jeudi 23 décembre 2010

La Route de la soie


Le temps des ambassadeurs
Lorsque la soie arrive à Rome, les Romains ignorent totalement son origine. Pour eux, cette matière vient des Sères un peuple du Moyen-Orient. Comme la pourpre et le verre, la soie est un produit de luxe. Servant d'abord d'ornement, puis utilisée pour recouvrir des coussins, elle est ensuite employée à la confection de vêtements. Ce produit de luxe est jugé décadent et est interdit plusieurs fois par le sénat romain, sans réel succès.

Avant de ravir les Romains, le précieux tissu faisait l'admiration des nomades Xiongnu qui parcourent les régions du Nord de la Chine et contre lequel l'Empereur construit la Grande Muraille. Les périodes de paix sont l'occasion d'échange de cadeaux, parmi lesquels se trouve de la soie. Les Xiongnu la revendent à d'autres tribus et ainsi de suite. Par ailleurs, l'extension de la Chine en -140, contribue à agrandir les routes commerciales.

Dès lors, des missions diplomatiques sont envoyées vers l'Empire Parthe, le Golfe Persique et l'Inde. A côté des fonctionnaires se glissent des personnes parfois peu recommandables. Il n'est pas rare que les présents soient dérobés. Les échanges entre la Chine et les autres royaumes se font sous forme de tribut et combinent la diplomatie, le commerce et la stratégie militaire. Par ailleurs, des marchands accompagnent les ambassadeurs. Les Chinois connaissent vaguement l'existence des Romains. En 97, une expédition est organisée pour les rejoindre, mais l'Empire Parthe au milieu, les en empêche.


Le temps des pèlerins
La route de la soie permet également la diffusion des religions et notamment celle du bouddhisme. Né en Inde au Ve siècle av JC. Cette religion se diffuse progressivement en Chine, où se côtoient déjà le taoïsme et le confucianisme. Cette religion s'est probablement répandue d'abord chez les étrangers installés en Chine. Il s'agit des marchands et des ambassadeurs. Certains sont des émigrés venus d'Inde ou du Pakistan. Ce sont en général eux qui traduisent les premiers textes en chinois.

Le besoin de recourir aux textes originaux est à l'origine des grands mouvements de pèlerinage vers l'Inde. Les pèlerins parcourent les mêmes routes que les marchands. Xuongzang reste pour les Chinois, le modèle du pèlerin. Cet érudit est entré au monastère à l'âge de douze ans et a étudié le bouddhisme et la philosophie. Il parcourt l'Inde pendant dix ans et revient chargé de livres, de statues et de reliques. A partir du IXe siècle, le bouddhisme entre en décadence en Chine. En 843, sa proscription est ordonnée par l'Empereur Wuzong. La Chine connaît à cette époque une période de repli dû à l'émergence de puissants royaumes comme le Vietnam. Cette proscription touche également les autres religions étrangères, qu'il s'agisse du mazdéisme, du manichéisme ou du nestorianisme qui viennent tous trois de Perse. A la différence de ces religions, l'Islam qui s'introduit en Chine au VIIIe siècle, possède de profondes bases dans la population, même s'il ne touche que des minorités.


Le temps des marchands
Les Arabes succédant aux Parthes continuent de jouer le trait d'union entre Orient et Occident. Les voyageurs ouvrent ou développent des routes maritimes dans le Golfe Persique, l'Océan Indien et la Mer de Chine. Le commerce maritime semble trouver un nouvel envol avec la fondation de Bagdad en 762, la capitale de l'Empire Abbasside. En effet, les échanges sont encouragés par les fastes de la cour et le goût du luxe.

L'itinéraire le plus répandu est le suivant. En partant de Bagdad, les voyageurs remontent le Tigre jusqu'au Golfe Persique, puis gagnent les Maldives et l'Inde, contournent le Sri Lanka avant d'arriver à Canton. Ce trajet demande huit mois. Les marchands ne repartent donc qu'une fois leur marchandise remplacée par des produits locaux. C'est ainsi qu'à Canton vit une forte communauté arabe, sous l'autorité d'un chef responsable devant les autorités chinoises et inversement à Bagdad.

Les Chinois ont développé une police douanière très présente, visant à contrôler les flux et à les taxer. Les progrès effectués dans le domaine de la navigation ont certainement leur part dans l'extension de la Chine à cette époque. Les Chinois utilisent la boussole dès le XIe siècle. Les Arabes la reprennent et inventent au XIIIe siècle l'astrolabe.

Tout s'échange sur les marchés. La soie est un article important pour les Arabes. Les céramiques sont en plein essor. La porcelaine prend peu à peu une place capitale. Alors que le trafic par mer n'a cessé de se développer, les routes terrestres n'ont pas connu jusqu'à alors un essor si important. Les croisades seront un des éléments moteurs du renouvellement de ces itinéraires. Ce sont les cités italiennes, qui assurent la correspondance entre Byzance et le Proche Orient. Des comptoirs italiens se construisent tout le long des côtes. Deux raisons paraissent pousser les marchands occidentaux à rechercher de nouveaux débouchés vers l'Orient. D'abord le renchérissement des marchandises précieuses. Les risques dus au voyage conduisent les marchands à associer leurs capitaux dans des entreprises communes. L'autre raison est l'unification des peuples de l'Asie sous l'influence des Mongols, qui établissent une paix relative dans les régions d'Asie centrale.


