lundi 18 octobre 2010

Catherine II

Vive l’adorable Catherine
Catherine II est née dans la petite principauté allemande d’Anhalt-Zerbst, sous le prénom de Sophie. Catherine grandit dans un milieu modeste, mais cultivé. La cour de son père est fortement influencée par la culture française. Elle lit les philosophes des Lumières. En 1744, à l’âge de 15 ans, elle se rend en Russie pour épouser Pierre III.

Les années 1744-1762 sont pénibles pour Catherine. Pierre est un piètre mari et menace plusieurs fois de la répudier pour ses mœurs dissolubles. De plus, la position de la princesse allemande à la cour est marginale. Pour renforcer sa position, elle se convertit à l’orthodoxie et apprend la langue et la littérature russe.

Tous les contemporains reconnaissent en Catherine une femme hors du commun, une grande intelligence, un don naturel pour l’administration, un sens pratique remarquable et une volonté de fer. Elle sait habilement dissimuler ses opinions et utiliser la propagande. Cependant, elle est souvent cruelle, égoïste et très ambitieuse. Elle ne reconnait aucune valeur en dehors d’elle-même et de ses désirs, auxquels rien ne doit résister. Son caractère est renforcé par le costume masculin, qu’elle porte régulièrement.

Ses affaires de cœur reflètent sa personnalité : possessive, insatiable, résolue et une sentimentalité froide et incapable. Catherine a vingt et un amants connus. On compte Grégoire Orlov un officier de la garde, qui l’aide à monter sur le trône.


La Commission législative
A l’été 1762 avec l’aide de nobles de la cour dévoués à sa cause, elle fait arrêter son mari, l’exécute et s’empare du pouvoir. Ensuite, elle épouse secrètement le prince Grigori Potemkine. Les hommes d’Etat les plus âgés se méfient d’elle. Un nouveau coup d’Etat peut de nouveau se fomenter et placer son fils Paul sur le trône. En 1764, Catherine sécularise les domaines de l’Eglise. Cette réforme provoque une violente protestation du métropolite de Rostov. Ce dernier excommunie tous ceux qui sont mêlés à cette mesure.

Peu à peu, Catherine consolide sa position. Elle distribue les honneurs et les récompenses à la noblesse. Elle voyage beaucoup à travers son pays. Le choix judicieux de ses ministres permet de mettre en place une bonne politique. Du coup, le souvenir de 1762 s’estompe peu à peu.

En 1766, Catherine confie à la Commission un travail de rédaction de lois, visant à la rationalisation et à la modernisation du droit et des mœurs. Ce texte nommé Instruction, s’inspire de la philosophie des Lumières et notamment de L’Esprit des lois de Montesquieu. Catherine reste persuadée que l’autocratie est la seule forme de gouvernement capable de maintenir la cohésion de l’immense Russie. Même si elle exhorte les seigneurs à traiter avec moins de rigueur leurs paysans, elle ne condamne pas pour autant le servage.

La Commission législative se réunit en 1767 et comprend 564 députés. Les députés nommés représentent l’Etat, les élus représentent les provinces et les minorités ethniques. Elle siège pendant un an et demi et aborde tous les problèmes de société. Cependant, rien de concret n’en sort. Les membres de la noblesse s’opposent aux représentants des marchands et des paysans. Catherine profite du début de la guerre contre la Turquie pour dissoudre la Commission.


La révolte de Pougatchev
Simple cosaque du Don, Emilian Pougatchev a pris part à plusieurs guerres, puis déserté. Il utilise les griefs des cosaques de l’Oural pour les soulever contre l’impératrice à l’automne 1773. Bientôt le mouvement s’étend le long de l’Oural et de la Volga. La révolte gagne des villes importantes comme Kazan et menace Moscou. La révolte des cosaques purement locale se transforme en une révolte de masse. Les serfs, les ouvriers des mines et des ateliers et les minorités religieuses et ethniques se joignent aux mouvements.

Pougatchev choisit de se faire passer pour le nouvel empereur, prétendant qu’il avait réussi à échapper au complot de Catherine. Il crée une cour, proclame l’abolition du servage, des impôts et du service militaire pour le peuple. Il nomme de nouveaux fonctionnaires. En 1774, Catherine II rassemble des troupes et défait l’armée de Pougatchev. Ce dernier est livré par ses hommes aux forces gouvernementales. Il est amené à Moscou, jugé et exécuté.

Catherine II a scellé son alliance avec la noblesse au moment du coup d’Etat et il est très peu probable, qu’elle n’ait jamais eu sérieusement l’intention d’agir contre les intérêts des propriétaires fonciers. Pourtant, elle est trop intelligente pour devenir une réactionnaire pure et simple. Elle a l’intention de combiner la répression et la contrainte, avec une pincée de réforme et un grand flot de propagande.




Les réformes, la noblesse et les serfs
Les nouvelles structures de l’administration locale, instituées par Catherine II en 1775, sont liées à la révolte de Pougatchev. Elle désire renforcer l’administration provinciale par la décentralisation, une répartition explicite des pouvoirs et des fonctions et la participation de la noblesse locale. Elle réduit la taille des circonscriptions administratives. Le nouveau tracé ignore les réalités historiques ou régionales. Elle s’efforce de séparer les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires. La noblesse est invitée à prendre part à l’administration locale et à soutenir la nouvelle organisation.

