ier rétablit l'ordre par le sang. A cette époque, l'empire est rongé par un schisme religieux entre chiites et sunnites. Selim Ier part en guerre contre le Shah d'Iran. L'armée ottomane est remarquablement bien préparée, bien équipée et soutenue par la plus puissante artillerie du monde. Face à cela, les armées iraniennes n'ont que leur courage à opposer, mais les problèmes de logistiques et les conditions climatiques forcent Selim Ier à rebrousser chemin.

C'est alors que le sultan décide d'affronter les Mamelouks qui occupent toute l'Afrique du Nord et le Sud du Proche Orient. Désirant s'approprier les terres de Palestine et craignant une alliance Egypte - Iran, il s'empare par la ruse de la Syrie et conquiert l'Egypte en 1517. C'est son fils Soliman, qui va consolider les conquêtes de son père et doter l'empire d'une puissante structure juridique et fiscale.

La cour d'Istanbul se gorge de faste et de luxe. Soliman finit de conquérir la Grèce et fait de la Méditerranée Orientale un espace turc. Il est fidèlement aidé par son grand vizir et néanmoins ami Ibrahim Pacha, qui gère la situation intérieure de l'Empire, mais aussi mène des campagnes militaires. Soliman reprend ses conquêtes. En 1526, il annexe la Hongrie. En 1529 son armée met le siège devant Vienne, mais il se heurte à la résistance farouche des Autrichiens et rebrousse chemin.

A l'Est, la guerre contre l'Iran reprend. C'est Ibrahim Pacha qui la mène. Il s'empare de l'Azerbaïdjan, mais peine en Irak. C'est le sultan revenu d'Europe qui démêle la situation et prend Bagdad en 1534. La colère gronde contre le vizir et celui ci est assassiné le 15 mars 1536.

Soliman reprend ses campagnes en Europe. En 1543, il prend sous son emprise la Pologne et force l'Empereur Ferdinand à lui payer tribut. Soliman meurt en Autriche en 1566. Il laisse à son fils un empire s'étendant de Bagdad à Vienne en passant par Le Caire. En 1571, une ligue se forme pour la défense de l'Europe Catholique, qui comprend l'Espagne, l'Autriche, Venise et les Etats Pontificaux. La guerre est menée à Chypre. La bataille navale de Lépante marque la première défaite des Turcs, mais elle n'empêche pas Chypre de passer sous domination ottomane en 1573. L'année suivante, les Turcs s'emparent de la Tunisie. Au XVIe siècle, l'Empire Ottoman est à son apogée.


L'Etat ottoman
Le sultan commande, juge et légifère en exerçant un pouvoir absolu uniquement limité par sa soumission aux préceptes religieux. Il nomme les agents et le chef de l'armée. En matière religieuse, le sultan peut opérer des changements dans le domaine séculier.

L'Empire ne peut être dirigé que par un descendant d'Osman. Or selon la tradition turque tous les enfants sont égaux, ce qui entraîne des luttes successorales. Le conseil appelé Divan se compose du vizir, du grand chancelier, de deux ministres des finances, de deux ministres de la guerre et du conseiller religieux. Le conseil a aussi le rôle d'une cour suprême devant laquelle chaque sujet peut faire appel. Le vizir est le second du sultan et son pouvoir est aussi illimité et rend des comptes au sultan. Il n'a par contre aucun contrôle sur la religion.

L'Empire est divisé en provinces dirigées par des gouverneurs responsables de l'ordre public, de la fiscalité et de l'approvisionnement. Les services militaires rendus par les sujets sont très bien récompensés. Les gardes d'élite du sultan sont de jeunes esclaves convertis de force et durement entraînés que l'on appelle les janissaires. Par ce système, les sultans se constituent un corps privilégié de serviteurs fidèles et compétents. Ils remplacent ainsi une aristocratie héréditaire souvent turbulente. L'armée est composée d'une portion permanente d'esclaves, qui assurent la défense du palais et d'Istanbul. Le reste est composé de paysans levés suivant les besoins. Les Turcs ont compris très tôt l'importance des armes à feu. La marine a mis beaucoup de temps à se développer, car ce n'est pas une tradition turque. C'est le corsaire grec Barberousse qui en a favorisé le développement.