Marco Polo
Marco Polo est issu d'une famille de marchands vénitiens. En 1271, il part avec son père Nicolo et son frère Maffeo. Le voyage se fait par terre. Partant de Layas, ils traversent l'Arménie et se rendent à Ormuz capitale des Mongols. Là il rencontre l'empereur Kubilaï. Ce dernier confie à Marco Polo une mission diplomatique, chose courante chez les Mongols. Marco Polo a l'avantage de connaître quatre langues : l'italien, le turc, l'arabe et le persan. Sa fonction est celle d'un inspecteur voire d'un agent de renseignement. Il est envoyé en Chine et en Inde. Par la suite, l'empereur lui confie la tâche de gouverneur de Yuangzhou.

C'est durant ses missions, que Marco rédige des commentaires sur ce qu'il voit. Il insiste énormément sur l'économie et le commerce. Il est surpris par l'utilisation du papier monnaie utilisé par les Mongols, ainsi que par le réseau de relais. Ceux ci permettent d'acheminer les messages, mais servent aussi d'étapes aux voyageurs. Ce système déjà utilisé par les Chinois, remonte au IIIe siècle av JC. Il est repris et développé par les Mongols. Marco Polo reste au service de Kubilaï un peu plus de dix sept ans. L'empereur lui confie comme dernière mission d'escorter par la mer les envoyés du seigneur d'Arghun. Le convoi part de Quanzhou, s'arrête à Sumatra et arrive en Iran. Une fois cette mission achevée, les Polo repartent pour Venise. Ils traversent la Turquie et embarquent à Constantinople. Ils arrivent à Venise en 1295. De retour à Venise, Marco Polo reprend une vie normale de marchand. Il se marie et fait prospérer son entreprise. Il meurt en 1324.

La légende de Marco Polo prend vie au XVIe siècle quand ses récits sont édités. Ceux ci sont rédigés en 1298, lors de sa captivité à Gênes, au moment des guerres entre les deux cités. Il y rencontre Rusticello de Pise, grand écrivain de cour. D'abord écrit en français, ils sont ensuite traduits en latin et en italien. Ce récit d'aventures, à la fois reportage ethnographique et recueil de fables, prend sa place parmi les livres des merveilles, où rêve et réalité se mêlent. Marco Polo se présente plus comme un conteur que comme un marchand. Il est inspiré par la tradition des bestiaires et des légendes médiévales. L'originalité de Marco Polo, réside dans le fait, qu'il est le premier marchand européen à rédiger le livre de ses voyages. Grâce à cela et à d'autres sources, les historiens sont capables de mieux cerner les relations diplomatiques et économiques entre l'Inde, la Chine et la Mongolie.


Le temps des missionnaires
Au XIIIe siècle, les hordes mongoles ont déferlé jusqu'au Danube. Peu à peu la panique des occidentaux cèdent la place à un effort pour nouer des contacts. En 1245, le Pape Innocent IV envoie des missionnaires chez les Mongols, pour tenter de conclure la paix et les convertir. Ces négociations se passent souvent très mal, les Mongols désirant la soumission des grands monarques occidentaux. Les choses finissent par se tasser d'un point de vue politique.

Les valeurs chrétiennes se répandent dans l'Empire mongol. Les missionnaires religieux rédigent eux aussi de nombreux livres, qui sont de véritables études ethnographiques, politiques et juridiques. L'Empire mongol n'a pas de religion officielle et est assez tolérant vis à vis des autres croyances. En 1283, Jean de Montecorvino part en Mongolie puis en Chine. Il fonde à Pékin une communauté où il prêche. A tel point que la Papauté le nomme évêque de Pékin en 1313. Toute l'agitation qui s'est développée depuis le XIIe siècle dû aux missionnaires et aux marchands, diminue au siècle suivant. Plusieurs causes expliquent ce phénomène. Tout d'abord, l'Occident est ravagé par les épidémies. Ensuite, l'affaiblissement de l'Empire mongol qui tend à se diviser en plusieurs royaumes, empêche de voyager sereinement. En Chine la nouvelle dynastie au pouvoir les Ming, tend à fermer ses frontières.


Le temps des navigateurs
A partir du XVe siècle, les Portugais se lancent à la découverte du monde et cherchent d'autres voies pour se rendre en Chine. C'est le cas de Christophe Colomb et de Vasco de Gama. Entre 1405 et 1433, les Chinois ont lancé eux aussi plusieurs expéditions maritimes notamment vers l'Afrique. Ils sont en avance dans le domaine de la navigation, surtout à cause de l'architecture de leurs bateaux. C'est ainsi que les Chinois étendent leur influence dans tout l'Océan Indien et au Proche Orient.

Les premiers Portugais arrivent en Chine en 1513. Cette expédition a pour but de passer outre l'influence arabe. Néanmoins, les relations sino-portuaises sont houleuses et les Portugais préfèrent se tourner vers le Japon. Les découvertes des Portugais améliorent les connaissances géographiques relatives à l'Asie, mais celle de la Chine reste encore obscure. Il faudra le travail du jésuite Matteo Ricci pour venir à bout de ce problème. Le fait de compléter parfaitement les cartes met fin aux explorations en Asie et seuls les marchands continuent d'emprunter toutes ces routes.


" La route de la soie a été la route de la science "
Michel Serres


Source
Texte : DREGE. Jean Pierre : Marco Polo et la route de la soie
Image : metiers.free.fr

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