Catherine II autorise la noblesse à se regrouper en sociétés, qui permettent la rédaction d’une charte de la noblesse en 1785. La noblesse d’une province a le droit d’adresser en corps constitué, ses pétitions directement au monarque, ce que le peuple n’a pas le droit de faire. Ses membres sont exemptés d’impôts et dispensés de l’obligation de servir l’Etat. Seul un tribunal peut leur ôter leur dignité de noble, leurs biens, ou la vie. En 1785, l’impératrice octroie une charte urbaine qui permet la formation de municipalités aux pouvoirs limités et contrôlées par les riches marchands.

Améliorer la condition de la noblesse, revient à renforcer le servage. Le gouvernement l’impose en Ukraine. Une série de lois, de nature fiscale, promulguées entre 1763 et 1783, interdit aux paysans ukrainiens de quitter un domaine sans l’autorisation du propriétaire. Le nombre de paysans serfs est estimé à plus d’un million pour son règne et ils constituent 49% de la population. Il leur est interdit sous peine de punitions sévères, d’adresser des pétitions à l’impératrice ou au gouvernement pour obtenir justice contre leur propriétaire. Catherine II renforce son emprise sur les Cosaques.

Sur le plan économique, l’impératrice délaisse le mercantilisme jugé trop rigide, pour la libre entreprise et le libre commerce. Dans le domaine de la culture, elle met les bouchées doubles. Elle est l’amie des philosophes, correspond avec Voltaire, reçoit Diderot. Elle écrit et critique les œuvres littéraires. Elle considère que l’essentiel de sa mission est de civiliser la Russie. En 1763, elle institue un collège de Médecine, fonde des hôpitaux, mène la lutte contre les maladies contagieuses. A terme, la Russie doit produire elle-même les médicaments.


La politique étrangère de Catherine II
Fort de ses généraux, Catherine II remporte victoire sur victoire. La Russie s’élargit et devient une puissance de premier plan en Europe. Le général Panine préconise une alliance unissant tous les états du Nord de l’Europe, pour contrebalancer la puissance de l’Autriche, de la France et de l’Espagne. Cependant, la Russie est confrontée à deux autres problèmes : la Turquie et la Pologne. Catherine II a les mains libres pour agir. La Grande Bretagne est occupée par ses colonies et la France prise dans la tourmente révolutionnaire.

La guerre contre la Turquie a pour but d’atteindre la Mer Noire et de recouvrer les terres fertiles du sud de l’Ukraine. La première guerre débute en 1768 et se déroule à la fois sur terre et sur mer. Le corps de Rouliantsev pénètre dans les Balkans et compte sur le support des chrétiens contre les musulmans. Un deuxième corps envahit la Crimée. La flotte d’Alexis Orlov combat les Turcs dans la baie de Tchermé le 6 juillet 1770. Au terme du traité de Kutchuk-Kaïnardji, la Russie obtient des points stratégiques en Crimée, ainsi qu’une partie du littoral de la Mer Noire. Les navires obtiennent le droit de libre navigation dans les eaux turques.

Catherine II désire expulser les Ottomans de Grèce et rétablir un grand empire chrétien, dont Constantinople serait le centre. Elle réussit à s’assurer la neutralité de l’Autriche en échange de territoires dans les Balkans. Une seconde guerre éclate en 1787. L’Empire Ottoman reçoit l’appui de la Grande Bretagne. Malgré cela, les Russes remportent de nombreuses victoires. Le traité de Jassy du 9 janvier 1792, fait passer la Crimée dans l’orbite russe.

Le premier partage de la Pologne en 1769 donne à la Russie la partie biélorusse et lettonne. Le reste revient à l’Autriche et à la Prusse. Les armées russes étant occupées en Crimée, une rébellion éclate en Pologne en 1793. Catherine II envoie des troupes et reçoit l’aide des Prussiens. Cette fois, la Russie s’empare de la Lituanie et du reste de l’Ukraine. Catherine II se soucie fort peu de la religion et de l’origine ethnique de ses sujets. Elle ne pense qu’en termes de politique de puissance, de stratégie, de prestige, le tout pour la plus grande gloire de la Russie et de sa souveraine.

En 1788, la Suède déclare la guerre à la Russie et menace Saint-Pétersbourg, mais le conflit n’aboutit à aucun résultat, car le Danemark s’est allié à Catherine II. L’impératrice éprouve une haine féroce vis-à-vis de la Révolution Française, cet évènement qui a renversé une monarchie et la distingue de la révolution des philosophes des Lumières. En 1793, elle rompt toutes relations avec la France.


La fin du règne de la Grande Catherine
Le 5 novembre 1796, à l’âge de 67 ans, Catherine II est victime d’une crise cardiaque dans son palais de Saint-Pétersbourg. Son fils lui succède sous le nom de Paul Ier. Quel que soit le jugement qu’on porte sur Catherine II, on est bien forcé de reconnaître l’importance de son règne : en politique étrangère, avec la conquête de la Russie méridionale et le partage de la Pologne, dans le domaine intérieur, avec le développement du servage et le statut privilégié de la noblesse, dans le domaine culturel avec l’occidentalisation du pays. L’époque de Catherine II marque l’aboutissement des tendances antérieures et prépare le XIXe siècle russe.






SOURCE :
texte : RIASANOVSKY. Nicholas, Histoire de la Russie.
image : farm2.static.flickr.com ; Civilization IV

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire