jeudi 4 novembre 2010

Charles Quint


Un bourguignon à la couronne d'Espagne
Charles Quint est né à Gand le 24 février 1500. Il est le fils de Jeanne d'Espagne et de Philippe le Beau fils de l'empereur Maximilien Ier. Charles n'a guère connu ses parents. Son père meurt en 1506 et sa mère sombre dans la mélancolie. Il est élevé par sa tante Marguerite d'Autriche, son tuteur Guillaume de Croy et son précepteur Adrien Florisjoon le futur pape Adrien VI. Sa langue maternelle est le français et il apprend l'espagnol. En revanche, il ne parlera jamais allemand. Élevé dans le culte des anciens ducs de Bourgogne, Charles hérite du rêve du grand état bourguignon.

Les Flandres forment l'héritage le plus riche de cet état bourguignon, qui tire sa puissance du commerce de la laine et de l'industrie du textile. C'est également un pôle culturel avec l'université de Louvain et la présence de nombreux savants et artistes comme Erasme et Van Eyck. Les Flandres sont sous domination espagnole depuis le XVe siècle. Celle ci n'est pas contestée, car elle favorise le commerce. En effet, les Flamands sont les négociants pour l'Espagne et leurs fournisseurs. Les deux pays ont donc toutes les raisons d'être gouvernés par le même souverain.

L'adolescence du prince est nourrie de romans de chevalerie et des mémoires des nobles bourguignons. Un ordre symbolise cet idéal de chevalerie : la Toison d'or qui est l'emblème des grands ducs de l'Occident. Charles Quint l'introduit en Espagne en 1527. De cette éducation, il conserve le goût des fêtes, des cérémonies, des banquets et des exercices physiques.

En 1504, Isabelle meurt, laissant le pouvoir au roi Ferdinand guère apprécié de la noblesse castillane. Philippe le Beau devient leur favori, mais sa mort coupe net toute tentative. Ferdinand meurt en 1516, mais sa fille, la mère de Charles Quint, est jugée inapte à gouverner à cause de ses problèmes psychologiques. Charles est alors nommé Roi de Castille et d'Aragon. Le 18 septembre 1517, il arrive en Espagne. Reste le problème de Ferdinand. Ce dernier est exilé du royaume et hérite de la couronne de Hongrie.

C'est le 18 novembre 1517 que Charles fait sa première entrée royale à Valladolid. Il est mal accueilli, car il ne parle pas encore espagnol et n'est entouré que de Flamands. Par la suite, les choses se passent mieux à Barcelone et Saragosse. Le 28 juin, il apprend la mort de son grand père et se présente à l'élection palatine.

Il est élu empereur en 1520. La noblesse ne voit pas d'un très bon œil cette élection craignant que l'Espagne ne soit plus qu'une simple province du Saint Empire. La Castille se soulève. Les insurgés veulent libérer Jeanne et la mettre sur le trône. Les communeros un groupe de nobles, refusent de favoriser la politique de Charles Quint. Ils affirment que les assemblées nobiliaires sont supérieures au roi. C'est bien une révolution qui se prépare. Charles Quint envoie l'armée et le mouvement est réprimé dans le sang. Il sait en tirer les enseignements et tâche par la suite d'être plus proche du peuple espagnol. C'est ainsi qu'il apprend la langue, nomme comme principaux ministres des Espagnols, épouse Isabelle du Portugal, qui meurt en couche le 1er mars 1539.


L'Espagne de Charles Quint
L'Empire de Charles Quint, aussi vaste soit-il n'est que la somme de principautés sans grande cohésion entre elles. Les Espagnols centre de l'Empire, ont du mal à s'accoutumer aux coutumes bourguignonnes, qu'ils jugent trop rudes. C'est Charles Quint qui fixe les règles de l'étiquette de la cour. Il s'appuie sur la plus riche province de son royaume à savoir la Castille et des assemblées regroupant l'aristocratie locale et le clergé. Mais ces assemblées ne sont pas en mesure de s'opposer au pouvoir royal. Une série de conseils assurent le fonctionnement des pouvoirs publics. Cette collégialité est une des caractéristiques de l'administration des Habsbourg et est composée en majorité de juristes.

Charles Quint favorise les exportations de laine, mais la concurrence étrangère est rude. Les autorités municipales s'inquiètent des vagabonds et des chômeurs qui errent dans les rues. Une politique salariale est mise en place, en plus de l'interdiction pour les chômeurs de toucher l'aumône. Depuis le début du siècle, l'Espagne reçoit une quantité croissante de métaux précieux, ce qui permet de combler les déficits, mais ne résout pas les problèmes sur du long terme. Les banquiers italiens, grands négociateurs doivent dépenser leurs bénéfices en Espagne. Ils achètent des matières premières et des produits agricoles, qu'ils revendent à l'étranger. Ce système accroît la pratique des exploitations agricoles et enferme le pays dans ce type de production.

