samedi 16 octobre 2010

L'Empire byzantin


Un Empire de onze siècles
Le 11 mai 330, Constantin le Grand inaugure une nouvelle capitale Constantinople. C'est l'ultime étape d'un changement radical de politique de l'Empire romain, qui consiste à chercher en Orient les voies de son salut. C'est en Egypte que se trouve le blé et c'est en Palestine que se trouve le tombeau du Christ. Mais il faut également défendre les frontières du Danube, menacées par les Goths et celles de l'Euphrate par les Perses. Peu à peu, le pouvoir impérial quitte Rome et s'installe à Constantinople. Rome tombe en 476 faisant de la ville la nouvelle capitale.

Au début du VIe siècle, l'Empire Romain d'Orient atteint un tel degré d'équilibre que Justinien peut faire la paix avec les Perses et refaire de la Méditerranée un lac romain. Il reconquiert l'Afrique du Nord et le Sud de l'Italie et de l'Espagne. L'œuvre la plus durable de Justinien est la codification du droit confié à Toubonien. Il a pour tâche de compiler un nouveau code, mais aussi de rassembler la jurisprudence au sein des Digestes et de fournir aux étudiants un manuel Les Institutes. Le défaut majeur de l'œuvre reste la langue. En effet, le récit est en latin et le peuple parle grec. Justinien incarne la diversité, la grandeur, mais aussi les contradictions de son empire.

Sur les rives du Danube, les Slaves reprennent de nombreux territoires laissés à l'abandon. Dès 565, les Lombards se ruent sur l'Italie. La guerre reprend avec les Perses dès 610. Mais en 630, l'Empereur Héraclius rétablit les frontières de l'Euphrate. Toutefois le répit est de courte durée. En 632, l'armée byzantine est battue par les Arabes près du Jourdain. En un demi-siècle, le Proche Orient et l'Afrique du Nord échappe au contrôle de Byzance. L'Empereur Léon parvient à sauver le centre de son empire et à repousser ses nouveaux ennemis. Dès la fin du VIIIe siècle, la conquête des territoires grecs et arméniens s'accélère.

Avec la dynastie macédonienne (867-1057) se déroule la période la plus glorieuse pour les armées byzantines. La reconquête des territoires est essentielle pour un empire qui se veut universel. Dès que possible, les Byzantins se mettent en route pour le Proche Orient. Miletene est reprise en 969 et Edesse en 1032. Maître de la Méditerranée orientale depuis que l'Empereur Nicéphone a reconquis la Crète en 961. Byzance l'emporte également en Occident contre les Lombards et les Slaves.

La lutte contre les Bulgares dure plus de deux siècles. En 813, le roi Klum assiège Constantinople. Son successeur Symcon élevé à la cour de Constantinople ne rêve que de s'emparer de cet empire, mais il échoue. C'est de nouveau son successeur Samuel qui reprend le combat, mais l'empire byzantin étant à son apogée, repousse les attaques. Tranquillisé en Orient, Basile II envahit la Bulgarie au début du XIe siècle. En juillet 1014, l'armée bulgare est écrasée à Childron. C'est l'annexion pure et simple du pays. Basile II stabilise également la monnaie et fait de sa capitale une plaque tournante du commerce mondial.

Néanmoins, c'est à cette époque que s'effrite la puissance de Byzance. L'Occident en plein essor s'installe en Italie avec les Normands. Les Croisades sont lancées. Byzance y voit un appui contre les Turcs, qui ne cessent de mener des raids et qui conquièrent l'Asie Mineure. Alexis Comnème désire employer les croisés comme renfort. L'Empereur déchante vite. Les croisés repoussent certes les Turcs, mais refusent de donner les territoires à Byzance.

