jeudi 21 octobre 2010

La première guerre mondiale


Entrer dans la guerre
En 1914, les Français et les Russes craignent la puissance allemande et les Allemands se sentent encerclés et isolés en dépit de leur alliance avec l’Autriche-Hongrie. Deux organisations se forment : la Triple Alliance (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie) et la Triple Entente (France, Grande Bretagne, Russie). Les tensions sont vives entre la France et l’Allemagne, qui se sont déjà combattues en 1870, puis opposées pour le contrôle du Maroc en 1905. Les puissances européennes se livrent une compétition coloniale, industrielle, commerciale et navale.

La crise des Balkans demeure l’élément déclencheur de la guerre. La Russie s’estime la protectrice des Slaves présents en Serbie. L’Autriche-Hongrie annexe la Bosnie en 1908 et perçoit les Serbes comme une menace. Le 23 juin 1914, l’archiduc François Ferdinand de Habsbourg est assassiné par des nationalistes bosniaques.

Dès la déclaration de guerre, les populations font preuve d’un patriotisme défensif et des cabinets d’union nationale sont formés. L’Allemagne et la France disposent d’une armée de terre équivalente. La Grande Bretagne possède la meilleur marine du monde. La Russie est riche en homme, mais très peu moderne. Les Etats-majors prévoient une guerre courte et rapide, dans laquelle l’infanterie doit jouer un rôle primordial. La tenue des Français bleue et rouge, ainsi que l’absence de casque, montre à quel point on sous estime la puissance de feu.

Joffre est nommé chef des armées française. Il décide par le Plan 27 d’attaquer l’Alsace Lorraine. Côté allemand, Moltke applique le plan Schlieffen, qui consiste à envahir la France par la Belgique. L’armée belge est écrasée et les Allemands descendent vers Paris. Joffre rapatrie ses troupes en toute hâte et remporte la bataille de la Marne. A l’Est, les troupes d’Hindenburg stoppent l’avancée russe à Tannenberg.


Combattre dans une nouvelle guerre
L’impossibilité de vaincre a vite bloqué les armées sur les deux fronts principaux, celui de l’Ouest de la Mer du Nord jusqu’à la Suisse et celui de l’Est de la Baltique jusqu’aux Carpates. La guerre de position révèle la supériorité de la défensive sur l’offensive. A l’Ouest, le front est long de 700 km. Il prend la forme d’un réseau de tranchées et de boyaux. Les tranchées allemandes sont mieux construites et parfois équipées de l’électricité et du chauffage.

En 1915, les Franco-britanniques tentent de percer en Artois et en Champagne sans réel succès. L’année 1916 est marquée par les terribles batailles de la Somme et de Verdun qui s’étend de février à décembre et comptent 500.000 morts tant Français et Allemands. 200.000 britanniques meurent dans la Somme.

L’artillerie est l’arme maîtresse du champ de bataille. Elle est responsable de 70% des blessures de la Grande Guerre. Les mitrailleuses font énormément de ravage, tirant 400 coups minutes. Les gaz employés par les Allemands n’ont eu que très peu d’effet, à cause de la rapidité de confection des masques à gaz. Les gaz jouent sur l’effet de terreur.

Les conditions de vie sur le front sont insoutenables et pourtant les soldats ont tenu grâce au patriotisme et à la haine de l’ennemi. Le soldat défend sa patrie et sa famille. Ils tiennent grâce à la fraternité du groupe, avec lequel on vit, on combat, on meurt. Les loisirs sont présents par les biais du football, du théâtre et de l’écriture. Les organisations humanitaires telles la Croix Rouge ou les Eglises essayent de limiter la brutalité des combats et de venir en aide aux soldats et aux civils.


Les fronts intérieurs
Chaque Etat belligérant tourne toute son économie vers la guerre. L’Allemagne est la première puissance à mettre en place une organisation où les pouvoirs publics et l’armée s’entendent avec les industriels. La plupart des hommes étant au front, il faut remplacer cette force de travail. Les ouvriers les plus qualifiés reviennent travailler dans leur usine, mais ce sont les femmes qui prennent une place massive dans la production. Dans les campagnes, les enfants et les personnes âgées furent obligés de travailler.

Tous les Etats empruntent à l’intérieur et à l’extérieur en particulier auprès des Etats-Unis. L’émission de billet engendre de l’inflation. Les populations souffrent des réquisitions, des pénuries et des rationnements. Dès 1916, la situation devient critique en Allemagne et en Autriche-Hongrie, qui subissent le blocus britannique. L’hiver 1917 est atroce en raison de l’effondrement des récoltes de pomme de terre et il n’est pas rare que l’on meurt de faim. Certes les salaires des ouvriers ont augmenté et en Grande Bretagne le chômage disparaît, mais dans la majorité des pays l’inflation empêche les améliorations financières.

