vendredi 5 novembre 2010

Les Croisades


Le monde méditerranéen à la veille des croisades
Etendu de l'Inde à l'Espagne, le monde musulman tire son unité de la prééminence de l'Islam et de la langue arabe. Les villes nombreuses présentent toutes le même aspect et sont le siège d'un commerce international A la mort de Mahomet, tous les territoires relevant de l'Islam sont rassemblés sous l'autorité d'un calife. Après les Omeyyades et les Abbassides, le califat connaît un long déclin politique. Il subit la sécession des régions éloignées et doit compter avec la contestation de sa légitimité par des dissidents religieux, comme les chiites. En Afrique du Nord, les Fatimides qui sont chiites se proclament calife, conquièrent l'Egypte et fondent Le Caire.

Les Turcs convertis à l'Islam prennent de plus en plus d'importance. Leur chef Toghul-Bed de la famille des Seldjoukides s'impose au califat de Bagdad et se proclame sultan. Au milieu du XIe siècle, les Turcs se retournent contre Byzance et remportent la bataille de Montzikert en 1071. Les sultans ne parviennent pas à recréer l'unité. Les Fatimides restent indépendants. De plus en 1092, à la mort de Malik Shah, le califat se martèle en plusieurs principautés. Enfin, les multiples particularismes religieux ne font que renforcer ce phénomène.

En 1025, Byzance est à son apogée et couvre une bonne partie de l'Europe de l'Est, ainsi qu'une partie de l'Asie Mineure. L'administration avec à sa tête le basileus, forme un vaste réseau qui enserre la société. Constantinople resplendit par la beauté et la richesse de ses monuments. L'aristocratie militaire et foncière voit sa puissance diminuée par l'ascension des marchands et de la bourgeoisie. Mais la guerre contre les Turcs leur donne l'occasion de revenir. Byzantins et musulmans ont noué de forts liens économiques et culturels. Vis à vis des occidentaux, les Byzantins éprouvent mépris et méfiance.

Au début du XIe siècle, l'Occident est vide d'hommes, ses paysans sont pauvres et assujettis. La monnaie ne circule plus, la culture est cantonnée aux cours et aux monastères. La brutalité caractérise les rapports sociaux. Peu à peu la situation s'améliore. Les outils et les techniques agricoles se perfectionnent, ce qui provoque un recul de la maladie et une croissance démographique. Les villes commencent à se développer et à commercer. Des changements interviennent dans l'art de combattre Vêtus d'une cuirasse et d'un casque, les seigneurs perfectionnent leur armement. La guerre devient une affaire de spécialistes, qui nécessite un entraînement et des moyens financiers. Se développe ainsi la chevalerie, caste militaire dont les valeurs sont la force, l'honneur et le courage. Les gens d'Eglise participent parfois à l'idéal chevaleresque. L'Eglise réussit à dégager le clergé de la féodalité par la réforme grégorienne. La paix de Dieu est établie. Elle a pour but d'empêcher la guerre entre chrétiens et de lui donner une empreinte religieuse. Le chevalier devient un héros pieux défendant l'Eglise et les opprimés.

L'Occident a pour unique ciment la religion chrétienne et ses dogmes. Dans ce cadre, la Palestine et Jérusalem occupent une place importante, notamment pour les pèlerinages. Les musulmans ne s’y sont guère opposés jusque dans les années 1080, où des persécutions commencent. En 1095 à Clermont, le pape Urbain II lance un appel à tous les seigneurs occidentaux pour libérer les lieux saints. Par ailleurs, les nouvelles venant de Byzance montrent que le christianisme est en danger. De plus, c'est le seul moyen de rassembler les seigneurs occidentaux sous l'autorité d'un seul chef.


Première croisade et fondation des Etats Latins d'Orient
Urbain II ne pensait pas que son appel, serait autant suivi. Quatre grandes armées partent pour la Terre Sainte, composées de multiples nationalités. Les seigneurs désirent l'absolution de leurs pêchés et aussi conquérir de nouvelles terres. De plus, la ferveur gagne aussi les paysans, qui accompagnent les seigneurs en grand nombre. Ces derniers sont guidés par Pierre l'Ermite.