Byzance de par ses richesses et sa culture a émerveillé les Occidentaux. Venise est la première cité à négocier des accords et à s'installer durablement dans l'Empire. Elle est bientôt suivie par Pise et Gênes. Toutefois, l'Empire se replie de plus en plus sur lui même, tandis que le pouvoir a tendance à se déplacer à Nicée. Le 15 aout 1261, l'Empereur Michel replace Constantinople au centre de l'Empire. La pression turque reprend encore plus forte avec la dynastie des Ottomans. En 1348, l'Empire sombre dans une guerre civile, qui permet aux Turcs de prendre de nombreux territoires y compris dans les Balkans et en Grèce. La ville elle même finit par tomber en 1453, marquant ainsi la fin de l'Empire Byzantin.


Le Basileus ou l'Empereur de Byzance
L'Empereur reçoit l'investiture dans la cathédrale Sainte Sophie et est ainsi le lieutenant de Dieu su Terre. L'Eglise n'est qu'une institution étatique parmi d'autre. L'Empereur est le chef de l'Eglise. Au Xe siècle, Léon IV instaure le principe d'hérédité et met fin aux assassinats et conjurations de palais.

Le pouvoir impérial se veut universel. La cour est le reflet de la conception théologique du pouvoir et les ambassadeurs doivent se prosterner devant l'empereur. Un protocole strict régit la cour où chacun est à sa place. Les dignités sont un honneur, mais un honneur gradué. Ce sont des offices ou commandements effectifs civils ou militaires. Ils dépendent uniquement du bon vouloir de l'empereur. La fonction donne un pouvoir, mais c'est la dignité qui confère le statut social. A partir du XIe siècle, il est tout à fait possible d'acheter des dignités de petites importances. L'administration centrale se divise en bureaux avec à leur tête un secrétaire dirigeant une équipe. L'organisation des services évolue avec le temps, mais la tendance générale est à un personnel nombreux et bien formé. Les impôts proviennent de deux sources : les taxes sur les marchandises et l'impôt foncier.

A partir VIIe siècle, le gouvernement des provinces est confié à un stratège, qui a en charge la sécurité militaire. A l'époque de Justinien, l'armée se compose essentiellement de mercenaires. Toutefois avec la pression arabe, des contingents de paysans voient le jour. Ils ont l'avantage d'être mobilisable à tout instant. Ils forment une cavalerie légère. C'est une armée efficace, car ils se battent pour défendre leur terre et est peu couteuse, car ils achètent eux même leur armement. La marine fonctionne sur le même modèle. L'emploi de mercenaires réapparait au XIe siècle lorsque la guerre se fait au delà des frontières. Les Vénitiens s'engagent dans la marine et les Normands dans l'armée de terre.

L'Empire Byzantin se veut le royaume de Dieu et le modèle pour le monde. Tous les accords avec les autres pays sont des grâces de l'Empereur et non des traités. Vis à vis de Rome la question est plus délicate. L'Empereur considère le Pape comme un simple évêque, qui a certes une place dominante en étant l'héritier de Saint Pierre. Les relations sont tendues entre les deux souverains. Au delà des divergences doctrinales qui sont somme tout minimes, l'opposition porte sur la conception de l'Eglise. En 1054, a lieu le schisme qui donne naissance à' la religion orthodoxe. Le Basileus devient le chef spirituel. Le sac de la ville en 1204 par les croisés est le résultat de ce phénomène et brisera toute possibilité d'union entre Byzance et l'Occident. Pourtant, les peuples Slaves sont convertis au christianisme par le byzantin Cyril, qui invente l'écriture portant son nom.

Constantinople : la ville lumière
Placée au carrefour des routes maritimes entre Orient et Occident, Constantinople voit affluer vers elle les hommes, les marchandises et les richesses. Constantin édifie une première muraille terrestre et navale. Dès le Ve siècle, elle se révèle insuffisante à cause de la croissance démographique. Théodore II en construit une deuxième et fortifie la première. La ville devient ainsi imprenable jusqu'au développement de l'artillerie au XVe siècle. Il existe néanmoins le risque des séismes assez fréquents dans la région.

Au sud du palais, Constantin inaugure le 11 mai 330 un hippodrome basé sur les plans du Cirque Maxime à Rome, qui peut contenir jusqu'à 30.000 personnes. Cet édifice joue un rôle politique et social important. En effet, l'Empereur et le Sénat assistent aux spectacles et c'est là que le peuple peut communiquer avec son souverain. Les Byzantins se passionnent pour les courses de chevaux et de chars. Les supporters sont organisés en quatre dèmes (bleu, blanc, rouge et vert). Les chefs de ces dèmes doivent organiser et financer les jeux et diriger leur propre milice.