La propagande nie les réalités du front et prétend héroïser les combattants au prix d’une rhétorique guerrière artificielle, perçue comme insupportable par ceux qui connaissent les réalités du front. Les opinions disposent très vite d’une contre information efficace. Les intellectuels et les artistes jouent un rôle dans la production d’image et de discours. La propagande passe par les affiches, les cartes postales, les livres, les journaux, le théâtre, le cinéma et les jouets. Elle héroïse les humbles et les chefs militaires, qui font l’objet d’un véritable culte.

A l’arrière, les habits de deuil deviennent omniprésents. Les catholiques multiplient les dévotions auprès des saints et de la Vierge. Pendant toute la guerre, la société française est traversée d’espérance de type religieux voire mystique. Croire en Dieu et croire en sa patrie devient indissociable. La Grande Guerre est perçue comme une guerre morale pour une civilisation meilleure. La France plus que les autres belligérants se fait l’écho de ce type de représentation à cause de l’invasion de son territoire.


Guerre mondiale et totale
Aux atrocités commises lors des invasions succèdent les occupations. En Belgique et dans le Nord-est de la France, tous les produits sont réquisitionnés par les Allemands et les populations sont contraintes au travail. Dans les villes, on souffre de la faim et du froid sans parler des prises d’otage et des déportations. C’est dans l’Empire Ottoman que les atrocités sur les civils prennent le tour le plus tragique. En Turquie, les musulmans reprochent aux Arméniens chrétiens de comploter avec les Russes. Au moins un milliard d’Arméniens sont tués dans le premier génocide du XXe siècle.

En 1915, les forces de l’Entente tentent de porter la guerre à l’Est dans le détroit des Dardanelles. L’Italie abandonne la Triple Alliance pour se ranger du côté de l’Entente, alors que la Turquie s’engage du côté de l’Autriche-Hongrie. Les Britanniques espèrent s’emparer des détroits, pour rejoindre les Russes. En Avril 1915, soutenus par des corps néo-zélandais et australiens, ils débarquent sur la presqu’île de Gallipoli, mais sont repoussés par les Turcs.

L’année 1916 voit l’arrivée de nouveaux belligérants : Roumanie, Serbie et Portugal du côté de l’Entente, Bulgarie du côté de l’Alliance. La Grèce rejoint l’Entente en 1917. Les colonies françaises et britanniques fournissent des renforts militaires importants : 600.000 hommes pour les colonies françaises, autant de Canadiens, 400.000 Australiens et 200.000 Néo-zélandais et Sud Africains. Si l’Europe affiche un racisme ambigu à l’égard de ceux venant des colonies, celles ci prennent conscience de leur identité et de leurs différences et sauront les affirmer en exigeant la reconnaissance de la citoyenneté. La guerre s’étend en Asie et en Afrique. Le Japon attaque la Chine.

La seule grand bataille navale est celle du Jütland en 1916 et marque la volonté de l’Allemagne d’affaiblir économiquement la France et la Grande Bretagne. Les Allemands lancent en 1917, la guerre sous marine, coulant plus de 600.000 tonnes de marchandises. L’atteinte à la liberté des mers, associée aux menaces que l’Allemagne fait peser sur le Mexique, pousse les Etats-Unis à entrer en guerre le 2 avril 1917 au côté de l’Entente, bientôt suivi par plusieurs pays d’Amérique Latine.


1917, l’année terrible
A partir d’avril 1917, les Etats-Unis déjà impliqué dans le conflit par leurs fournitures et leurs prêts aux puissances de l’Entente, se bat au côté de celle ci au nom de la liberté et d’une conception de la civilisation et de l’humanité. Il fournit un million d’hommes. A la même année, le front de l’Est s’écroule suite à la révolution russe de février. Le gouvernement qui avait décidé de poursuivre la guerre, n’est plus soutenu par la population, ni par les soldats qui désertent en masse. Ces derniers sont mal équipés, mal ravitaillés et subissent d’énormes pertes. Les bolcheviques signent un armistice avec l’Allemagne. La paix de Brest-Litovsk est signée le 3 mars 1918. L’Allemagne peut concentrer tous ses efforts sur le front de l’Ouest.

