vendredi 22 octobre 2010

Le Japon classique


L’empire des kamis
Selon le Kojiki, à l’origine du ciel et de la terre, trois divinités donnèrent naissance à sept générations de dieux. Ils créèrent les cieux, les eaux, les îles. A la mort de son épouse, le dieu Izanayi se purifia dans les eaux, ce qui fit apparaître Amateratsu, déesse du soleil, Isukiyomi la lune et Susanoo l’océan.

Durant la période Jomon débutant en -11.000, des peuples habitent sur les îles de Ryukyu et Hokkaido, ceux du Nord provenant de Sibérie et ceux du Sud de Corée. Durant la période Yajoi en -3000, les populations se sédentarisent et cultivent le riz. Les morts son inhumés dans de grandes jarres entourés d’objets familiers, comme cela est la coutume en Chine. Des kamis apparaissent. Ce sont de petits Etats dirigés par un chef civil et religieux. Les luttes provoquent des déplacements vers l’île d’Honshu. Un des clans parvient à prendre l’ascendant sur les autres. Le chef Tenno fait remonter ses origines à la déesse du soleil.

A partir du IIIe siècle av JC, les membres de l’aristocratie se font ériger des tumuli. En même temps, se développe un culte à la riziculture. Sans rituel, ni temple, il est en symbiose avec la nature. Le Shintoïsme découle en partie du culte des forces de la nature. A travers les siècles, il va constituer l’identité et la permanence du peuple japonais. Soumis à ces forces, les Japonais sont conscients de la fragilité des choses. Les kamis sont les esprits invisibles de la nature.

Les divinités font l’objet de cultes d’offrande et de cérémonies dans des sanctuaires et des temples remarquables par la forme de leur toit. Dans les maisons, des autels permettent de s’assurer la bienveillance des kamis.


Une civilisation bouddhique
Au VIe siècle, le bouddhisme pénètre au Japon par la Corée. Après une période de conflits opposant les deux religions, une sorte de syncrétisme s’opère. Le shintoïsme préside à tous les évènements privés ou officiels de la vie. Le bouddhisme définit des rites. Le premier temple est construit à Asuka. Les textes sacrés rédigés en chinois ont permis l’implantation de la culture chinoise au Japon. La première constitution du Japon datant de 604 est rédigée en chinois. Il s’agit d’un code moral et de comportement en privé et en public.

En 710, la cour s’installe à Nara et toutes les grandes familles aristocratiques y font construire des temples. Une importante communauté de moines s’y établit. Le moine Kukai s’était rendu en Chine pour suivre l’enseignement de la « Parole Vraie ». De retour au Japon, il fonde en 816 à Kyoto une secte ésotérique consacrée à l’étude des textes sacrés. A partir du sanskrit, il invente les kana, ces signes à l’origine de l’écriture japonaise.


L’art de la cour
Les aristocrates de l’époque Heian (IX - XIIe) vivent dans un univers harmonieux et sophistiqué. Leur vie est faite de jeux, de parfum, de concours de poésie, de calligraphies, de promenades, de musique. L’époque Heian attache plus de prix à l’esthétique qu’à l’éthique. Les femmes composent des textes, qui constituent les romans fondateurs de la littérature japonaise. Les hommes préfèrent écrire en chinois, qui demeure la langue officielle. A la fin du Xe siècle, Murasahi Shikibu rédige une chronique de la vie et des amours du prince. Très vite, les peintres de l’Edoko, sorte d’Académie, en illustrant les thèmes principaux.

Sous le règne de Go Ichijo, le clan Fujiwara prend de plus en plus d’importance, au point de diriger la cour en la transformant en un culte de la beauté. De nombreux artistes y affluent. L’emaki est un rouleau composé de peintures et de calligraphies et se lit en largeur, de droite à gauche. Le premier date du XIIe siècle et mêle texte et image.

C’est durant cette période qu’apparaissent les premiers jardins dans les palais, conçus comme une recréation de la nature. Le lac aménagé y apparaît comme un élément capital. A l’aide de diverses essences, un paysage à l’aspect aussi naturel que possible est recomposé. Ces jardins sont destinés à être contemplés à partir des terrasses de bois. Le plus vieux traité sur les jardins le Sakutei-ki date du XIIe siècle.

Après une longue période de guerre civiles jusqu’au XVIe siècle, le chef Nobunaga parvient à réinstaurer un pouvoir. C’est le début de la période Momoyama de 1573 à 1615, sorte de renaissance du Japon. Les styles et les décors reviennent à ce qui se faisait à l’époque Heian. Le peintre Sotatsu et le calligraphe Honami Koestu contribuent très largement à cette renaissance. A la même époque, Tona Mistuyoshi crée un nouveau style plus coloré et utilisant des fonds d’or.

Le théâtre No, dont les premières représentations furent données à la cour et dans les temples au XVe siècle, sous l’impulsion de l’acteur Zeami. C’est un théâtre noble et sacré. Le texte psalmodié, mêlé au chant et à des déplacements très lents, constitue une cérémonie tragique. Le No se joue masqué. L’action se situe toujours à la frontière du monde humain et au surnaturel. Il ne contient pas de décor.


La voie des guerriers
A la fin du Xe siècle, le gouvernement central se révèle incapable d’assurer la sécurité à travers le pays. Les riches propriétaires de province mettent sur pied des armées personnelles. Parallèlement, les nobles ont une influence grandissante sur l’empereur. Leur rivalité conduise à donner aux guerriers un statut particulier. Les samouraïs obéissent à un code éthique appelé le bushido, destiné à régler le comportement du guerrier dans les batailles. Il régit les relations entre les membres d’un même groupe et doivent faire don de leur vie pour leur seigneur.