Istanbul, capital d'empire
Istanbul anciennement Constantinople se repeuple peu à peu après son siège. La diversité de sa population reflète celle de l'empire, mais les habitants se regroupent par ethnie autour de leurs lieux de culte respectif. Les non musulmans ne peuvent accéder à de haute charge et doivent payer un impôt spécial. La ville se développe autour des quartiers commerçants. Les habitants se construisent selon les modèles turcs.

Le palais est le siège du gouvernement. Il est bâti dès 1455 par Mehmed II et sans cesse amélioré. Il est composé d'une enceinte à l'intérieur de laquelle se trouvent de nombreux pavillons, lieux de culte et jardins. Le tout est marqué par le faste de la cour et la richesse du souverain. Le palais comprend également le harem véritable labyrinthe de cours et d'appartements. Sont logés là, la sultane, ses sœurs, ses maîtresses et ses esclaves. Le harem est gardé par des eunuques, qui assurent l'ordre et le service. Les femmes apprennent les concepts de l'Islam, puis on leur instruit la danse et la musique. Les maîtresses montent ou descendent en grade selon la volonté du sultan. Dans cette atmosphère luxueuse mais confinée, les passions s'exacerbent, les jalousies et les intrigues naissent et vont parfois jusqu'au crime. Il n'est pas rare de voir des concubines jouer un rôle politique de premier ordre.

Le cœur économique de la ville est le grand bazar, gigantesque centre commercial, où s'entassent toutes les marchandises luxueuses. C'est là que se traitent les affaires commerciales et bancaires. Le tout est contrôlé par un fonctionnaire du gouvernement. Il applique les ordonnances gouvernementales, inspecte les produits, participe à la fixation des prix et contrôle les transactions. A l'intérieur du bazar, se regroupent les artisans organisés en corporation. L'Etat contrôle l'approvisionnement en matière première, afin d'éviter les pénuries, mais laisse les autres articles aux lois du marché. Comme Byzance, la ville reste une plaque tournante entre l'Orient et l'Occident. Les capitulas sont des concessions que le sultan accorde aux ressortissants d'une nation étrangère. Elles déterminent leur statut juridique et les conditions dans lesquelles ils peuvent s'établir dans l'empire. Ces écrits permettent l'établissement des marchands et des représentants. Ce sont les Français qui sont les premiers à en profiter.

La ville comporte aussi des hammams, qui sont à la fois des lieux de purification et de distraction. Ils ont le même plan que les thermes romaines. Ils sont pour la plupart gratuits.


L'élan artistique
L'architecture resplendit à travers les mosquées. Les Turcs influencés par les Byzantins développent et perfectionnent les techniques de constructions des coupoles. Les murs et les sols sont recouverts de céramiques colorées. Le grand architecte turc est sans nul doute Marhmur Saman vivant à l'époque de Soliman. Il a la charge de restaurer et de construire des édifices dans tout l'empire. Il est possible de reconnaître son œuvre dans plus de 300 bâtiments. C'est lui qui définit les canons classiques des mosquées turques.

Les peintres ne sont pas uniquement chargés d'illustrer et d'enluminer les manuscrits. Ils dessinent également le décor des reliures et des objets d'art. Ils préparent les compositions picturales, qui ornent les palais et les mosquées. La calligraphie est un art qui possède un caractère sacré, puisqu'elle permet de véhiculer la révélation coranique.

