mardi 19 octobre 2010

François Mitterrand


De Jarnac au gouvernement
François Mitterrand naît le 26 octobre 1916 à Jarnac en Charente. Son père, Joseph dirige une distillerie de Cognac. C’est un homme de caractère, catholique et conservateur. Sa mère, Yvonne d’origine lorraine, est intelligente, pieuse et cultivée. François est le cinquième enfant des huit du couple. De son enfance, il garde un amour pour la nature et le monde rural, ainsi qu’une passion pour la lecture.

Après son bac, ses parents l’envoient étudier à Paris. En 1934, il s’inscrit à Science-Po, où perce déjà son éloquence. En poursuivant ses études de droit, il s’engage un moment chez les Volontaires Nationaux du colonel La Rocque, fervent catholique, nationaliste et anti allemand. Mitterrand travaille pour le journal conservateur, l’Echo de Paris. En janvier 1938, il tombe amoureux de Catherine Langeais.

Appelé sous les drapeaux, il est envoyé sur la Ligne Maginot, près de Sedan. Le 14 juin 1940, il est blessé par un éclat d’obus, puis se retrouve prisonnier et est envoyé en Allemagne. Après deux tentatives échouées, il parvient enfin à s’évader en décembre 1941 et rejoint la zone libre. Après s’être reposé, il se rend à Vichy et est engagé comme contractuel à la documentation des légions et des anciens combattants, dirigée par Maurice Pinot. A partir de l’été 1942, il entre en contact avec certains groupes de résistant et se rapproche du général Giraud. En 1943, il crée avec des amis son propre réseau Pin-Mit, tout en continuant de travailler à Vichy. En novembre, il s’enfuit à Londres et se met au service du Bureau central de renseignement et d’action (DCRA).

Le 5 décembre, il rencontre De Gaulle à Alger. Les deux hommes ne s’entendent pas et l’entretien est court. En février 1944, il retourne en France et aide à la fusion des réseaux de résistance. Après le débarquement, il est choisi par De Gaulle pour assurer l’intérim du ministère des prisonniers. Il est remplacé par Henri Frenay.

Après avoir épousé Danielle Gouze, il écrit pour le journal Libres et suit le procès de Pétain. En 1946, il se présente pour la première fois à une élection en tant que radical de droite, mais il échoue. Il rejoint l’Union démocratique et sociale de la résistance (UDSR) et est élu député dans la Nièvre en 1947.


Un Rastignac républicain
Sous la IVe République, il est onze fois ministre des anciens combattants, puis de l’information, où il lui faut arrêter un statut pour la nouvelle Agence France Presse. En 1950, il est nommé ministre de l’Outre-Mer. Il est résolu à corriger la façon dont sont traités les peuples colonisés, à mettre fin à ce qui persiste encore de la force et la privatisation des droits civiques et politiques. Il entend mettre en place un colonialisme équitable en abattant les privilèges des colons. Sa politique est critiquée par la droite et les communistes. Réélu député en 1951, il entend s’enraciner dans le département. Il crée des réseaux de clientèle et devient maire de Clamecy.

François Mitterrand démissionne du gouvernement après la crise tunisienne et devient le chef de l’UDSR au détriment de Pleven. Il y revient en 1954 sous Mendes-France en tant que ministre de l’Intérieur, ce qui le met en première ligne pour la question algérienne. Lors du remaniement ministériel, il se retrouve à la Justice.

En mai 1958, Mitterrand vote non au retour de De Gaulle avec les pleins pouvoirs et rejoint les partis de gauche. La même année, il n’est plus député, mais est élu maire de Château-Chinon. Il retrouve son siège en 1962. Il s’oppose à l’élection du Président au suffrage universel, tout en reconnaissant que la IVe République a besoin de stabilité. Il compare la Ve à une dictature. En 1965, il regroupe tous les petits partis de gauche au sein de la Convention des Institutions Républicaine (CIR) et se présente au présidentielle. Il est battu par Charles de Gaulle au second tour.