Les invasions mongoles de la fin du XIIIe siècle ont apporté des modifications dans l’armée japonaise en développant l’infanterie et les hallebardes, pour contrer les cavaliers mongols. Le sabre est un objet sacré, dont la lame par sa pureté symbolise l’âme du guerrier. Le katana est le sabre long et seuls les samouraïs ont le droit d’en porter. Ils s’approprient l’arc venu de Mongolie. En 1549, les jésuites portugais introduisent au Japon les armes à feu. Lors de la bataille de Larashimo en 1575, Nobunaga les utilise pour la première fois et remporte la victoire. Il prend le titre de Shogun (chef militaire suprême). Il prend en charge toutes les affaires du gouvernement, tandis que l’empereur conserve son rôle de représentation. L’introduction des armes à feu change aussi l’architecture des châteaux. En 1581, Hideyoshi fait construire le château du héron blanc à cause de ses épais murs blancs. Personne n’osa jamais l’assiéger à cause de son impressionnant dispositif défensif.


La voie du zen
Venu de Chine, le zen se propage au XIIIe siècle. Il se distingue du bouddhisme traditionnel. Il est une voie qui par la méditation et par la concentration de tous les actes de la vie quotidienne conduit à l’illumination. Il faut saisir la vie dans l’instant.

A la fin du XVe siècle, Sesshu se rend en Chine pour perfectionner sa maitrise du pinceau. A son retour, il ouvre un atelier où il enseigne l’art de l’encre aux plus grands artistes de son temps. L’art de la calligraphie est très apprécié par la caste des guerriers. Ils y trouvent une exigence d’être ; d’éveil, une ascèse passant par la maitrise du mental et du comportement.

La cérémonie du thé est introduite au Japon au XIIIe siècle. Il vient de Chine, le premier essai traitant de cette cérémonie est rédigé par le prêtre zen Rinzai. Au XVIe siècle, ce rituel se répand dans toutes les couches de la société cultivée. Le pavillon du thé se trouve situé dans un jardin à l’écart et destiné à la méditation. Les jardins de sable ou de pierre, dits jardins secs, livrent à la méditation des moines la vision d’un vide parcourut de mouvements profonds.


L’époque Edo : la vie est un théâtre
Au XVIIe siècle, les marchands japonais se sont considérablement enrichis. Ils en vinrent à acheter des titres et des demeures, qui font d’eux les égaux des plus puissants, sans qu’il ait le moindre pouvoir politique ou social. Tenus à l’écart de la société féodale, ils en inventèrent une autre où le talent tenait lieu de noblesse et l’esprit de liberté.

Tandis que les artistes des écoles Kano et Tosa poursuivent les décorations fastidieuses des palais, des peintres comme Matabei, s’attachent à représenter les plaisirs de la société (fêtes, villes, jardins). La conscience d’un temps compté et un amour passionné pour les choses les plus simples de la vie inspirent aux artistes le désir de représenter leur propre existence, dont personne ne s’était soucié jusque là. Les artistes réalisent leurs œuvres sur des estampes polychromiques. Le premier artiste fut Moronobu vers 1638. Il illustra un certain nombre de texte célèbres. Néanmoins, nombre d’entre eux poursuivirent la création d’estampes en noir et blanc, tel Sukenobu, spécialisé dans les scènes de la vie quotidienne des femmes et dans les scènes érotiques. Au cours des années 1740-1750, l’estampe en couleur se généralise. L’éditeur Uemura Kichiemeon met au point une méthode d’impression pour toutes les couleurs.

A la fin du XVIe siècle apparaît une nouvelle forme théâtrale, issue des spectacles de danses et de marionnettes. Les pièces évoquent des sujets épiques et des légendes. En 1629, un Edit destiné à lutter contre les mœurs dissolues du monde des acteurs, décrète que tous les rôles seront tenus par des hommes. Ce théâtre constitue une source d’inspiration pour les artistes d’estampe.

A Edo, les artistes vivent dans le quartier Yoshiwara, où ils côtoient les courtisanes. Ce quartier est très surveillé par les autorités. La censure était sévère notamment vis-à-vis des œuvres satiriques. Au XVIIIe siècle, un petit nombre d’artistes et de lettrés se rendent à Nagasaki, où se trouve la colonie néerlandaise, seule présence européenne tolérée par les autorités depuis 1638. Les néerlandais diffusent les travaux scientifiques et les œuvres occidentales. Un certain nombre d’estampes reprirent le thème du livre, de l’écriture, de la lecture et les natures mortes. Les artistes se déplaçaient constamment entre les grandes villes et dans les campagnes à la recherche de paysages. Au début du XIXe siècle, Kuniyoshi recueillit des milliers de croquis témoignant de sa curiosité insatiable pour les plantes, les animaux, les ponts, les lutteurs, les équilibristes, les jeux, les enfants et d’autres sujets, qui forment une sorte d’encyclopédie du Japon ancien.

En 1853, les ports japonais s’ouvrent aux occidentaux et notamment aux navires étatsuniens. Les aspects du monde industriel pénètrent rapidement dans l’archipel. La machine à coudre entraine l’abandon du kimono. La photographie opère une transformation fondamentale en comblant l’obsession de fixer une parcelle du monde éphémère et mouvant. Le cinéma va bientôt s’affirmer comme le véritable art japonais contemporain.


"La vie est une bougie dans le vent."
proverbe japonais

Source :
Texte : DELLAY. Nelly : Le Japon classique
Image : www.linternaute.com

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