La longue marche des croisés a été marquée par des pillages, des destructions et des massacres de juifs en Hongrie et en Rhénanie. Ils arrivent à Constantinople en 1096 et Alexis Ier empereur de Byzance ne tarde pas à les faire traverser le Bosphore. En Turquie, les premières guerres commencent et sont des désastres. Le Basileus met en place le rapatriement d'un grand nombre de paysans. Les croisés expliquent cette défaite par la trahison du Basileus et dorénavant s'en méfient. Alexis Ier est obligé de négocier pour que son empire ne soit pas attaqué par les croisés. Ces derniers repartent et parviennent en Syrie en 1097. L'année suivante, Baudouin conquiert Edesse en Arménie et fonde le premier état.

Pendant ce temps, les croisés mettent le siège devant Antioche. Faute de matériel, ils ne peuvent pas la prendre d'assaut. La ville finit par tomber à la suite d'une trahison. Les grands seigneurs se querellent sur celui qui dirigera la ville. C'est Bohémond qui l'emporte. Les croisés soutenus par la ferveur populaire, repartent pour Jérusalem. La ville est en vue en 1099. Après de longues prières et un jeun, l'assaut est lancé le 13 juin. La situation et la température ne jouent pas en faveur des assiégeants. Le 8 novembre afin de demander l'aide de Dieu, on ordonne de nouvelles pénitences. Le 15 la ville finit par tomber. Les Juifs et les Arabes sont massacrés. La ville doit être conservée et défendue. On discute sur les moyens de le faire. Godefroi de Bouillon est chargé de la protéger et de la gouverner. Il nomme son frère comme héritier.


Les Etats Latins d'Orient à leur apogée
Dans les Etats Latins, le roi est héréditaire et ne dispose pas d'appareils administratifs. La vie du royaume se concentre à la cour où se regroupent les seigneurs. Le gouvernement de chaque seigneurie est dévolu à un seigneur, qui doit tout au roi. Il a le droit de justice, de percevoir les taxes et de mobiliser des troupes. Seules les communes échappent partiellement à l'autorité du roi. Ce sont des colonies fondées à l'intérieur des villes par des Italiens, Français et Espagnols. Leurs membres appartiennent à la bourgeoisie. Ils tirent leur force du commerce, mais surtout de la marine.

La puissance des Francs est fragile, car ils ne cherchent qu'à dominer les vaincus. Un fossé s'élargit entre les chrétiens et les musulmans et entre les villes et les campagnes. Les Francs prennent la place des propriétaires musulmans et soumettent les paysans à de lourdes taxes. En revanche, ils ne changent rien au fonctionnement interne des seigneuries.

Les Francs ne montrent aucune souplesse. Ils constituent une hiérarchie ecclésiastique latine et s'adjugent les églises, ce qui ne favorise pas de bonnes relations avec Byzance, où l'orthodoxie domine Pour eux, les Francs deviennent des ennemis pires que les musulmans. L'arrivée d'émigrants, les alliances et l'hérédité des seigneuries, font que les états deviennent trop étroits pour contenter tout le monde. Une hiérarchie de la noblesse se crée, ce qui engendre une concurrence et l'émergence de puissants seigneurs capables de jouer un rôle politique important.
Au XIe siècle, deux ordres religieux se créent les Templiers et les Hospitaliers, qui sont chargés d'assurer la sécurité des pèlerins. Au fur et à mesure, ils deviennent des ordres assez puissants pour être quasi indépendants.


Zengi, Nur ed Din et l'unification de la Syrie
Dès leur arrivée, les Francs ont scandalisé par leur brutalité, leur sectarisme et leur barbarisme. A partir de 1114, toutes les villes des environs d'Antioche rejoignent Alep. En 1117, des révoltes éclatent. En 1120, l'événement décisif est le changement d'état d'esprit de la bourgeoisie d'Alep et de Damas, atteinte dans leur dignité comme dans leurs intérêts. En effet, les Francs contrôlent de plus en plus les routes commerciales. L'idéal de jihad renaît, se nourrissant d'un danger grandissant pour la religion musulmane et pour l'indépendance des musulmans.