Les Etat-major de l’Entente préparent de nouvelles offensives, les Français au Chemin des dames, les Britanniques à Ypres en Belgique, mais sans pouvoir changer la situation. Seuls les Austro-hongrois parviennent à briser le front italien à Caporetto. Dans toutes les armées, la guerre d’usure et les attaques meurtrières entraînent des refus d’obéissance et des désertions. L’année 1917 est marquée par des mutineries, qui dénoncent les conditions de vie inhumaines du front et les pertes trop lourdes. Le Général Pétain commandant en chef de l’armée française après l’échec de Nivelle au Chemin des dames, améliore le système des permissions, l’ordinaire des soldats et adopte une stratégie défensive. Le nombre de mutins commence à diminuer avant les exécutions. Sur les 3247 soldats jugés, 554 sont reconnus coupable et seul 49 sont fusillés. Les mutins veulent la paix, mas pas à n’importe quel prix. Les hommes en première ligne ne se révoltent pas et aucun régiment ne se révolte en entier. Les soldats ne désertent pas en masse et continuent de respecter la hiérarchie.

A l’arrière, la montée du pacifisme et les grèves ouvrières montrent la lassitude de la population. La détérioration des conditions économiques pour les ouvriers donne naissance à de vastes mouvements sociaux. Les politiques sont fragilisés. La France connaît quatre changements de premier ministre avant l’arrivée de Clemenceau. En Allemagne, le gouvernement doit faire face au Parlement de plus en plus pacifiste. En Grande Bretagne Lloyd George doit composer son équipe avec des travaillistes.


Vaincre ou être vaincu
En 1918, le général Ludendorff s’appuie sur les troupes d’élite pour percer le front et semer la terreur derrière les lignes ennemies. Ainsi, les Allemands s’enfoncent en Picardie, en Champagne et dans les Flandres. Le général Foch parvient à les stopper sur les rives de la Marne. Les forces de l’Entente disposent d’une meilleure armée en raison des avions et des chars d’assaut, qui permettent de protéger l’infanterie. De plus, les Allemands deviennent inférieurs en nombre avec l’arrivée des Etats-uniens.

En septembre 1918, les Britanniques battent les Ottomans et les Français les Bulgares. Les Italiens infligent des défaites à l’Autriche-Hongrie. Les Habsbourg quittent le pouvoir en demandant l’armistice. L’Empire explose sous le poids des nationalismes. En Allemagne, Ludendorff préconise l’armistice signé le 11 novembre à Rethondes. Pour les Allemands, la défaite est incompréhensible, car son territoire n’a pas été envahi et que son armée occupe la Belgique et le Nord-est de la France. La révolution de novembre amène la proclamation de la République.

La conférence de Versailles de 1919 a pour but de sanctionner les vaincus et de réorganiser la paix pour le futur. La conférence est dirigée par Wilson pour les Etats-Unis, Clemenceau pour la France, Lloyd Georges pour la Grande Bretagne et Vittorio Orlando pour l’Italie. Si la SDN est créée, la France entend faire plier l’Allemagne et la Grande Bretagne cherche à protéger ses colonies. Les quatre empires (allemand, ottoman, russe, et austro-hongrois) disparaissent et sont remplacés par de nouveaux Etats fragiles et mal constitués. L’Allemagne doit démobiliser son armée, ses colonies lui sont retirées, la rive gauche du Rhin cœur industriel du pays est occupé, doit verser de l’argent à la France et à la Grande Bretagne. Ces conditions sont jugées inadmissibles par les Allemands. Par ailleurs, l’Italie s’estime laissée, car elle n’a pas pu récupérer les terres irrédentes de l’Istrie et du port de Fourme.


Se souvenir
Entre 9 et 10 millions de morts, trois fois plus de blessés dont 8 millions d’infirmes, mutilés, aveugles, sans parler de ceux ayant perdu la raison. La guerre a touché toutes les catégories sociales, car les sous officiers et les officiers ont été autant en première ligne que leurs soldats. La France est le pays qui a subi le plus de dégâts, d’où le sentiment de crainte face à une Allemagne restée intacte.

Les Etats-Unis est devenu le grand bailleur de fonds mondial. L’Europe est dépassée par les pays neufs. Le champ politique est méconnaissable avec l’émergence du communisme et du fascisme. Les formes de la guerre ont été radicalement modernisées. Tous les belligérants ont énormément souffert, mais l’intransigeance des vainqueurs et l’amertume des vaincus aboutiront à un désastre politique et culturel, dont découle la Seconde Guerre Mondiale. La Première Guerre Mondiale en ébranlant le monde a précipité dans un sens tragique tout le destin du XXe siècle.


"Sur cette ligne de front, le destin des peuples était jeté dans la balance. Il s'agissait ici de l'avenir du monde."
Ernst Jünger


Source :
Texte : AUDOIN-ROUZEAU. Stéphane : La Grande Guerre
Image : http://www.witzgilles.com

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