L'unité religieuse de l'Espagne fait rêver. Pourtant elle est le fruit de l'inquisition et de ses méthodes rigoureuses. Par ailleurs à la fin du XVe siècle, les juifs doivent se convertir ou quitter le pays. Isabelle en 1492, décide de tous les expulser et elle repousse les musulmans en Afrique du Nord. L'inquisition réservée aux juifs, s'étend peu à peu à toutes les formes d'hétérodoxie et surtout au protestantisme.


L'Empire des Indes
En vingt ans et grâce à des aventuriers, les deux empires d'Amérique se sont effondrés et passent sous domination espagnole. Ce nouvel empire repose sur une administration simple, mais efficace. A la base dans les villes, les conquistadors mettent en place des conseils municipaux où sont tolérés les indigènes. Des fonctionnaires royaux et des juristes sont chargés de rendre la justice. En 1524 est créé le Conseil des Indes. Il a une mission d'information, de direction et de contrôle. Des rivalités existent entre les officiers royaux et les conquistadors qui considèrent ces pays comme leur appartenant, puisqu'ils se sont battus pour ça.

Les nouvelles colonies n'ont qu'un seul but le commerce. Elles doivent fournir à l'Espagne tout ce qui n'existe pas en Europe. Séville devient la plaque tournante de ce nouveau commerce. C'est surtout l'or, l'argent, les épices et les bijoux, qui font la richesse de l'Espagne. La colonisation espagnole repose sur l'exploitation du sol et du peuplement.

Dès 1511, des voix s'élèvent pour dénoncer les méthodes de colonisation. Les lois de Burgos avaient cherché à limiter les abus en réglementant le travail forcé. Un professeur de théologie de l'université de Salamanque nommé Francisco Vitoria réfléchit sur la colonisation. Pour lui, l'Espagne n'avait pas le droit de conquérir les empires américains. Toutefois, elle a le devoir d'intervenir pour mettre fin aux mœurs inhumaines et à la tyrannie exercée sur les tribus soumises aux Aztèques et aux Incas. Charles Quint tente de faire interdire les écrits de Vitoria, mais en vain. En 1542, Las Casas montre qu'il est nécessaire de préserver la population indigène et donc d'abolir le travail forcé. Une nouvelle loi transforme les indiens en sujet du roi d'Espagne, mais devant le nombre important de révoltes Charles Quint décide de la supprimer. Le 15 avril 1550, il ordonne de suspendre toutes les opérations de conquête et demande qu'une commission soit saisie du dossier. Elle se compose du Conseil des Indes et de quatre théologiens et se réunit à Valladolid. Ils ne parviennent pas à se mettre d'accord. Il n'en reste pas moine que Charles Quint a eu le courage et le mérite de demander leur avis aux intellectuels de son temps, même s'il savait que cet avis risquait d'être défavorable à sa politique coloniale.


Vers la monarchie universelle ?
C'est sous le titre d'empereur et non de roi que Charles Quint est connu. Il tenait à cette dignité et a payé le prix fort pour l'obtenir, 50.000 florins versés aux sept électeurs paladins. Charles Quint veut redonner à l'Empire sa vision médiévale, c'est à dire un empire regroupant tous les chrétiens dirigés temporellement par l'Empereur et spirituellement par le Pape. Pour lui, il est normal que tous les Européens s'unissent, afin d'éviter une invasion des Turcs et la propagation des idées de Luther. L'Empire tel que le conçoit Charles Quint a pour vocation de représenter les intérêts supérieurs de la chrétienté et de coordonner sous l'autorité morale de son titulaire, l'action des souverains nationaux pour leur éviter de s'engager dans des querelles fratricides.

La Flandre s'intègre mal à l'Empire. Des révoltes éclatent en 1538. Elles sont réprimées dans le sang. C'est le premier signe du malaise entre les Flandres et l'Espagne. Pourtant, Charles Quint est perçu comme l'enfant du pays. Il est respecté. Néanmoins, l'Espagne n'accepte pas vraiment de suivre son roi dans ses grands dessins. Elle lui fournit les crédits et les hommes toujours à contre cœur. Ni la croisade contre les Turcs ni la lutte contre le protestantisme, ne soulèvent l'enthousiasme. C'est que pour les Espagnols le danger est plus proche. Il s'agit des pirates d'Afrique du Nord, qui font de fréquentes razzias sur leurs côtes. Les Espagnols admirent la hauteur de ses vues et ils éprouvent de la fierté d'être gouverné par un si grand monarque.