En 1124, l'émir d'Alep est obligé de demander l'aide de l'émir de Mossoul. Ce dernier accepte à la condition que la ville soit placée sous son commandement. Cette union est dirigée par Zengi dont le principal souci est d'imposer sa puissance au Moyen Orient. Par la conquête, il parvient à s'imposer et s'empare de nombreux territoires. En 1135, il n'a pas réussi à prendre Damas, mais il a amputé les Etats Latins d'un tiers de leur surface. Par ailleurs, les Francs ne peuvent pas compter sur une aide des Byzantins. Zengi se tourne contre Edesse, qui constitue une menace pour les caravanes entre Alep et Mossoul. Profitant de l'affaiblissement de l'armée adverse, il prend la ville en 1144 après un siège d'un mois. Il ne massacre pas les habitants. Au contraire, il leur procure des privilèges. La même année, Zengi est assassiné.

Son fils Nur ed Din lui succède. Devant l'annonce de la catastrophe, une nouvelle croisade est prêchée par Saint Bernard et organisée par Louis VII roi de France et Conrad III empereur germanique. Les croisés arrivent en 1148. L'armée allemande est vite anéantie. Les Français harcelés préfèrent se rendre à Jérusalem plutôt que d'attaquer Alep, puis regagnent la France. En 1149, c'est la principauté d'Antioche qui tombe puis Damas. Toute la Syrie est unifiée politiquement et ses frontières se sont étendues.

Baudouin III, roi de Jérusalem demande l'aide de Byzance sans grand résultat. Nur ed Din ne se contente pas d'attaquer les Etats Latins, il s'empare aussi de l'Anatolie et d'une partie de l'Irak. Nur ed Din fait du jihad une théorie complète qui marque sa ligne politique, puis il y ajoute le concept de la sainteté de Jérusalem et la nécessité de rétablir l'unité politique du Proche Orient, afin d'expulser les Francs. Cette idéologie du jihad se diffuse à partir des établissements religieux. Nur ed Din refonde et renforce l'administration, l'économie et les moyens de communication. Il construit également de puissantes forteresses.

En 1164, Nur ed Din rêve de s emparer de l'Egypte et la situation le lui permet, mais c'est sans compter sur une alliance du vizir égyptien avec les Francs. Cette fois un accord est conclu avec Byzance. La guerre éclate en 1169 et les Francs doivent se retirer. L'Egypte passe à un neveu du vizir nommé Saladin, qui noue une alliance avec la Syrie. La mort de Nur ed Din le 15 mai 1175, fait de Saladin la principale force de l'Islam.


Victoires de Saladin et survivance des Etats Latins d'Orient
Saladin met neuf ans à construire et solidifier son empire. Il se heurte à plusieurs ennemis comme les Francs et les Zengides, qui tiennent Alep et Mossoul. Entre 1175 et 1180, l'avantage va aux Francs, mais de nouvelles tensions avec Byzance font basculer la balance. Victoires et défaites se succèdent. Les Francs gardent leurs villes et leurs forteresses, mais subissent des défaites au cœur de leur territoire. Une trêve est signée en 1180.

La guerre reprend un an plus tard, mais Saladin préfère en finir avec les Zengides. En juin 1183, il prend enfin Alep et s'impose comme le maître absolu. En 1182, une expédition franque a pour but d'attaquer La Mecque. Saladin l'empêche in extremis et se pose comme le défenseur de la religion. Les Francs restent groupés dans leurs forteresses et il est impossible de les en déloger. Une nouvelle trêve est signée en 1185. Saladin a besoin de temps pour mettre à profit les immenses richesses de son nouvel empire et en composer une armée qui en soit digne. Notamment, il remet sur pied une marine.