La plus grande église de la ville est la fameuse basilique Sainte Sophie construite entre 532 et 537 par Anthemius de Tralle et Isidore de Millet sur les ordres de Justinien. La nouveauté réside dans la coupole déjà utilisée pour le panthéon de Rome. Le fidèle est écrasé par la masse de l'édifice, mais son regard se tourne inlassablement vers la coupole, où trône le Christ, symbole de l'élévation de l'âme.

L'aristocratie dispose d'importants palais isolés et fermés vers l'extérieur. Ils s'ouvrent sur des jardins intérieurs bordés de cours. Les étages se prolongent par des terrasses. Les habitations jouissent de toutes les commodités. A l'inverse, les logements populaires sont petits, sombres et inconfortables. Ils se trouvent à l'étage. Le rez-de-chaussée est occupé par un atelier. L'alimentation en eau pose problème, malgré l'existence de gigantesques citernes alimentées par des aqueducs. De plus, les égouts ne suffisent pas éliminer tous les déchets. Constantinople reste une ville aérée. Il y a de nombreuses places et des jardins. Les métiers sont regroupés dans des quartiers respectifs.


Constantinople : une ville de contraste
A part la soie et les armes, tous deux monopoles d'état, le commerce et l'artisanat sont assurés par de petites entreprises dans des boutiques ateliers. Chaque métier possède une organisation dont le règlement est consigné dans le livre de l'éparque. L'éparque est le préfet de la ville. Cette réglementation a pour but d'assurer une concurrence honnête et une production de qualité et d'éviter les spéculations. Toutefois, malgré les quelques règlements existants, c'est avant tout le libre échange qui domine. L'atelier est loué par une aristocratie. Le maitre vit au dessus de l'atelier avec sa famille et parfois avec un apprenti ou un esclave.

Constantinople est aussi une ville cosmopolite. Ce sont d'abord des Syriens qui s'installent au VIIIe siècle et pratiquent l'Islam, suivis par des Egyptiens. Au Xe siècle, ce sont les Russes et les peuples des Balkans. Peu à peu, des Italiens arrivent et établissent des comptoirs. La trop forte participation des Italiens dans le commerce au détriment des Byzantins provoquent de violentes réactions comme des expulsions et des massacres.

La fracture entre aristocratie et classe populaire est forte. Les nobles n'ont qu'un profond mépris pour le reste de la population et refuse d'intégrer certains riches marchands, qui prennent de plus en plus d'importance à partir du XIe siècle. Une partie de l'aristocratie vit dans ses domaines en province, mais la plupart préfèrent vivre en ville auprès de l'empereur.

La ville attire également tous les miséreux, persuadés qu'ils vont y trouver de quoi vivre. L'aumône du chrétien est sans cesse sollicitée. Les vols sont fréquents, malgré l'existence d'une milice et d'une police.


La solidarité du village
Contrairement à l'Occident et à l'Orient, Byzance ne connaît aucune amélioration de ses techniques agricoles. Les céréales constituent la base de l'alimentation avec les légumes. Climat de type méditerranéen, on craint souvent la sécheresse l'été et le gel l'hiver.

Les marchés urbains apportent les fruits, mais les paysans ont souvent leur jardin et ils élèvent quelques animaux comme la chèvre et le mouton. Suivant la taille de l'exploitation, le paysan peut faire appel à de la main d'œuvre. Ce sont en général les paysans possédant de toutes petites exploitations.

Les villages offrent des plans divers et regroupent toutes les catégories économiques. Certains sont propriétaires, d'autres locataires de leurs terres. Les maisons des riches exploitants se composent de plusieurs bâtiments regroupés autour d'un jardin. Cependant, le modèle majoritaire reste la maison monobloc où le matériel, les animaux et les récoltes occupent le rez-de-chaussée et la famille le premier étage. On dénote également l'existence de terrasse. Les aristocraties vivent à l'écart dans des domaines appelés villas ressemblant aux villas romaines. Il y a très peu de lien entre l'aristocratie et les paysans.