La longue marche du leader de la gauche
François Mitterrand poursuit l’union de toute la gauche, y compris du Parti Communiste (PCF), avec un programme commun et des accords électoraux. Néanmoins, cette stratégie se heurte à des résistances politiques, syndicales, idéologiques et intellectuelles, alors qu’aux yeux des Français, il incarne une alternative sérieuse à la droite. Il sait qu’il peut compter sur un petit groupe d’amis : Roland Dumas, George Dayan, Edith Cresson et son frère Robert, et sur un réseau de fidélité patiemment construit.

En 1966, Mitterrand signe des accords avec les socialistes et la gauche possède plus de députés qu’auparavant. Battu au referendum de 1969, De Gaulle se retire. Mitterrand ne se juge pas assez prêt et ne disposant pas d’un parti fort, ne se présente pas aux présidentielles. Il en profite pour publier un livre s’intitulant Vérité sur un ton très personnel. Il applique sans relâche son principe : s’expliquer, parler, convaincre. Il entre au Parti Socialiste (PS) et s’allie avec Pierre Mauroy et Jean Pierre Chevènement. Le 16 juin 1969 au congrès d’Epinay, il prend la tête du parti.

Préparant les législatives de 1973, Mitterrand parcourt le pays, recrute de nombreuses personnalités politiques, économiques et intellectuelles. Il charge Chevènement de rédiger le programme, pendant que lui rencontre les leaders socialistes étrangers. La rose devient l’emblème du parti. Il passe de nouveaux accords avec le PCF.

Mitterrand échoue une nouvelle fois aux présidentielles de 1974 face à Valéry Giscard d’Estaing. Il continue son travail de rassemblement des mouvances et partis de gauche et en évinçant ses adversaires politiques comme Michel Rocard. Au congrès de Metz du 8 avril 1979, les militants du parti continuent de le soutenir. Mitterrand choisit Lionel Jospin comme bras droit. Pendant des années, il continue d’œuvrer dans le sens de l’union, mais le rapprochement avec les communistes est compromis par les évènements internationaux. Après 23 ans, le désir d’alternance, capté et exploité par Mitterrand est trop fort. Le 10 mai 1981, il est élu président face à Giscard d’Estaing.


Mitterrand président !
François Mitterrand a à cœur de réformer vite. Il presse ses ministres à agir. Après deux mois, il nationalise de nombreuses entreprises et banques, puis ce sont les lois Delerre sur la décentralisation, la retraite à 60 ans, ainsi que l’abolition de la peine de mort. Une vaste politique culturelle est lancée par le biais du Louvre. Cependant, l’économie ne suit pas. La croissance ne s’est pas remise des chocs pétroliers. Les déficits et l’inflation croît. A cette époque, il apprend qu’il est atteint d’un cancer de la prostate incurable. Il ordonne le plus grand secret sur cette affaire.

L’état de grâce ne dure pas. Une politique de rigueur économique est rendue nécessaire et les salaires sont gelés. En 1984, Pierre Mauroy est remplacé par Laurent Fabius en tant que Premier Ministre. Les communistes quittent le gouvernement. La côte de popularité faiblit, entaché par l’affaire du sang contaminé et du Rainbow Warrior. Mitterrand doit convaincre les Etats-Unis et la Grande Bretagne qu’il ne fait pas le jeu de l’Union Soviétique. En même temps, il se rapproche de l’Allemagne et de son chancelier Helmut Kohl. Au Proche-Orient, il caresse le rêve d’une paix entre Israël et la Palestine. Il est critiqué par les Arabes, lorsqu’il se rend à Jérusalem, puis par Menahem Begin le premier ministre israélien, quand Mitterrand préconise un Etat Palestinien. Vis à vis de l’étranger, Mitterrand mène une politique proche de celle de De Gaulle. Il se soucie de son rang et de l’indépendance de la France face aux deux blocs.

Le 30 mars 1986, la gauche est battue aux législatives. Mitterrand choisit Jacques Chirac comme premier ministre. Une lutte s’engage entre les deux hommes, qui ont des visions différentes sur la politique à mener. En 1988, il est réélu face à Chirac.


