vendredi 26 novembre 2010

Gandhi

Les quatre cents coups
Mohandas Gandhi est né le 2 octobre 1869 à Porbandar, une ville de pêcheurs et d’armateurs sur le bord de la mer d’Oman. Depuis plusieurs générations, les Gandhi assume la fonction de premier ministre de cette petite principauté. La famille appartient à la troisième caste, celle des marchands. D’ailleurs, Gandhi signifie épicier. Il est issu du quatrième mariage de son père Karamchand Gandhi avec Putlibai fervente pratiquante hindoue.

A quatorze ans, on le marie à une adolescente prénommée Kasturbai. A seize ans, il perd son père et sa femme fait une fausse couche. A dix huit ans, il termine ses études et décide d’aller en Angleterre, afin d’apprendre le droit. Sa mère refuse et il est excommunié par la communauté hindoue.

Arrivé en Angleterre, il apprend toutes les coutumes occidentales, ainsi que le violon, la danse et le français. Respectant les traditions hindoues, il demeure végétarien. Il fait des économies sur tous, sauf sur les vêtements. Il lit de nombreux textes religieux et notamment ceux hindous. En 1891, il s’inscrit au barreau de Londres et devient avocat, avant de repartir pour Bombay. Sa mère est morte. Il est engagé par une firme indienne et part en Afrique du Sud, afin de régler des affaires juridiques.


Travaux pratiques de vérité
Arrivé à Pretoria, il se rend compte de la manière dont les Indiens sont traités par les blancs. Il ne cesse de protester dans un grand nombre de réunions et obtient le droit que les indiens ayant les moyens pourront voyager en première classe. Lorsqu’il apprend que le gouvernement du Natal s’apprête à priver les Indiens du droit d’élire les membres du corps législatif, il refuse de rentrer.
Il fonde le congrès Indien du Natal. Il réunit deux milles signature sur sa pétition et publie deux ouvrages. Conscient que son combat sera long, il décide d’aller chercher sa famille en Inde, seulement le pays est ravagé par la peste. Gandhi offre ses services à la ville de Rajkot comme inspecteur de l’hygiène. Il en profite pour sensibiliser ses compatriotes au sort des Indiens en Afrique du Sud. Il fait appel à la presse, rencontre les leaders du Congrès. De retour en Afrique, il est violemment agressé, mais ne porte pas plainte, préférant susciter la compassion.

En 1899, la seconde guerre des Boers éclate. Il s’engage comme brancardier. Il est médaillé avant de s’installer à Johannesburg avec sa famille. Il se rase la tête et limite ses repas à quelques fruits secs et jeune régulièrement. Il décide de vivre de manière collective dans une ferme. C’est le premier ashram, signifiant vie collective et maison de prière ». Les règles de vie sont monacales et on produit tout soi même.

En 1906, la révolte des Zoulous gronde. Gandhi s’engage une nouvelle fois comme brancardier et accède au statut de sergent chef. A son retour, il fait vœu de chasteté. Le gouvernement du Transvaal publie un projet de loi obligeant tous les indiens à se faire inscrire auprès des autorités. Gandhi obtient de ses confrères la désobéissance civile. Il baptise son précepte Satyagraha, « la force de la vérité », dire non avec ténacité, publiquement, mais sans violence. Réduire les actes permet de réduire les risques de violence. La loi est votée et Gandhi refusant de s’y soumettre, est arrêté.

En 1913, le général Smuts décide que seuls les mariages chrétiens seront légaux. Toutes les autres femmes se joignent au mouvement de Gandhi, bientôt rejointes par les mineurs. Des milliers d’Indiens sont emprisonnés. Les ouvriers blancs des chemins de fer se mettent à leur tour en grève. Londres demande la libération de Gandhi, qui est exaucé. Smuts et Gandhi signent plusieurs lois : tous les mariages religieux sont légaux, certaines taxes spécifiques aux Indiens sont supprimées, mais leur déplacement restent contrôlés.


L’art de devenir grand père
Gandhi et sa famille rentrent en Inde. Ils s’installent à Ahmedabad, une ville industrielle du Nord-ouest, où il se lie d’amitié avec des chefs d’entreprise. Il fonde un nouvel ashram. Après avoir parcouru le pays en train, il rédige un manifeste pour l’autonomie des Indes.

En 1916, un paysan vient le trouver pour lui demander de l’aide. Les paysans du Bihâr cultivant l’indigo, sont exploités par les propriétaires anglais. Après s’être rendu sur place et enquêté, Gandhi se rend au tribunal, afin de plaider la cause des paysans. Il obtient en remboursement, 25% des sommes versées injustement. Ensuite, ce sont les ouvriers du textile réclament une augmentation, qui viennent le trouver. Gandhi les incite à la grève et exige qu’ils ne retournent pas au travail avant d’avoir obtenu satisfaction, lui même arrête de se nourrir. Trois jours plus tard, une augmentation est accordée. Affaibli, Gandhi tombe gravement malade et est à deux doigts de mourir.