Le village est le lieu d'une grande solidarité renforcée par certaines tâches communes. Des cadastres sont dressés, afin de prélever l'impôt et une somme est allouée au village. Les membres de la communauté se répartissent cette somme. Le village se dote d'un chef, d'archives et d'une cour de justice. Le village est une personne morale. Il est aussi une communauté chrétienne avec son lieu de culte.


Les dépositaires de la culture grecque
L'enseignement primaire est assez largement répandu et on trouve des maitres partout. Ils apprennent à lire et à écrire. La langue est le grec ancien. Cet enseignement est privé et donc payant. Les programmes varient d'un enseignant à l'autre. Seules les villes possèdent des établissements d'études secondaires. Les aristocrates et les riches marchands sont les seuls à les fréquenter. Le but de cet enseignement est l'acquisition du langage, des formes et qualités d'expression et aussi le droit. Dès le IVe siècle, des universités sont établies et financées par l'Etat. Les étudiants sont les futurs cadres de l'empire. Toutefois, ce type d'établissement tend à décroitre à partir du XIe siècle.

Peu à peu le parchemin remplace le papyrus moins résistant. Le développement de l'écriture cursive plus rapide et plus petite a réduit le temps de confection des ouvrages. Les érudits s'intéressent à la philosophie antique, à l'histoire, au droit et à l'astronomie. En revanche, les sciences sont rejetées, car elles se rapprochent de la magie.

La culture est conçue comme la reproduction d'un modèle figé, destiné à une mince couche de la société pour son bénéfice exclusif. Il y a transmission sans amélioration. Seule la poésie, la musique et le théâtre jouissent de nouveautés, afin de s'adapter aux gouts de l'époque. L'histoire s'écrit toujours suivant le modèle d'Hérodote. Le genre byzantin s'exprime mieux dans les récits hagiographiques écrits soit par des anonymes, soit par des grands princes de l'Eglise.


Dieu et ses saints
Depuis Constantin, le Christianisme est la religion de tous les sujets de l'empire. Les évêques jouent un rôle important au sein de l'Etat. L'universalisme du christianisme recouvre largement celui de l'empire. Dès le VIe siècle, Constantinople devient la ville religieuse de l'empire. Eglise et pouvoir s'épaulent. Le pouvoir aide l'Eglise à se développer et celle ci par la conversion des peuples assure la domination du pouvoir. A partir du IXe siècle, les choses se compliquent. En effet, le Pape reconnait en Charlemagne l'existence d'un autre empereur et proclame la supériorité du pouvoir spirituel sur le temporel. Les images sont apparues très tôt dans un souci pédagogique. Par la suite, le culte des reliques se diffuse, dont Constantinople devient un grand centre.

Devant la rapide adaptation de l'Eglise au monde, certains clercs se retirent, afin de vivre en retrait. C'est le début du monachisme. Il reste anarchique, car chaque monastère possède ses propres règles et vit en indépendance par rapport aux autres monastères. Ceux ci étant hors des villes, les moines jouent un grand rôle dans l'évangélisation des campagnes faute de clergé paroissial. Le moine est un saint possédant des pouvoirs miraculeux et sa tombe devient lieu de pèlerinage.

L'Eglise byzantine se divise en trois niveaux : le haut clergé pour l'administration, le bas clergé pour le prêche et la messe et les moines qui deviennent de plus en plus riches. Le moine est le porteur de la grâce divine accessible à tous. Par ailleurs, c'est à Constantinople qu'est née la religion orthodoxe encore pratiquée de nos jours dans cette partie du monde.



"Beaucoup de nos contemporains voient toujours Byzance comme elle apparaissait à Montesquieu ou à Gibbon, comme la continuation et la décadence de l'Empire romain. En vérité Byzance fut tout autre chose."
Charles Diehl


Sources
texte : KAPLAN. Michel : Byzance
image : planet-turquie-guide.com

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