Les états Latins s'affaiblissent. Baudouin IV étant malade, des clans se forment pour prendre le pouvoir. Pourtant, le roi a confié sa couronne à Gui de Lusignan. Mais à la suite d'une rixe, il le déshérite en faveur de Raymond et de son neveu Baudouin. Ce dernier monte sur le trône sous le nom de Baudouin V et ne règne qu'un an. Gui de Lusignan écarte Raymond et se fait couronner roi. Raymond s'enfuit et tente de passer un accord avec Saladin pour recouvrer sa couronne. Profitant de ces faiblesses, Saladin reprend la guerre en 1187. Gui et Raymond se réconcilient. Les deux armées se retrouvent à Hattin. Les musulmans deux fois supérieurs, ne font qu'une bouchée des francs. Le sultan traite Gui de Lusignan en roi et épargne les prisonniers. En revanche, il fait exécuter tous les templiers et tous les hospitaliers qu'il rencontre. Par la suite, il soumet une à une les villes franques et reprend Jérusalem le 2 octobre 1187. Seul le royaume de Tyr gouverné par Conrad de Montferrat résiste avec la principauté d'Antioche. Les deux royaumes sont trop isolés pour faire quoique ce soit.

La troisième croisade démarre avec l'accord du Pape, l'Empereur Frédéric Barberousse, le roi d'Angleterre Richard Cœur de Lion et le roi de France Philippe Auguste. Accompagnés de nombreux contingents, ils partent pour le Proche Orient en 1190. Après la prise de Chypre et d'Alep, Philippe Auguste regagne la France. Richard Cœur de Lion remporte de nombreuses batailles. Le 2 novembre 1192, une trêve est conclue. Saladin garde l'Egypte, les Francs récupèrent la côte de Tyr à Jaffa. Tous les pèlerins quelque soit leur religion doivent être protégés. Les Etats Latins survivent donc. Ils sont trop faibles pour constituer un danger et en même temps trop forts pour être anéantis.

Les successeurs de Saladin, comme ceux des rois Francs, ne souhaitent plus la guerre. Toutefois, la Papauté s'obstine. Une quatrième croisade est décidée, mais elle est détournée dans des conditions complexes. Pour venir en aide aux Vénitiens, dont le commerce est perturbé par les Byzantins, les croisés attaquent et pillent Constantinople avant de rentrer chez eux.

La cinquième croisade (1217-1219) se déroule en Egypte. Les Francs espèrent échanger Jérusalem contre ce pays. Le plan est à deux doigts de réussir, mais finit par échouer à cause des ordres du pape. La sixième croisade débute au milieu du XIIIe siècle. Elle est favorisée par l'avancée des Mongols près de la Mer Caspienne. Toutefois, celle ci est de nouveau le théâtre de plusieurs scandales. En effet, elle est menée par l'empereur Frédéric II qui a été excommunié. Le 11 février 1229, il récupère Jérusalem par négociation. Cette situation ne dure guère longtemps. Innocent IV ordonne alors une septième croisade qui est dirigée par Saint Louis roi de France en 1248. C'est de nouveau un échec. Le roi est capturé et la France doit verser une énorme rançon.

C'est alors que la puissance mongole s'affirme. Hulagin fonde un état en Syrie. En 1258, il prend Bagdad et renverse le califat abbasside. Leur avancée est arrêtée par les Mamelouks en 1260. Face à cette menace, le sultan du Caire s'empare d'une part importante des états Latins. Une huitième croisade est alors engagée en 1270 pour les libérer. Celle ci est stoppée par la mort de Saint Louis devant Tunis. En 1281, les Mongols reprennent leur offensive. Ils sont de nouveau arrêtés. C'est alors que le sultan Kalaoun décide d'en finir avec les états Latins. Acre est prise le 18 mai 1291. Tout les Francs sont chassés sans espoir de retour. Seule Chypre reste aux Francs. Ainsi se termine une époque de deux siècles qui a engendré une hostilité, une méfiance et une incompréhension réciproques qui dureront plusieurs siècles.



"Jamais répondit le duc d'Auge. Je lui ai déjà expliqué que je ne voulais plus remettre les pieds dans ces bleds impossibles. Une croisade c'est beaucoup, deux c'est trop."
Raymond Queneau


Source :
Texte : TATE. George, Les Croisades
Image : thetrum-belli.com

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