En 1918, le Royaume Uni promulgue la loi Rowlatt, prolongeant en temps de paix les restitutions de libertés imposées pendant les hostilités. Immédiatement, Gandhi propose le hartal, une suspension totale de l’activité dans toutes les Indes. Gandhi est suivi et la vie est suspendue. Le 13 avril, les troupes du général Dyer tire sans sommation sur des Indiens rassemblés pour un meeting à Amritsar, faisant plus de 300 morts. Le général passe devant une commission et démissionne de l’armée. Gandhi se sent coupable et suspend le mouvement.

En novembre 1919, il participe à une conférence musulmane pour le soutien au Califat, menacée par l’imminence de la déposition du sultan. Gandhi saisit l’occasion pour mettre en avant le principe de la non coopération. Pour ruiner l’empire, il suffit de la boycotter. Les Indiens ne doivent plus aller dans les écoles britanniques, ne plus plaider dans leurs tribunaux, ne plus accepter leurs emplois, ne plus acheter de produits venant de Grande Bretagne. Motilal Nehru abandonne son métier d’avocat, imité par des centaines de juristes. Les étudiants désertent les universités. Dans les villages, les paysans cessent de payer l’impôt. Lors de meeting, les vêtements sont brûlés. Gandhi explique qu’il faut maintenant filer le coton indien soi même avec le rouet traditionnel. Le drapeau du Congrès arbore le rouet comme nouveau sigle.

En 1921, lord Reading est nommé vice roi des Indes. Il tente de négocier avec Gandhi sans succès. Ce dernier est arrêté et condamné à six ans de prison. Il est libéré au bout de deux ans. Entre temps, le mouvement s’est éteint et la vie a reprise. Les relations entre musulmans et hindous sont tendues. Gandhi craignant une vague de violence, décide de jeûner. Son geste lui permet de rencontrer les chefs des deux religions. Il entreprend une nouvelle grande tournée en Inde. En 1925, il est nommé à la tête du Congrès, mais démissionne rapidement au profit de la poétesse Sarojini Naidu. En 1927, il reprend les meetings, pour lutter contre les mariages d’enfants, la protection des vaches et la promotion de l’hindoustani comme langue nationale. Agé de soixante ans, Gandhi s’épuise rapidement. Dans le pays, on le surnomme Bapu « le grand père ».


Les années de gloire
En 1928, 87.000 paysans de Bardoli refusent l’augmentation de leurs taxes. On saisit leur bétail, leurs terres, leurs biens. Le 12 juin, Gandhi déclare un hartal de soutien. Deux mois plus tard, le gouvernement cède. Cependant, les jeunes du Congrès s’impatientent et passent à l’acte. Ils réclament une déclaration d’indépendance et la guerre civile. Gandhi se bat pour qu’on laisse deux ans de préavis au British Raj. Il obtient une année. Des extrémistes posent des bombes et la police britannique riposte violemment. Lord Irwin promet au Congrès une table ronde réunissant britanniques et indiens. La conférence n’aura jamais lieu. Irwin échappant de justesse à un attentat et le Parlement britannique s’y oppose.

Le 2 mars 1930, Gandhi prévient le vice roi qu’il entre en lutte contre la taxe sur le sel. Avec soixante personnes, il part en pèlerinage et fait des meetings. La non coopération ressuscite. Gandhi est rejoint par des milliers d’Indiens. Une véritable folie du sel s’empare du pays. Partout, on vend du sel en contrebande. La police opère de nombreuses arrestations. Gandhi est une nouvelle fois en prison.

Une conférence se réunit en 1931, dont Gandhi fait partie. Avec lord Irwin, il signe le pacte de Delhi : tous les prisonniers accusés de contrebande de sel sont libérés, la fabrication du sel marin devient légal et le Congrès doit être présent à toutes les conférences. Gandhi, Naidu et plusieurs membres du Congrès se rendent à Londres. Il rencontre des ouvriers du textile, Charlie Chaplin, le roi et la reine, le général Smuts et donne des conférences à l’université d’Oxford. Il tente de convaincre l’opinion anglaise de la nécessité d’une indépendance de l’Inde. Lors de la conférence, les choses se compliquent. Les différentes communautés religieuses et ethniques ne parviennent pas à se mettre d’accord. C’est un échec. Gandhi se rend à Paris, puis à Villeneuve en Suisse, où il rencontre Romain Rolland. En Italie, il rencontre Mussolini, mais pas le Pape qui refuse de le recevoir.

De retour en Inde, il se rend compte que les libertés viennent d’être réduites, les rassemblements et les boycottages interdits, les associations politiques dissoutes. Gandhi est arrêté avec soixante mille militants du Congrès. Le 17 août 1932, la nouvelle constitution s’apprête à instituer des régimes électoraux séparés pour les religions et les Intouchables. Gandhi conteste cette décision par un jeune. Gandhi est à l’article de la mort. Son état de santé force les dirigeants hindous, Intouchables et musulmans à trouver rapidement un accord. Le 24 septembre, le Pacte de Yeravda est conclu, mais Gandhi ne désire pas rompre le jeûne avant l’accord de Londres. Mac Donald Premier Ministre, étudie le texte et donne son accord.