Second septennat
Mitterrand nomme Rocard au poste de premier ministre, malgré les nombreux différents qui les opposent. Jospin devient ministre de l’éducation. Mitterrand souhaite que Fabius lui succède à la tête du PS, mais les militants choisissent Mauroy. Mitterrand ne le souhaite pas et fait tout pour le contrer. Rocard s’oppose au président et la rupture est consommée entre les deux hommes.

François Mitterrand a toujours trouvé légitime l’aspiration du peuple allemand à la réunification, mais il se soucie de son bon déroulement et de ses conséquences. En échange Helmut Kohl accepte de participer à la conférence en vue de créer la monnaie unique et de lancer un projet d’union politique. Mitterrand ordonne à Jacques Delors de participer à la rédaction du Traité de Maastricht de 1992.

Le 2 août 1990, il soutient le vote du Conseil de Sécurité de l’ONU et ordonne le retrait des troupes irakiennes du Koweït. Au delà du droit international, il espère que cet engagement renforcera le poids de la France dans le nouvel ordre international et la capacité à peser sur les règlements des autres problèmes au Proche Orient. La France envoie lors de la Première Guerre du Golfe, 12.000 hommes et 50 avions. En Europe, Mitterrand est attaché à la fédération yougoslave, dont il craint la désintégration. Il espère une solution pacifique et démocratique. Il préfère laisser passer pour ne pas froisser l’Allemagne, alors que le processus de construction européenne est relancé.

En mai 1991, il renvoie Rocard et le remplace par Cresson. Les discours du nouveau premier ministre est une déception. Les ténors du PS n’acceptent pas son autorité. Ses déclarations choquent. Les médias ne laissent rien passer et le machisme s’en mêle. Contraint, il la remplace par Pierre Bérégovoy. Les élections législatives de 1993, voient la victoire de la droite et l’arrivée d’Edouard Balladur aux affaires. Leurs rapports sont courtois, mais distants. François Grossoure, vieux compagnons de François Mitterrand, devenu amer par la polémique sur les écoutes téléphoniques, publie un livre sur la jeunesse du Président et sur son passage à Vichy.

En 1994 sur la question du Rwanda, il décide d’aider l’armée rwandaise à tenir la frontière sur l’Ouganda contre le Front Patriotique du Rwanda et oblige le gouvernement à partager le pouvoir avec les Tutsis. La politique française ne fait que des mécontents et seul l’ONU est en mesure d’intervenir.

A la fin de son second septennat, chacun se demande si le président pourra terminer son mandat. Le beau jeune homme brun est devenu un vieillard au visage épuré, mais il garde son esprit de conversation incomparable. En 1991, il inaugure la Bibliothèque Nationale de France (BNF). La presse révèle l’identité de sa fille, Mazarine. François Mitterrand ne se représentera pas.


Et après
Après avoir remis les clés de l’Elysée à Jacques Chirac, François Mitterrand se retire dans un appartement du VIIe arrondissement de Paris. Luttant contre la maladie, il lit, reçoit, travaille et se promène souvent sur le Champ de Mars. Il voyage encore un peu à l’étranger et notamment en Egypte. Il a une passion pour les pharaons. Il meurt le 8 janvier 1996 à l’âge de 79 ans et repose à Jarnac dans le caveau familial.



"L'homme politique s'exprime d'abord par ses actes ; c'est d'eux dont il est comptable ; discours et écrits ne sont que des pièces d'appui au service de son œuvre d'action."
François Mitterrand


Source :
Texte : VEDRINE. Hubert : François Mitterrand
Image : http://www.lasauque.com

3 commentaires:

  1. Décoré de la francisque ? M.L

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  2. Il a bien été décoré de la francisque en 1943 en tant que délégué du Service national des étudiants.
    Voir : Pierre Péan, Une jeunesse française. François Mitterrand, 1934-1947, éd. Fayard, 1994, p. 288

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  3. La francisque lui a bien été attribuée, comme à de nombreux autres résistants qui faisaient du zéle le jour pour être irréprochables, et complotaient la nuit, mais il n'a jamais été décoré. Et pour cause, il avait basculé dans la clandestinité, recherché par la Gestapo, quand elle lui a été attribuée (inertie administrative probablement).

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