C'est au XVIe siècle que la peinture turque connaît son apogée. Elle est d'une part hautement décorative et d'autre part réaliste et narrative. La nature et surtout la végétation est un thème très en vogue et probablement influencé par l'art chinois. Jusqu'au XVe siècle, l'art du portrait est méconnu dans le monde musulman. Toutes les représentations des grands personnages sont symboliques. Ce sont les Italiens présents à la cour, qui vont transmettre ce type de représentations. Cela va de pair avec le développement des biographies et des généalogies. Des cartes commencent à être dressées en général par les navigateurs nécessaires au commerce et aux guerres.

La tradition veut que le sultan s'initie à un travail manuel. Selim Ier et Soliman ont choisi l'orfèvrerie. Ils recherchent la somptuosité des objets d'or incrustés de pierres précieuses. Ces objets pouvaient être refondus pour renflouer les caisses de l'Etat. Le tapis constitue une autre facette de l'art ottoman. Ils sont fabriqués à Istanbul et Brousse, en soie ou en coton cousus de fils d'or et ornés de décors monumentaux. C'est dans les ateliers d'Iznik à la fin du XVe siècle, que la céramique prend son essor. Grâce à diverses techniques, les potiers arrivent à créer un blanc très pur. La palette des couleurs s'enrichit avec le bleu et le turquoise, puis le vert, le violet et le noir. Les premiers décors sont chinois, mais peu à peu les Turcs dessinent leurs propres motifs souvent végétaux.


Déclin et mort d'un empire
Les sultans du XVIIe siècle sont plus soucieux de leurs plaisirs que du bien de l'Etat et le pouvoir passe aux mains des vizirs et des sultanes. Le népotisme et la vénalité s'installent à tous les étages. En 1643, l'Autriche menace la Hongrie. Les Turcs contre-attaquent, mais sont battus à Vienne. Une alliance Autriche, Pologne, Venise et Russie, se crée contre eux. En 1699, les Turcs perdent la Hongrie et bon nombre de territoires dans les Balkans.

Par ailleurs, l'Occident effectue une pression économique en développant le commerce transatlantique. Des mouvements d'autonomies politiques se manifestent en Egypte, Algérie et Syrie. En 1774, la Russie se crée un passage vers la Méditerranée et le Proche Orient. Les Anglais veulent protéger la route des Indes et garder le contrôle des passages de la Mer Méditerranée à l'Océan Indien. Les Français cherchent à sauvegarder leurs positions dans la région. Quant aux Autrichiens, ils veulent une fois pour toutes être libérés de la pression turque.

Au début du XIXe siècle, des réformes de types occidentales sont opérées, mais elles se heurtent souvent au traditionalisme des élites et notamment celles qui viennent des idéaux de la révolution française. En 1830, la Grèce aidée par la Russie acquiert son indépendance, puis c'est au tour de la Serbie. Les Français s'emparent de l'Algérie. En 1840, l'Egypte prend son indépendance. En 1853, la Turquie est le théâtre de la Guerre de Crimée opposant les Russes et les Turcs soutenus par la Grande Bretagne. En 1876, l'Empire se dote d'une constitution et institue un parlement. Cependant, la perte de nombreux territoires et l'arrivée massive de réfugiés forcent le sultan à rétablir son pouvoir absolu et à lancer le panislamique, c'est à dire à regrouper autour de lui tous les musulmans. Les Arméniens vont en subir les conséquences.

La situation financière désastreuse oblige le sultan à emprunter aux puissances occidentales, qui se remboursent allègrement. Un mouvement nommé les Jeunes Turcs se révolte en 1908 contre la domination grandissante de l'Occident. En 1911, les Italiens s'emparent des dernières positions turques en Afrique. Lors de la Première Guerre Mondiale, l'Empire s'allie à l'Allemagne. En 1918, le sultan est obligé de négocier avec les Britanniques et les Français, qui se réservent le droit d'occuper un grand nombre de territoire ottoman. Il ne reste aux Ottomans que l'actuelle Turquie. Le 29 octobre 1932, la république est proclamée et le sultan est déposé, mettant fin à la dynastie ottomane.


Sources :
texte : BITTAR. Thérèse : Soliman le Magnifique
image : dellys-dz.ifrance.com