En 1933, il est libéré, dissout son ashram et fonde un journal avant de se retirer de la vie politique. Désormais, il s’attache à réformer les Indes sans se soucier de son indépendance. Pour la politique, il y a son fils spirituel Jawaharlal Nehru. En 1934, il se retire du Congrès. Il parcourt le pays et fait la promotion de l’artisanat indien. Sa popularité est immense dans le pays, mais aussi dans le monde.


Les années crève cœur
Les nouveaux leaders du Congrès, tels Nehru, Azad et Jinnah, ne sont pas du tout pacifistes. A l’inverse de Gandhi, Nehru est matérialiste et athée. Pour la première fois, Gandhi n’est plus écouté. Face à la barbarie nazie, ses méthodes paraissent sans effet. En 1939, le Congrès échange une aide militaire à l’Angleterre contre l’indépendance de l’Inde. Londres refuse. Gandhi se rend de village en village pour prêcher la non coopération à l’effort de guerre. Roosevelt s’inquiète de l’avancée japonaise dans le Pacifique et dans la péninsule asiatique. Il exhorte Churchill à trouver un compromis avec l’Inde. Le Premier Ministre envoie Stafford Cripps à Delhi. Ce dernier promet à l’Inde le statut de dominion et une assemblée constituante, une fois la guerre terminée.

Le 13 avril 1942, il lance l’appel à la désobéissance finale. Il appelle à la révolution non violente totale. Churchill profite de l’occasion pour l’arrêter ainsi que les leaders du Congrès. Des actes de terrorisme ensanglantent le pays. Gandhi jeûne une nouvelle fois pour appeler au calme. Rien n’y fait. De plus, son fils meurt, puis sa femme en février 1944. Trois mois plus tard, il est libéré pour raison de santé. Après la guerre, les travaillistes arrivent au pouvoir. Clement Atlee nouveau Premier Ministre, négocie pour l’indépendance de l’Inde.

La conférence se tient à Simla. Gandhi s’y rend. Il découvre que le pire ennemi n’est plus les britanniques, mais Jinnah. Musulman, il prône un pays pur dans lequel tous les musulmans pourraient vivre. Nehru et Jinnah ne parviennent plus à s’entendre. Les Britanniques rejettent la division de l’Inde et forment un gouvernement provisoire, dont Nehru devient le chef. Le 16 août 1946, Jinnah appelle à la rébellion. Les manifestations vont 5.000 morts à Calcutta et 15.000 blessés. Partout, les musulmans s’en prennent violemment aux hindous et inversement. Gandhi reprend la route et par ses discours tentent de rassembler les deux communautés.

Le 15 août 1947, les Indes sont divisées en deux entités : l’Inde de Nehru et le Pakistan de Jinnah. Le drapeau orange, blanc et vert remplace l’Union Jack. Le rouet de Gandhi est remplacé par la roue d’Ashoka. Toute la nuit, des orateurs rendent hommage à Gandhi, faisant de lui le père de la nation. Néanmoins, Gandhi mécontent de cette division refuse les honneurs et n’envoie aucun message.


Le martyre
Douze millions de réfugiés quittent leur village, leur maison et partent rejoindre leurs pays en fonction de leur religion. Des émeutes et des massacres ont lieu régulièrement. Le 20 janvier 1948, une bombe est jetée par un extrémiste hindou, pendant une prière publique. Le 30 janvier alors qu’il sortait de sa maison de Delhi pour se rendre à la prière, il est approché par Nathuram Godsé, rédacteur en chef de l’hebdomadaire prohindou Mahasabha. Ce dernier l’abat de trois balles dans l’abdomen.

Partout dans le monde, les puissants et les grands lui rendent hommage comme à un chef d’Etat. Un deuil national est respecté. Gandhi se définissait comme un chercheur de vérité. Comme un chercheur, il était entêté oubliant parfois sa famille et ses amis et savait changer d’opinion quand il comprenait ses erreurs. Aucune de ses actions n’aurait pu réussir sans l’opinion publique. Au final, c’est le peuple qui juge et décide de le suivre ou non. Il se battait contre la domination britannique avec des armes fournies par la Grande Bretagne, en servant de ses traditions démocratiques. Obsédé par l’hygiène, par la lutte contre la sexualité, il mena une vie monacale. Toute sa vie, il lutta pour la liberté avec une malice et une gaieté inébranlable.



« Son sourire est merveilleux, son rire contagieux et sa légèreté de cœur rayonnante. »
Nehru

Source :
Texte : CLEMENT. Catherine : Gandhi athlète de la liberté
Images : temoignages.re ; Civilization 4

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