Il revient à l'empereur en vertu de ses responsabilités supranationales de coordonner l'action des Etats chrétiens face au péril turc, mais le grand ennemi de l'Espagne est la France à cause de l'Italie et de la Bourgogne. La péninsule italienne est le théâtre des affrontements entre les deux grandes puissances. La France s'allie avec les Ottomans, afin de contrer la puissance espagnole en Méditerranée. Cette alliance est la preuve que la croisade est un idéal perdu. L'appui de la Papauté et de quelques états italiens ne permet pas à Charles Quint de mener une guerre ouverte contre les Turcs.

La diffusion du protestantisme pose un autre problème. Si les chrétiens sont divisés comment peut-on battre les Turcs ? D'autant plus que le schisme se développe en Allemagne terre d'Empire. Dès le début, Charles Quint réprouve Luther à qu'il reproche de bafouer les traditions séculaires de l'Eglise, mais il répugne à employer les armes. C'est ainsi qu'il ordonne la réunion de Worms en 1521. L'année suivante, le nouveau Pape Adrien VI qui était le précepteur de l'Empereur, meurt après seulement quelques mois de pontificat. Il est remplacé par Clément VII un Médicis, voulant préserver l'Italie de l'occupation étrangère. La situation s'envenime. Le Pape refuse d'ordonner un concile général comme le souhaite Charles Quint. La guerre éclate.

Au début de l'année 1527, l'armée espagnole positionnée au Nord de l'Italie se met en route pour Rome. Elle est commandée par un français le connétable de Bourbon et comprend des soldats, espagnols, italiens, allemands et suisses. Or le connétable n'a pas de fonds pour assurer la solde des soldats. Il ne les tient qu'en leur promettant le butin de Rome. L'assaut a lieu le 6 mai. Bourbon est tué dès le premier jour. Sans chef, les soldats se livrent aux pires atrocités. L'armée quitte la ville en février 1528. Des mémoires espagnols voient le jour pour justifier le sac de Rome. L'Eglise et le Pape se sont enrichis au détriment des fidèles. Charles Quint sera celui qui restaurera l'ancienne Eglise. Mais Charles Quint veut surtout se réconcilier avec le Pape. En 1530, il reçoit des mains de Clément VII la couronne impériale. Cependant, les relations restent tendues. Jamais, Charles Quint ne trouvera auprès du Pape un interlocuteur partageant ses vues sur la réforme de l'Eglise.

Adrien d'Utrecht avait inculqué à Charles Quint une foi et une pratique religieuse des plus simples auxquelles l'empereur restera toujours fidèle. Il est persuadé qu'on peut régler le schisme de Luther au prix de concessions mutuelles, sans remettre en cause le dogme. Pendant plus de vingt ans, tous les efforts de la politique impériale tendent à aplanir les différences et à rapprocher les deux camps. Les Espagnols se préoccupent peu de ce qui se passe en Allemagne. Plus le temps passe, plus les positions se durcissent et à cela se mêlent des questions politiques. Les princes allemands se servent du protestantisme pour accroître leur pouvoir. Lassé, l'Empereur entre en guerre contre les protestants, mais en vain. La paix d'Augsbourg en 1555 met un point final à tous les efforts de Charles Quint. Chaque Etat allemand se voit le droit d'imposer à ses ressortissants la religion du prince. L'Europe se constitue désormais sur d'autres bases que la foi.

Charles Quint n'a pas pu réaliser les deux grands objectifs qu'il s'était fixé. Les Turcs font des percées en Europe et le protestantisme se propage. Aussi curieux que cela puisse être, ces objectifs sont déjà anachroniques au XVIe siècle. Charles Quint avait en tant qu'empereur une vision européenne de sa politique à une époque où les Etats ne s'intéressent qu'à leurs intérêts nationaux.

Le 22 octobre 1555 à Bruxelles, Charles Quint se dépouille de la Toison d'Or et de la couronne des Pays-Bas et la remet à Guillaume d'Orange. Le 16 janvier 1556, il remet à son fils Philippe II la couronne de Castille, d'Aragon, de Sicile et des Indes. Puis, il se retire au monastère de Yuste. C'est ici qu'il passe ses dernières années. Il se promène à cheval, cultive son jardin et se livre à l'horlogerie avec l'italien Turiano. Il meurt le 21 novembre 1558 à deux heures du matin.


Source :
texte : PEREZ. Joseph : Charles Quint
image : hérodote.net

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